1649 - April in Paris (again), 4

Publié le par 1rΩm1

 

 

April in Paris (again)

 

 

(31 mars - 8 avril 2024)

 

 

4

 

Work in progressjournal extime

 

 

 

2 avril 2024 

Matin 

Comme Aymeric la veille, ce qui est plutôt inhabituel pour elle, Judith a dix minutes en avance. Elle m’attend devant le Musée du Jeu de Paume dans un carré de soleil, mais le vent y souffle, vif et coupant. 

Nous prenons nos billets pour l’exposition consacrée à Tina Modotti, photographe dont j’ignorais tout jusqu’alors. 

Abel Plenn, Tina Modotti, Vers 1927, Tirage gélatino-argentique

Abel Plenn, Tina Modotti, Vers 1927, Tirage gélatino-argentique

La taille des photos s’avère parfois très petite ; des reflets indiscrets dus aux vitres, en outre, s’interposent ; je restreins en conséquence la capture d’images à mon usage. 

Après ses premiers voyages au Mexique, Tina Modotti s’engage pleinement en faveur des valeurs révolutionnaires et adhère au PCM, le Parti communiste mexicain. L’artiste fait jouer à plein l’allégorie ou le symbolisme dans ses prises de vue 

Femme au drapeau, 1927, Palladiotype, tirage réalisé par Richard Benson en 1976, The Museum of Modern Art, New York

Femme au drapeau, 1927, Palladiotype, tirage réalisé par Richard Benson en 1976, The Museum of Modern Art, New York

manifestant une grande attention aux gens du peuple, aux travailleurs et à leurs tâches et outils.

Fabrication de tortillas, Vers 1927-1929, Tirage gélatino-argentique avec titre manuscrit, San Francisco Museum of Modern Art

Fabrication de tortillas, Vers 1927-1929, Tirage gélatino-argentique avec titre manuscrit, San Francisco Museum of Modern Art

Mains tenant un manche de pelle / Mains de travailleur,  Vers 1926-1927, Tirage gélatino-argentique, Collection et archives de la Fundación Televisa, Mexico

Mains tenant un manche de pelle / Mains de travailleur, Vers 1926-1927, Tirage gélatino-argentique, Collection et archives de la Fundación Televisa, Mexico

Faucille, cartouchière et épi de maïs, 1927, Tirage gélatino-argentique d'époque, Collection et archives de la Fundación Televisa, Mexico

Faucille, cartouchière et épi de maïs, 1927, Tirage gélatino-argentique d'époque, Collection et archives de la Fundación Televisa, Mexico

Homme portant une poutre, 1928, Tirage gélatino-argentique d'époque, Collection et archives de la Fundación Televisa, Mexico

Homme portant une poutre, 1928, Tirage gélatino-argentique d'époque, Collection et archives de la Fundación Televisa, Mexico

Diego Rivera et le muralisme ont « très probablement exercé une influence profonde sur les thèmes […] », comme le glose un cartel accompagnant un portrait de Rivera réalisant une peinture murale, d’autant que Tina Modotti était l’amie et la photographe officielle des œuvres du fresquiste.

Diego Rivera, L'arsenal, (C) D. Rivera F. Kahlo Museums Trust/ADAGP [au centre, Frida Kahlo, et, à droite, Tina Modotti]

Diego Rivera, L'arsenal, (C) D. Rivera F. Kahlo Museums Trust/ADAGP [au centre, Frida Kahlo, et, à droite, Tina Modotti]

Figure dans cette rétrospective une très belle photographie de son compagnon, Julio Antonio Mella, assassiné pour des raisons et dans des circonstances jamais vraiment élucidées, alors que lui et elle rentraient tard dans la nuit chez eux.

Tina Modotti, Julio Antonio Mello, Mexico City, 1928, [photographie en noir et blanc]

Tina Modotti, Julio Antonio Mello, Mexico City, 1928, [photographie en noir et blanc]

*  *  *

Nous parcourons ensuite une seconde exposition consacrée à des installations et vidéos de Bertille Bak, intitulée Abus de souffle, aux substrats souvent efficaces dans leur dénonciation non dénuée d’humour. A défaut de clichés que j’aurais faits, j’en reproduis l’argument, ainsi exposé dans le livret du visiteur : 

Détournant les représentations habituelles de communautés marginalisées ou invisibilisées, l'œuvre de Bertille Bak (née en 1983 à Arras) met en scène des populations, des rituels ou des situations qu'elle subvertit avec la complicité des protagonistes eux-mêmes. 

Sans scénario préalable, l'artiste s'immerge dans le mode de vie d'un groupe — l'équipage d'un bateau de croisière à Saint-Nazaire, des cireurs de chaussures à La Paz, de jeunes mineurs indiens, indonésiens ou thaïlandais, des demandeuses d'asile résidant à Pau, des artisans dans la médina de Tétouan. Elle évolue à leur contact, observe leurs rites, leurs gestes et leurs objets, avant d'y instiller de nouvelles règles et des artifices en tout genre. Bertille Bak conçoit dès lors avec ces communautés des rituels collectifs qui produisent une image d'elles-mêmes émancipatrice, libérée des clichés véhiculés tant par des documentaires misérabilistes que par un discours activiste basique. Loin de banaliser leurs conditions de vie précaires, Bertille Bak montre ces réalités le plus souvent faussées par l'imaginaire collectif, et donne aux premiers concernés les moyens de se raconter par des chemins détournés. Ensemble, ils façonnent des récits fictionnels, des histoires qui bousculent l'ordre établi et le sentiment de fatalité, puis elle leur propose de recourir à la performance et au théâtre. 

Bertille Bak place la question du travail au centre de ses projets. Elle fait appel à des savoir-faire et à des moyens de production préindustriels comme à autant d'actes militants relevés d'une note de fantaisie et d'humour. L'action prévaut sur l'esthétique. Les images sont trafiquées au moyen d'effets spéciaux bidouillés et low-tech inspirés des jeux d'arcade ou bien avec des techniques du cinéma primitif : montage accéléré, décors en carton-pâte, bruitages désynchronisés. Il en ressort un ton léger, en contrepoint de la profondeur des sujets traités. Bertille Bak ne cherche pas à créer une illusion de vraisemblance, mais à dévoiler les coulisses de la construction de toute image et à avertir le public, d'une manière à la fois tendre et loufoque, que l'art n'est qu'un simulacre — tout comme la vie, peut-être. 

Après-midi 

Nous décidons de déjeuner dans la librairie anglaise toute proche où nous sommes déjà allés. En chemin, Judith rapporte les récents événements familiaux survenus depuis la dernière fois que nous nous sommes vus en septembre-octobre. Lucien est à nouveau sous le coup d’une grave dépression. Sa copine menace — ce qui n’arrange naturellement rien — de le quitter. Il se montre incapable d’effectuer toutes sortes de démarches, concernant en particulier son orientation. Précisément, il vise une spécialité enseignée à ****. Laure, elle aussi, envisage un changement d’orientation, sans abandonner le terrain de la psychologie, mais dans une matière qui engagerait le terrain judiciaire. 

Installés dans l’espace réservé à la restauration, Judith s’enquiert du prix des loyers à ****. Probablement le marché de la location est-il moins tendu qu’à Montpellier et les prix sont-ils moins élevés. Elle me demande si je pourrais l’héberger dans l’éventualité où le dossier de Lucien serait accepté — je songe un instant à l’appartement de la rue B***, mais en repousse l’idée : je ne veux pas de colocation, et je doute que l’état psychologique de Lucien s’y prête de toute façon. 

N., quant à lui, pourrait, un an avant la retraite, être enfin nommé professeur. Cependant, il se trouve pris de panique à l’idée de concourir, de réunir un dossier et, surtout, de devoir passer un entretien devant un jury composé de ses pairs. 

Nous parlons longuement ensuite de Khadija après que Judith m’a demandé de ses nouvelles. J’évoque Christine, dont j’ai reçu un message le matin même et que je compte rappeler en soirée. 

 *  *  * 

Nous nous rendons à l’Hôtel de la Marine afin de voir l’exposition “Le Goût de la Renaissance”. Nous devons patienter jusque 15 heures pour pouvoir entrer du fait des “jauges” déjà atteintes pour une entrée immédiate et celle du quart d’heure suivant. Nous devisons sur un banc de la cour, à l’abri du vent du fait de la verrière. 

Judith décline la proposition de casque pour être “audio-guidée” durant la visite. 

La suite lui donne raison : les stations devant les œuvres s’avèrent trop courtes en regard des commentaires développés et j’abandonne vite ce recours, d’autant que les cartels disposés çà et là en apprennent tout autant. 

Nous faisons face souvent à des objets rutilants et assez laids dans leur éclat surabondant censés surtout afficher le luxe et l’exquis de l’aristocratie du temps : tout n’est pas uniment plaisant, et les yeux se détournent souvent de ces joailleries, vaisselles… coruscants à l’excès. (Cependant, je m’amuserai rétrospectivement aussi de ma moisson photographique, attestant mon goût pour les scènes mythologiques, les anges, nudités et portraits masculins, les signatures d’artistes qui ont ma faveur*, Vierges et Madones, ainsi que les assez nombreuses miniatures ou figures miniaturisées**) qui ont suscité mon attention… Chacun perçoit toujours selon ses propres tendances, aurait dit ma mère, à laquelle (même si elle n’aurait vraisemblablement pas partagé toutes mes dilections) je dois, nolens volens, une bonne partie de mon éducation “artistique” ¡

**Enseigne à chapeau :  le Sacrifice d'Isaac, Paris (?), vers 1550-1560, Or, émail, diamants, rubis, saphir

**Enseigne à chapeau :  le Sacrifice d'Isaac, Paris (?), vers 1550-1560, Or, émail, diamants, rubis, saphir

Maître de l'Énéïde, Les Bocages fortunés, Limoges, vers 1525-1530, Émail peint sur cuivre, paillons d'or

Maître de l'Énéïde, Les Bocages fortunés, Limoges, vers 1525-1530, Émail peint sur cuivre, paillons d'or

Benedetto da Rovezzano, Anges de Wolsey, Londres, vers 1524-1529, Cuivre
Benedetto da Rovezzano, Anges de Wolsey, Londres, vers 1524-1529, Cuivre

Benedetto da Rovezzano, Anges de Wolsey, Londres, vers 1524-1529, Cuivre

**Lantico (Pier Jacapo Alari Bonacolsi, dit),  Méléagre, Mantoue, vers 1484-1490, Bronze partiellement doré incrusté d'argent

**Lantico (Pier Jacapo Alari Bonacolsi, dit), Méléagre, Mantoue, vers 1484-1490, Bronze partiellement doré incrusté d'argent

**Automate en forme de tortue, Allemagne, 1600-1650 Carapace de tortue, cuivre, émail

**Automate en forme de tortue, Allemagne, 1600-1650 Carapace de tortue, cuivre, émail

D'après Antonio Pollaiuolo, Combat d'hommes nus, Florence, vers 1470-1480

D'après Antonio Pollaiuolo, Combat d'hommes nus, Florence, vers 1470-1480

*Donatello (Donato di Niccolo di Betto Bardi, dit), Madone Chellini, Padoue (?), vers 1450, Bronze doré

*Donatello (Donato di Niccolo di Betto Bardi, dit), Madone Chellini, Padoue (?), vers 1450, Bronze doré

Vierge à l'enfant qui rit, Florence, apr. 1460, Terre cuite avec traces de polychromie

Vierge à l'enfant qui rit, Florence, apr. 1460, Terre cuite avec traces de polychromie

William Scrots (entourage de) Portrait d'Édouard VI, roi d'Angleterre, Angleterre, vers 1550, Huile sur bois

William Scrots (entourage de) Portrait d'Édouard VI, roi d'Angleterre, Angleterre, vers 1550, Huile sur bois

Hans Holbein le Jeune, Homme inconnu (Thomas Seymour ?), Londres, vers 1535-1540, Pierre noire, pastels sur papier préparé

Hans Holbein le Jeune, Homme inconnu (Thomas Seymour ?), Londres, vers 1535-1540, Pierre noire, pastels sur papier préparé

L'Antico (Pier Jacopo Alari Bonacolsi, dit), Hercule et Antée, Mantoue, 1500-1510, Bronze incrusté d'argent

L'Antico (Pier Jacopo Alari Bonacolsi, dit), Hercule et Antée, Mantoue, 1500-1510, Bronze incrusté d'argent

**Nicholas Hilliard, Homme inconnu, Angleterre, vers 1600, Aquarelle sur vélin posée sur carton

**Nicholas Hilliard, Homme inconnu, Angleterre, vers 1600, Aquarelle sur vélin posée sur carton

*Le Parmesan (Francesco Mazzola Parmigianino, dit), Jeune apprenti broyant des pigments, Italie, vers 1530, Sanguine sur papier

*Le Parmesan (Francesco Mazzola Parmigianino, dit), Jeune apprenti broyant des pigments, Italie, vers 1530, Sanguine sur papier

*Albrecht Dürer, Joueur de cornemuse, Nuremberg, 1514, Gravure sur papier

*Albrecht Dürer, Joueur de cornemuse, Nuremberg, 1514, Gravure sur papier

Francesco Salviati (attribué à), Jeune homme, Florence, 1500-1520, Pierre noire sur papier

Francesco Salviati (attribué à), Jeune homme, Florence, 1500-1520, Pierre noire sur papier

Veit Stoss, Vierge à l'Enfant, Cracovie ou Nuremberg, vers 1490-1500, Buis avec traces de dorure

Veit Stoss, Vierge à l'Enfant, Cracovie ou Nuremberg, vers 1490-1500, Buis avec traces de dorure

Judith circule tout au long de l’exposition selon ses propres circuits, puisqu’elle n’a pas voulu s’assujettir à l’audioguide — et que, vraisemblablement, elle n’obéit aux mêmes attraits que moi. 

* * * 

Nous prenons un café dans une rue adjacente, avant que Judith ne donne son cours particulier de piano. 

L’après-midi n’étant pas achevée, je me rends rive gauche. Les sollicitations dans la librairie que je parcours pour acheter des ouvrages d’occasion, s’avèrent limitées. J’achète cependant Joseph de Marie-Hélène Lafon. 

 

Soir 

Je me rends dans un cinéma du Marais pour voir Smoke Sauna Sisterhood, film ô combien bien nommé : c’est, en effet, un film de femmes fait par des femmes et nourri de leurs préoccupations de leur vie de femme. Dans les thèmes déclinés, sauf inattention de ma part, seul manque la ménopause — si la vieillesse y est évoquée et (naturellement) la nubilité (au double sens du terme). Le film m’intéresse à bien des titres. 

 

 

 

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