506 - Parallèlement (journal extime) (6)
Parallèlement : Paris-Marrakech-Paris (journal extime)
5 mars – 14 mars 2014
Samedi 8 mars [2014]
Devant la queue pour les jardins de la Villa Majorelle — il est presque onze heures, et les fournées de touristes venus en autocar devront piétiner dans les allées —, je renonce. Je reviendrai plus tard.
J’ai le sentiment d’une matinée un peu perdue. J’ironise intérieurement : il sera toujours temps de s’activer au plus fort de la chaleur de l’après-midi ! J’achète fort cher, du fait d’une erreur grossière de conversion, cinq cartes postales et timbres. C’est décidément une mauvaise matinée, et, reprenant les mêmes artères bruyantes qu’à l’aller, je me laisse envahir d’un peu d’humeur maussade.
* * *
L’après-midi, je visite (donc) le palais de la Bahia,
puis Dar Si-Saïd.
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Je suis rentré tôt. Il n’est qu’à peine 16 heures 30. Je lis, parfois avec lenteur et assez de difficulté, le second tome du Journal de Charles Juliet.
Je comprends bien ses exigences, mais les trouve parfois un peu raides, quelquefois abruptes. Certaines pages m’intéressent au plus haut point, cependant. Il exige de moi, et je me montre rétif — pour lui donner mon assentiment ensuite, ce qui ne va pas sans aspérités.
Aujourd’hui, néanmoins, ses répétitions me lassent un peu...
L’ordinateur ouvert, je vois que Julien est connecté. J’attends un peu, mais sans qu’il donne signe. De mon côté, je ne veux pas lui faire regretter de n’être pas venu ici. Ce silence de part et d’autre se fait frustrant et lourd à mesure que les minutes se comptent...
En fait, à y réfléchir, beaucoup de frustrations se sont accumulées ces derniers mois. La moins bénigne est bien celle que m’a procurée Julien, qui devait primitivement venir en janvier ; la plus récente, je la dois à Faiz.
Je vois aussi que Duncan a supprimé son profil. Cela signifie que sa relation avec son ami, qu’il mentionnait comme en passant dans un courriel (« un charmant copain »), s’est installée dans la durée — contrairement au désir que lui prétendait avoir en juillet de vivre sans attaches (j’y avais vu cependant une revendication frondeuse et juvénile) —, et je me réjouis pour lui.
Qu’il ait failli au projet de se voir avant la fin février est toutefois à verser au compte des frustrations, dont je m’emploie dans ces lignes à faire l’inventaire !
Dans ce bar lounge [?], tout près de l’appartement, où j’écris, je bois une Heineken, bière dont la fadeur m’étonne.
Il est bien plus aisé de boire de l’alcool ici que je me l’étais imaginé — et m’en souvenais. Comme à Tunis, les supermarchés en vendent (mais seulement en journée). J’ai même trouvé de la Leffe brune, un peu chère — comme le sont toutes les bières étrangères. D’ailleurs, la bière locale reste d’un prix élevé, surtout à proportion du prix des autres denrées. Comme à Tunis aussi, la nuit tombée, des échoppes ouvrent, semi-clandestines, où l’on peut acheter autant qu'on veut bières, vins et spiritueux.
Dans ce bar lounge où j’écris, on retransmet sur écran géant un match de football. Je m’irrite de ne pouvoir me concentrer...
Si les cobras sont sourds — ai-je appris au hasard de mes lectures du guide emporté dans mes bagages —, nos oreilles, elles, sont néanmoins loin d’être épargnées sur la place Jemaa el-Fna…
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Pour me consoler de quelques sombres pensées, le jeune homme au guichet du bureau de change au bout de la rue est indiscutablement charmant. Il a un très joli sourire.