Archives GA XXXIV-XXXV, XXXVII
Automne 2009, journal extime et parisien
Il fallait que ce fût fait aujourd’hui.
Je forme d’ailleurs un vœu pour 2010 — le seul possible : oser davantage. (Tous les autres souhaits ne peuvent que — et ils le peuvent : c’est sans intérêt ! — faillir…)
En vérité, j’ai pris les devants de pareil axiome (en publiant sur le JDI [Journal des inscrits] les fragments du Roman de Romain, en adressant à N*** la version intime des lignes qu’on lira ci-après).
… Mais on se fiche bien des vœux que je forme pour moi…
Aussi présenté-je à tous mes interlocuteurs du site [GayAttitude] qui m’ont écrit (ne serait-ce qu’une phrase en passant), à qui j’ai écrit (souvent de façon pataude), à qui j’ai répondu, qui m’ont répondu, avec qui un contact s’est noué, une communication s’est établie, interrompue ou non – à tous mes interlocuteurs du site (donc) de vrais vœux — « sincères », dit-on communément — pour l’année neuve qui s’offre à eux.
Et je les remercie de m’avoir redonné — de fait — le goût d’écrire.
* * *
Samedi 24 octobre
12 heures-16 heures, N*****-Paris
Le train a eu deux heures de retard. J’ai erré dans le périmètre de la gare, sans parvenir à lire ni écrire. J’étais singulièrement énervé mais avais l’esprit à peu près vide. S’étaient additionnées les insomnies des nuits passées, toute une fatigue accumulée, une impatience aussi — et, par-dessus elles, cette peur, ainsi que la crainte particulière que N*** ajourne notre rendez-vous.
Son message est parvenu la veille de mon départ, cependant. Mieux qu’un message, il avait répondu au texte et aux photos que je lui avais envoyés, destinés à nous reconnaître. Ce qu’il avait écrit le concernant m’a touché.
Je dois voir P*** [Aymeric] demain et, lundi, François, que je n’ai pas vu depuis quinze ans au moins.
Je cède à une numérologie imbécile, superstitieuse. Dans les coordonnées de N*** figure deux fois le chiffre 13. Ma place réservée : la 13, voiture 13.
Cependant, comme pour me narguer, le train venu en replacement ne comporte aucune voiture 13. Je cherche donc une place s’achevant par le même chiffre, en trouve une (la 7613) et m’y installe. Le siège en est revêtu d’un velours vert printemps éclatant (« pétant »), qui tranche sur les autres fauteuils d’un gris charbonneux.
16 heures-20 heures (IXe arrondissement)
Avant le rendez-vous fixé avec N*** — à la sortie du métro Poissonnière —, j’ai déambulé dans les rues de Paris. C’est toujours ainsi : le besoin d’explorer les environs des endroits où je réside est fort, même pour une courte durée. Il me faut relier des pointillés — comme je le fais à Paris entre divers trajets empruntés, heureux de pouvoir me rendre d’un point à l’autre, satisfait de savoir comment m’orienter. Il me faut chaque fois l’illusion d’habiter Prague, Budapest, Bangkok, Tunis… — et il n’y a guère jusqu’ici que Djakarta (la ville la plus laide au monde pour moi jusqu’à nouvel ordre) pour m’avoir un tant soit peu dérouté… J’ai poussé jusqu’à la rue Bergère — où j’espère bientôt retrouver des amis qui y habitent — puis emprunté les grands boulevards.
Il faisait chaud. J’étais trop habillé. La touffeur un peu moite, quoiqu’il fût plus de dix-huit heures, qui alanguissait ma marche m’a fait rebrousser chemin après les Galeries Lafayette. (Je m’habillerai ensuite d’une simple chemise, en retirant le tee-shirt mis dans la matinée. Le col largement déboutonné — ce que d’ordinaire je ne fais jamais —, en me souvenant que N*** est poilu. Et mon cœur se serrera un peu quand il dira préférer les blonds aux yeux bleus… glabres certainement !)
Mes amis, quand je leur avais dit que je m’étais trouvé une chambre sans confort à 37 euros la nuit, m’avaient plaisanté : ils m’avaient promis la crasse, les puces, la gale, les morpions ! J’étais passablement inquiet. En fait, la chambre où j’écris ceci est à peu près propre : le lit (à une place, ce qui exclut a priori que j’invite quiconque à partager ma couche toute une nuit !) est pourvu d’un matelas assez ferme ; moquette (tachée) et papier peint sont défraîchis ; l’endroit est bien entendu exigu
mais il n’est pas pire après tout que rue des Mauvais Garçons où nous logions autrefois : au moins, la fenêtre à double vitrage isole-t-elle des bruits de la rue, quand, dans les chambres de l’Hôtel Rivoli, les vitres vibraient, le flux et le reflux du bruit des voitures donnant en permanence l’impression de dormir en pleine rue.
J’avais fait, en début de semaine, l’achat d’un téléphone mobile après qu’on m’eut patiemment expliqué comment échapper aux opérateurs voraces. L’idée était de ne m’en servir que très occasionnellement, lors d’échappées telle celle que je projetais. Sinon, je n’aime guère le téléphonage, et l’idée même d’être joint partout et à toute heure, d’autant que j’ai souvenir du harcèlement téléphonique auquel R. m’a soumis durant au moins quatre mois,
. Cependant, il me paraissait utile qu’on puisse me joindre en cas de nécessité. Aussi, lorsque vendredi N*** m’a enfin proposé un rendez-vous écrit sur sa messagerie personnelle — ce que j’ai pris pour une marque de confiance en ce que je pouvais ainsi vérifier que nom et prénom n’étaient pas un ectoplasme virtuel mais possédaient en somme une véritable adresse — ai-je répondu en donnant le numéro du tout nouvel engin portable…(J’avais aussi emporté avec moi des échantillons de soins antifatigue, anticernes, donnés dans une parapharmacie par une vendeuse zélée et… possiblement ironique — que je me suis consciencieusement appliqués, tout en me raillant moi-même…)
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de : ernest
je trouve toujours dommage que des posts comme celui-là, où l'on ressent réellement la sincérité et l'honnêteté de l'auteur, ne soit pas commenté. Voilà c'est fait. Et bonne année. :)
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de : 1rom1
Eh bien... merci bien ! Et bonne année !
[publié le 31/12/2009 à 19:18 sur le site GayAttitude pour le premier fragment]