533 - Paris - Lille - Paris : journal par (r)accroc (13)
Paris – Lille – Paris : journal par (r)accroc
(journal extime, 19 octobre – 28 octobre 2013)
Dimanche 27 octobre [et non pas 21, comme je l’avais noté primitivement]
Encore une histoire de lover s’achevant en pantalonnade.
Encore une histoire qu’il faut dire drolatique.
Puisque : encore une histoire.
Puisque : encore une.
Encore.
Arthur, un jeune homme de vingt-et-un ans que je dois rencontrer de longue date, est à Paris avec une amie. Nous avions convenu de nous voir durant le week-end, si toutefois il pouvait se libérer. En correspondant à ce sujet, nous nous étions rendus compte que nous n’étions qu’à deux stations de métro d’écart, ce qui rendait la tâche plutôt aisée. Rendez-vous la veille est finalement pris pour le lendemain en tout début d’après-midi — et des procédures, arrêtées.
Je reçois donc un SMS à l’heure convenue, qui me prévient de son arrivée. Je lui ai donné le code de l’immeuble, et, comme il n’y a de nom à aucune sonnette à mon étage, vais le chercher dans l’entrée. J’aperçois un garçon pas très grand d’un mètre soixante-dix, brun, au physique un peu ingrat : il arbore une barbiche malingre, des lunettes, paraît un peu gras au-dessus de la ceinture, ce petit ventre naissant dénotant l’absence de culture physique... Un malaise s’installe dès l’ascenseur, qui plus est étroit, qui nous emmène au septième étage. Sans doute l’un et l’autre avions fantasmé une autre personne. J’ose néanmoins une plaisanterie en lui disant que c’est la première fois que je le vois si habillé... mais mon bon mot ne recueille aucun sourire, voire accentue la raideur de mon compagnon.
Je le fais entrer dans ma studette. J’en excuse l’exiguïté. Lui semble pressé, et vouloir prendre mon bon mot au mot, dans l'urgence qu'il montre à se déshabiller. Bientôt en boxer — je vérifie la petite bouée qui surmonte les hanches — après avoir posé ses lunettes, il ne se montre que peu loquace. Qu’à cela ne tienne : nous sommes — malgré tout — tous deux très excités...
* * *
Je jouis un peu vite. Moins sans doute que Julien X. rencontré l’an dernier, mais trop vite tout de même à mon gré.
— Comme dans la chanson (une autre), et même si c’est dans un léger contretemps, lui me rejoint.
* * *
« Tu veux que je jouisse où ? »
Je fais répéter la question à mon interlocuteur tout à coup parlant.
(De fait, je n’en saisirai le sens que dans l’après-coup, comprenant alors que le jeune homme doit être nourri de quelque culture pornographique au protocole de laquelle il entendait sacrifier.
Mais, sur le moment, je ne songerai qu’aux draps et au matelas — et répondrai : « Sur toi », en lui tendant une serviette.)
Il se rhabille presque aussitôt.
Il allègue vouloir profiter du beau temps et de Paris.
* * *
Je renonce à voir l’exposition Frida Khalo et Diego Rivera à l’Orangerie au vu et su des deux heures de queue qu’il faudrait faire — je n’étais d’ailleurs qu’à demi convaincu de la nécessité de m’y rendre — et enjambe la Seine pour me rendre à Orsay voir celle sur Belà Bartók et la modernité hongroise.
Je suis un peu déçu. Même si la connexion entre Bartók et les autres artistes hongrois contemporains est montrée, elle ne paraît pas pour autant toujours démontrée.
Les lieux sont sonorisés. Si pour ses trois concertos pour piano et orchestre et, bien plus encore, pour ses six quatuors à cordes, Bartók est l’un de mes musiciens favoris, les œuvres diffusées ne sont pas celles que je préfère... En outre, elles se rencontrent d’un lieu l’autre en une sorte de bouillie sonore presque cacophonique...
J’ai du temps encore. Je vais au musée des lettres et manuscrits boulevard Saint-Germain voir l’exposition consacrée à Jean Cocteau
— et me rappelle l’hôpital de Châlons-sur-Marne où, trente ans plus tôt, en octobre 1983, je lisais des suppléments de magazine et des revues consacrés aux vingt ans de la disparition de l’artiste...
* * *
Soir
Je retrouve T. Place Royale, où il m’a fixé rendez-vous, à 19 heures.
Il paraît content de me voir. Après ma rencontre avec Arthur et la soirée de la veille en compagnie de ****, son large sourire fait plaisir !
Nous nous rendons à Bastille et retournons dans ce restaurant, bon et pas cher, où nous avions dîné en mai.
Nous nous racontons la semaine que nous venons de passer, nos activités parisiennes. Lui sort du Louvre, qu’il explore systématiquement, d’un pavillon à l’autre, à chacune de ses visites. Je lui envie cette belle constance, étant autrement plus désordonné, plus désinvolte, autrement plus brouillon...
Il s’emploie à tempérer les impressions toutes négatives que je lui rapporte de la soirée avec ****, lui trouve ou invente toutes sortes de raisons, donne au portrait que je lui retrace de Cyril de jolies retouches — corrigeant en quelque sorte les commentaires acides de **** la veille.
Nous passons une bonne soirée. De plus en plus, T. apparaît comme un ami et confident. Et je songe à J.-M., tout en regrettant — un de ces regrets inutiles qu'au vrai la disparition de J.-M. fait souvent naître... — que l’un et l’autre ne se soient pas mieux rencontrés.