504 - Parallèlement (journal extime) (4)
Parallèlement : Paris-Marrakech-Paris (journal extime)
5 mars-14 mars 2014
Jeudi 6 mars [suite]
Soir
J’étais attendu. On (lui un Français expatrié au Maroc, elle, une marocaine de souche) me réserve un accueil cordial et agréable. Elle, surtout, est chaleureuse. Tous deux sont prolixes, mais lui me paraît nettement plus hâbleur.
Je constate bientôt que l’ordinateur ne capte pas le WiFi qu’on m’avait promis. On m’explique que, si je me mets au balcon, je devrais profiter des moyens Internet de l’hôtel tout proche. Mon portable, cependant, semble ne pas y être sensible… On me promet alors qu’on remédiera à ce désagrément dès le lendemain matin, qu’un technicien interviendra, pourvu que je donne un créneau horaire — car j’ai en ma possession, me dit-on, le seul jeu de clés qui existe — où je serai dans l’appartement…
Celui-ci est très grand. Le salon est bordé par deux murs de divans en velours à la marocaine. La décoration n’est pas en reste : lustre à pampilles, tapis mécanique immense, tables hexagonales ajourées au centre.
Une salle à manger borgne qu’éclaire un autre lustre d’un tout aussi mauvais goût — mais les breloques en sont vertes — jouxte une cuisine équipée. (Je songe un instant à l’aménagement intérieur de Neisha, la mère de S., quoique celui-ci fût bien plus chargé. J’apprendrai bientôt que l’appartement était autrefois celui de J.-C. et de Fatiha, qu’ils y ont laissé ces éléments de décoration, mais en retirant un certain nombre d’objets, deux ou trois familles marocaines au grand complet ayant loué l’appartement pour quatre personnes et s'étant livrées à des vols de coussins et toutes sortes de déprédations…) On me fait visiter une salle de bains, un WC dans lequel se trouve un lavabo, deux chambres, un patio, garni, lui aussi, de divans et de tables basses : j’ai à nouveau le regret de n’avoir trouvé un ou deux amis à qui j’aurais proposé d’habiter les lieux en même temps que moi ; personne autour de moi n’était disponible cependant aux dates où j’ai réservé l’appartement.
On m’emmène très gentiment faire le tour du quartier en voiture, me désignant commerces et restaurants de ce quartier quelque peu excentré, mais dont les bus, à intervalle de fréquence d’une dizaine de minutes, m’emmèneront assez facilement, me dit-on, vers la médina.
* * *
Je vis toujours comme une aventure d’habiter un appartement inconnu dans un endroit dont je ne maîtrise pas l’espace alentour — et auxquels j’apporte mes propres abscisses et ordonnées…
De retour dans les lieux et les explorant plus avant, je dois constater que les placards de la cuisine sont vides. Je n’y trouve même pas de sucre.
Je fais donc quelques courses — l’ascenseur, quand je quitte ce quatrième étage, est en panne, et je ne sais si je dois m'irriter ou m'amuser que ce lotissement, surveillé par des gardes apostés en permanence auxquels on m’a présenté afin que je puisse librement aller et venir, a sans doute déjà beaucoup perdu de son lustre, tandis que tout laisse à penser que les pannes de l’engin doivent être fréquentes —, en quête au moins de quoi déjeuner le lendemain dans un supermarché qu’on m’a indiqué, dont l’enseigne aux couleurs rouge et verte m’est familière, même si le nom n’en est pas tout à fait le même qu’en France.
Sur le retour, je dîne plutôt mal d’un quart de poulet et de frites dans une gargote locale.
La fatigue, en rentrant, m’accable tout soudainement. Mais, outre les degrés de quatre étages à grimper, plutôt raides et malcommodes, il est vrai qu’il y a entre le Maroc et la France une heure de décalage horaire — et il est finalement bien tard...