1263 - Précoce vendange, vendange tardive (journaux parisiens parallèles) (5)
Précoce vendange,
vendange tardive
Journaux parisiens parallèles
(Journal extime)
Work in progress
5
Lundi 6 septembre 2021
Matin
J’achète quelques livres d’occasion.
Après-midi
Je retourne au Musée Guimet.
Je débute ma visite au sous-sol par l’exposition consacrée au photographe Marc Riboud (les gens s’avèrent plutôt nombreux, davantage que dans le reste du musée).
Marc Riboud, Square du Vert-Galant devant le pont des Arts, Paris, 1952, Epreuve ultérieure gélatino-argentique
Marc Riboud, Manifestation contre la guerre au Vietnam, Washington, 21 octobre 1967, Epreuve ultérieure gélatino-argentique
Marc Riboud, la Jeune fille à la fleur, Manifestation contre la guerre au Vietnam, Washington, Etats-Unis, 21 octobre 1967, Epreuve ultérieure gélatino-argentique
Marc Riboud, Sur la terrasse supérieure du temple du Bayon, Angkor, Cambodge, 1968, Epreuve ultérieure gélatino-argentique
Marc Riboud, Moine devant un bas-relief du temple du Bayon, Angkor, Cambodge, 1990, Epreuve ultérieure gélatino-argentique
Marc Riboud, Manifestation anti-américaine au moment de la guerre de la guerre du Vietnam, Pékin, Chine, 1965, Epreuve ultérieure gélatino-argentique
Marc Riboud, Soldat devant le Palais du peuple, Pékin, Chine, 1971, Épreuve originale gélatino-argentique
Puis, mettant des pas dans mes pas, je procède à l’inverse de la fois précédente en commençant par le dernier niveau.
Bodhisattva Guanyin, Fours de Jingdezhen (province du Jiangxi), Dynastie Yuan (1279-1368), Porcelaine
Bodhisattva, Avalokitesvara tenant une tige de lotus et un flacon (?) en forme de feuille, Chine du Nord, Dynastie Wei de l'Est (534-550), daté 542, Marbre
THAÏLANDE, Bouddha, Provenance exacte inconnue 14e siècle, art thaï d'Ayutthaya, style d'U Thong A, Bronze doré
Harihara, Asram Maha Rosei (province de Ta Keo [Cambodge]), Style du Phnom Da, fin du 6e-7e siècle, Grès
CAMBODGE, Bodhisattva Lokeshvara transformé en Shiva, Phnom Trop D (province de Kompong Cham), Style des Khleang, dernier quart
Le bodhisattva Khasarpana-Lokeshvara, État du Bengale (?), Fin du 11e siècle - début du 12e siècle, époque pala-sena, Grès
“Chaussée des Géants”, Preah Khan, Angkor (province de Siem Reap), Phnom Penh, Fin du 12e siècle - début du 13e siècle, Grès
(Je ferai parfois des clichés des mêmes œuvres, par goût de la récidive et comme pour bien marquer certaine dilection.)
Bodhisattva assis, esquissant le geste d'argumentation, Chine du Nord, Cinq Dynasties (907-960) ou dynastie Liao (907-1125), début du Xe siècle, Bois avec traces de polychromie
Le Bodhisattva Avalokiteshvara (chinois : Guyanyin), Chine du Nord, Cinq Dynasties (907-960) ou dynastie Son (960-1279), 10e-11e siècle, Bois polychrome
Vishnu sous la forme d'Hayagriva (?), Sambor Prei Kuk (province de Kompong Thom), Style de Pre Rup, troisième quart du 10e siècle, Grès
Bouddha assis en méditation sur le serpent Preah Khan (province de Kompong Thom), Style du Bayon, fin du 12e siècle-début du 13e siècle, Grès
CAMBODGE, Visages d'une des tours du temple du Bayon, Angkor Thom (province de Siem Reap), Fin du 19e siècle, (original : fin du 12e siècle - début du 13e siècle), Moulages et surmoulages en plâtre patiné d'après des estampages à la terre
En vérité, la surface est moindre dans les derniers étages, et nous avions, Aymeric et moi, parcouru plus des trois quarts des lieux.
4 septembre 2021, fin d’après-midi et soirée
Aymeric, contre toute habitude, a cinq minutes de retard. Je l’attends Place Verlaine.
Le temps d’attacher son vélo et de mettre toutes ses affaires dans une sacoche qu’il emporte avec lui, nous sommes partis pour la terrasse accoutumée.
Nous commandons une pinte de bière — une bière d’abbaye belge pour moi, une « plus légère » pour Aymeric.
Le soleil chauffe bientôt assez durement.
Sans doute, Aymeric temporise-t-il. Notre conversation commence par des riens, comme pour nous mettre en jambes, avant qu’il me demande des nouvelles de mon père, de son veuvage récent.
Nous parlons alors de la cérémonie funéraire, dont je donne des détails.
A la mort de son père, qui avait exercé six ans un mandat de maire dans une petite commune bretonne, tous les notables assistaient à l’office religieux, tant et si bien que l’église ne pouvait contenir toute la foule, dont une partie était demeurée à l’extérieur, et Aymeric avait souffert, a contrario, de cette presse qui volait à la famille le recueillement nécessaire.
Il évoque ses vacances, médiocres d’abord au plan de la météorologie [dans l’Ariège ? la Drome ? ou l’Aude ? — je ne sais pourquoi ma mémoire est si rétive à l’endroit…], meilleures dans le Bourbonnais ensuite, à Vichy, ensoleillées à Toulouse, enfin. Il s’est absenté un mois complet sans presque revenir chez lui. Depuis, il a repris le travail, à un rythme bien plus soutenu, inconnu de lui durant les mois de confinement, la rentrée battant son plein.
Tout en conversant, nous jouons à cache-cache avec le soleil, changeons de place, bougeons nos chaises. Ma soif n’étant pas étanchée, je commande un Perrier.
Il me demande ce que j’ai fait ces jours derniers à Paris. Je retrace les expositions et musées que j’ai vus ainsi que les moments passés avec les amis.
Il a lu le dernier livre de Michel Houellebecq. Il en parle comme d’une mystification littéraire, un produit fabriqué, une plaisanterie faite au public, un autopastiche. Il s’est amusé de cette lecture, accomplie très rapidement. Mais, conclut-il, « ce n’est pas de la littérature ».
Une heure et demie passe, sans que nous nous rendions compte. Nous allons au restaurant indien (accoutumé, lui aussi) où j’ai réservé.
Aymeric me fait part du reclassement incertain dont il a été victime — vingt-cinq années se sont envolées, inexplicablement, de son parcours professionnel, alors qu’il occupait durant tout ce temps une fonction toute semblable à celle qu’il exerce dorénavant : il vient d’envoyer une lettre pour s’en étonner, en des termes mesurés, en guise de recours gracieux.
Les relations de subordination qu’Aymeric exerce sur son lieu de travail sont douces : il ne saurait, dit-il, faire preuve d’autorité, et il se réjouit de cela, de pareilles relations avec ses collègues. Il n’a dû intervenir que par exception, pour démêler une relation assez compliquée entre un délégué syndical (dont je lui conseillais l’assistance, si jamais le recours gracieux n’aboutissait pas) et le reste de son équipe, en tâchant de concilier au mieux les susceptibilités des uns et de l’autre.
Le télétravail, quand il est possible, a changé les envies et les mentalités : selon lui, il serait désormais désiré par ceux qui y ont goûté, ce qui constitue une différence notable entre ces derniers et ses collègues, rivés par nécessité à leur atelier. Ainsi la secrétaire de son supérieur hiérarchique, qui travaille quelquefois à distance, l’a chargé récemment de transmettre des documents et lettres à parapher : elle n’aurait songé à déléguer naguère…
Les étudiants sont revenus. La vie universitaire semble avoir repris son cours.
Comme d’ordinaire, nous apprécions notre repas, et l’addition est plus que raisonnable.
Il n’est pas très tard — à peine plus de 21 heures. Aussi nous transportons-nous sur une autre terrasse, tout en nous éloignant d’une jeunesse agglutinée au trottoir d’un carrefour. Nous nous posons dans un lieu calme — si calme que le serveur, invisible de l’endroit où nous sommes, au bout d’un quart d’heure n’a toujours pas paru et que je dois commander au comptoir.
J’évoque l’étonnant roman familial que j’ai appris par ma sœur quelque temps auparavant : nos parents n’auraient pas compris que j’étais gay avant que R., au moment de notre rupture, les harcèle jour et nuit. Aymeric semble croire, autant que moi, que mes parents avaient inconsciemment perçu toutefois, sinon compris, l’un dans l’aveuglement, l’autre dans le déni, les faits que je croyais en toute naïveté avoir nettement et tranquillement posés dès mon adolescence — sans qu’il n’en fût rien…
Je lui montre le bouddha légué par mon père.
Aymeric me confie longuement ensuite la culpabilité conçue, après qu’elle a été placée, d’avoir laissé sa mère en EHPAD. Je suis surpris, en vérité, parce que je croyais sa mère bien plus atteinte par l’âge que ce qu’il en peut exposer : elle aurait fait de micro accidents vasculaires cérébraux, mais sans développer une pathologie du type Alzheimer pour autant.
Chaque fois qu’Aymeric visite sa mère, elle réclame qu’elle s’en aille de l’endroit, où elle ne se plaît pas, où elle n’a pu nouer de relation sociale avec quiconque, les autres patients étant séniles ou grabataires. Aussi se montre-t-elle impatiente qu’il soit à la retraite, afin qu’il puisse l’en sortir.
Sa sœur, face à cette situation, s’avère autrement détachée, arguant que c’était à sa mère de songer auparavant à son avenir et s’en occuper alors.
Nous parlons de la différence générationnelle entre nous et ceux qui nous ont précédés, qui gardaient chez eux le plus possible leur père ou mère en incapacité de demeurer seul.
Je dis que je n’arrive pas à imaginer que mon père soit jamais atteint de sénilité. Et d’ajouter combien je serais démuni d’être confronté à sa déchéance.
La conversation se fait alors sur fond de tristesse, et je me reproche d’avoir, ne serait-ce que par raccroc, lancé le sujet, d’avoir suscité cette culpabilité, inconsolablement profonde.
Nous nous efforçons de dissiper, sans vraiment y parvenir, cette humeur chagrine, avant de nous séparer, l’heure ayant malgré nous tourné : je pressens que cette même tristesse accompagnera Aymeric lors de son trajet de retour à bicyclette.
Je ferai moi-même des rêves agités durant la nuit, habités par quelques fantômes dont j’aurai refoulé à mon réveil le souvenir.
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18 octobre, début de soirée
Aymeric a garé sa bicyclette près du puits artésien de la Place PV
[Il détache sa sacoche et s’en munit comme la fois précédente]
[Et] nous retournons dans bar accoutumé
Nous installons à l’extérieur, suffisamment chaud [à la différence du dimanche, en compagnie de B.], même si Aymeric me fait noter le tps couvert
Pinte de bière/ je me souviens de la bière plus « légère » conseillée par le serveur la dernière fois
[Je] parle bcp ds 1 1er temps, Aymeric rebondissant sur ce que je px bien dire :
A regardé la moitié de Phantom Thread
Illusions perdues : s’ennuie mortellement à le lire/ je proteste/ rare que nous ayons ainsi un différend en matière de livres
Est allé la veille au Petit Palais/ a trouvé l’expo Ottoniel [sic] plus décorative que / s’est interrogé sur la démarche/ et expo peintre russe [Ilya Répine] somme toute [plutôt] académique
Parle de la façon dont il est débordé au travail/ étudiants dont il doit mettre la thèse en attente/ jamais autant d’activité
Chaussettes qu’usent rapidement les chaussures de travail
Ira en Bretagne la première semaine des vacances de la T
Sa mère ne lui téléphone plus (elle le faisait tous les j il n’y a si longtemps ; je m’étonne) Voix d’A s’attriste : une étape de plus dans la déchéance de la personne.
Nous sommes les premiers au restaurant. Pas de terrasse [tandis que] la salle est coupée en sa moitié par un rideau dissimulant des marchandises entreposées (ce que j’avais vu la fois précédente)
Pascal appelle lorsque je suis aux toilettes/ je le rappelle, sans succès
Après que nous avons commandé, le premier plat arrive vite. J’ai spécifié que je voulais bien d’une sauce plus épicée
Erreur dans le plat d’A. J’entame l’agneau, dont je m’aperçois qu’il est plutôt doux. En fait le serveur s’est trompé de table. Comme j’ai déjà mon plat, /dis que j’accommoderai de ce que l’on m’a servi
J’ai presque fini qd l’assiette d’Aymeric / arrive
Nos plats sont tjs aussi bons [malgré tout]
Verre de limoncello [?] en fin de repas, sans doute pour nous faire pardonner
Il commence à pleuvoir
Nous installons dans un bar au début de la rue la Butte aux cailles
Je commande un verre de vin blanc, lui, un irish coffee
Poursuivons notre conversation (dont je ne sais plus — le lendemain… — la chronologie, ni si certains des élé dév par A l’ont été durant ou après notre repas…)
Sa situation, après recours gracieux, n’a toujours été régularisée. L’administration a jusqu’au début du mois pour ce faire. Sinon, saisira son supérieur hiérarchique
Pluie redouble
Aymeric en mal d’Italie
Raconte ma rencontre avec Adrien la veille
Voisinage dans son immeuble toujours insupportable. Me dit que j’ai été / un peu raide avec le jeune Erwan/ que lui, aurait tout aussi bien m’envoyer paître/ j’en conviens volontiers (quoique à regret !)/ nous nous amusons de détails de mon entrevue avec lui pour démarrer la chaudière/ ne lui dis pas (par oubli, et non omission) pour le Saint Sébastien [miniature qu’il affiche sur sa porte d’entrée]
Kilos indiscrets, et chez lui et chez moi [plus chez moi, je le “confesse” !]. Me dit que c’est peut-être dû aux médicaments
Retrace pour lui les derniers incidents /médicaux
J’ai fini mon verre, bien après lui. Il commente l’h pas trop avancée, mais, co nous nous verrons jeudi, je [?] propose q nous rentrions malgré tout
Rentré, j’envoie un message à Patrice en lui demandant s’il est disponible en soirée mercredi.