523 - Paris - Lille - Paris : journal par (r)accroc (3)
Paris – Lille – Paris : journal par (r)accroc
(journal extime, 19 octobre – 28 octobre 2013)
Crains un instant d’ê en retard. C’est la montre du passager qui avance.
Place de la Contrescarpe. Je n’ai pas reçu de SMS. De fait, N*** à l’h.
Deux pintes bues trop rapidement.
Oublie mes lunettes dans le restaurant népalo-indien (pas trop bon, mon byriani un peu sec).
Raconte l’oubli de mon carnet. De là, nos billets, les siens, les miens, ceux dont nous parlons, qui le savent ou ne le savent pas. J’aurais aimé que J.-M. — regret sans conséquence.
Et parlons de Duncan, l’inépuisable. (C’est seulement rétrospectivement que je m’apercevrai n’avoir rien raconté de Julien.)
Excuses à propos de mails auxquels n’a pas répondu. N’en ai évidemment pas pris ombrage. N’a pas lu ce qui le concerne.
Lui souligne cependant une confusion que je fais entre un message qu’il m’a écrit et un “post”. Je conçois alors qu’il s’agissait d’une confidence…
M’amuse qd il dit : par gradation la 3ème devrait ê mieux
Commande une seconde pinte.
Garçon agréable, plaisante.
A cru ê adopté.
La quarantaine.
Père guitariste.
Début de hoquet.
En chemin me parle assez longuement de D***, qu’il a rencontré, jeune et joli garçon…
Restaurant fermé.
Nous rabattons sur
Comme nous avons parlé (bcp, co d’habitude) de garçons, q N*** ne se dit pas attiré du tt par les garçons asiatiq, celui-ci, grand et plutôt mignon
Plaisantons avec lui. Lui renchérit. Dit vouloir goûter le vin.
Sorti du restaurant, m’indique comment rentrer. Suis dépité. Nous sommes tout près de chez lui.
Impression sur le moment qu’il se débarrasse de moi… (Pourtant AB soirée, impression d’avoir dissipé au passage les malentendus nous concernant…)
Peut-être a-t-il trop bu, n’a-t-il plus les idées suffisamment claires pour poursuivre nos bâtons rompus…
Après vu lunettes, envoie un message
SMS
Se propose d’aller voir
Aurait taché son pull
Dimanche 20 octobre [suite], soir
Je crains un instant d’être en retard : ce serait la première fois avec N*** — si, je me suis souvent demandé pourquoi, je suis coutumier du fait avec François, mais avec François seulement… Je découvrirai, en fait, que c’est la montre du passager dans cette rame de métro que je consultais avec inquiétude qui avançait…
Il est un peu moins de vingt heures quand j’arrive Place de La Contrescarpe. Je n’ai pas reçu de SMS de N***, dont je suppose très justement qu’il sera à l’heure.
Nous buvons, un peu trop vite, deux pintes.
Je raconte l’oubli de mon carnet, le viol de mon intimité que cela aurait pu être si je ne l’avais retrouvé. Nous devisons de la façon dont nous parlons des uns et des autres dans nos billets, de l’imprimatur que je lui demande, à lui et à Aymeric, avant de publier la relation de tel ou tel moment passé ensemble. Je ne fais cela que pour les amis rencontrés par l’intermédiaire du site, pour des raisons de discrétion, sans que je m’embarrasse pourtant de tels scrupules pour les amis de plus longue date, et j’explique à N*** que tous ne savent pas qu’il m’arrive d’écrire sur eux. Je conte d'ailleurs ce paradoxe : j’ai donné, je ne sais pourquoi, un jour à un ami que je ne vois que de loin en très loin les références du site et mon propre pseudo ; lui dit me lire régulièrement, alors même que nous ne rencontrons presque jamais, remettant au négligent hasard le soin de nos rencontres. J’ai le regret aussi, rétrospectivement, de n’avoir pas livré à J.-M. — le plus indulgent de mes lecteurs, sinon le plus enthousiaste — les liens pour me lire — regret bien inutile désormais — regret bien importun, qui, à le restranscrire ici, me suffoque un instant, en une courte détresse que je sais liée à l'absence...
N*** m’expose sa propre déontologie, qui, naturellement — lui connaissant plus de Parisiens, et le Marais n’étant qu’une sorte de village très peuplé —, n’est pas la même ; il paraît, cependant, admettre mes raisons.
Il me présente ses excuses à propos de mails que je lui ai envoyés, auxquels il n’a pas répondu. Je n’en ai pas pris ombrage : d’ailleurs, je sais bien, par expérience, que mes correspondants, dans la distance, ne me suivent pas toujours, que je suis par trop prolixe, et je n'attends pas toujours qu'on me réponde ni si souvent, ni si longuement...
En fait, nous prenons de nos nouvelles. Nous nous sommes écrit, mais nous nous sommes aussi lu (nous avons lu ce que l’autre a pu écrire dans tel ou tel billet) : N*** ainsi souligne une confusion que je fais alors entre un message qu’il m’a écrit et ce que je pensais avoir lu dans un de ses “posts” : je prends conscience ainsi qu’il s’agissait d’une confidence qu'il m'avait faite — et qu’il n’aurait sans doute pas écrit ce qu’il m’avait raconté. Je m’en trouve à la fois content et confus, pris également en défaut de mémoire — ce qui m'arrive de plus en plus souvent —, à mon grand dam...
Toutefois, nous savons bien que la différence est parfois ténue entre l’intime et l’extime. Mais nous nous y tenons, chacun selon ses procédures, chacun selon sa façon. Mon intimité importe moins pour ce qui me concerne, que — c'est la raison d'être de mes demandes d'imprimatur — l'intimité de mes correspondants, ainsi que je l'avais décidé d'emblée... Je suis donc malheureux quand je la heurte — ce qui paraît s'être produit avec C*** ou ****...
Nous parlons aussi, sujet inépuisable, de Duncan (qui ignore, bien sûr, ce que j'ai pu écrire sur lui). Il me dit, à ce propos, que quand il était enfant il pensait avoir été adopté — imagination à mon sens assez courante, qui fait que je n’avais pas pris au sérieux les supputations, néanmoins bientôt avérées, de Duncan, après qu’il avait découvert des incompatibilités biologiques entre lui et ses prétendus géniteurs. Je songe aussi à part moi au début des Faux Monnayeurs, au soulagement de Bernard d’apprendre qu’il est un bâtard, à la liberté qu’il y gagne, à la merveille qu’il y trouve.
N*** me dit aussi que, dans sa jeunesse, son père jouait de la guitare, ce que, étant donné ce qu’il m’a parfois raconté de ses parents, je n’aurais pas un instant imaginé... Je rectifie en conséquence l'image mentale que je m'étais faite du père de N*** et comprends mieux de la sorte l'affection qui paraît unir père et fils, sinon même une certaine compréhension... (Mais j'affabule peut-être.)
(Rétrospectivement, je m’apercevrai que, sans avoir rien décidé à ce sujet, je n’ai rien raconté de mes échanges récents avec Julien, sujet qui me brûle autrement pourtant que Duncan, dont je n'ai d'ailleurs pas eu de nouvelles depuis juillet...)
* * *
Nous arpentons ensuite le quartier en quête d’un endroit où dîner sans trouver vraiment une carte qui nous donne réellement envie de nous attabler. N*** propose alors une adresse toute proche de son studio, dont il assure qu’elle est ouverte même le dimanche…
Nous nous y rendons, selon un trajet dont je me souviens que nous l’avons déjà fait ensemble un soir d’avril 2010. En chemin, il me raconte sa rencontre avec D****, jeune et joli garçon, qui semble traverser la vie en Alcibiade, une sorte de faune dansant aux talents nombreux, à l’image du papillon posé sur sa main et qui le représente si bien...
Bientôt arrivés devant le restaurant, nous trouvons les lieux fermés. Il pleut, et je propose de refluer vers l’endroit d’où nous venons.
Nous voyons toutefois, non loin, un restaurant népalo-indien, ouvert et d’ailleurs presque désert.
Nous avons décidément beaucoup parlé de garçons...
Cependant, servis par un garçon grand, au physique plutôt avantageux, N*** me dit ne pas être du tout attiré par les Asiatiques. Je m’en étonne, moi qui n’ai aucune prévention pour quelque type ou couleur que ce soit, même si, en l’occurrence, je n’ai rencontré que fort peu de garçons au physique exotique — et jamais, j’y songe, de garçons tout à fait blonds !... Et, j’y songe également, goûts et couleurs en moi, avec le temps, se sont diversifiés, leur spectre s’élargissant à mesure — foudroyé déjà par la beauté calcinée d’un Indien de Singapore...
Le serveur, cependant, est agréable. Nous plaisantons avec lui d’autant plus facilement qu’il paraît assez peu occupé. Lui surenchérit d’ailleurs en disant vouloir goûter le vin. Et, comme nous répondons que nous le prendrions volontiers au mot, il bat en retraite, disant ne le pouvoir en service ; nous n’insistons naturellement pas.
[La retranscrivant à plus d’une année de distance, j’ai oublié certains détails de la soirée, et certaines fusées devront rester en l’air. Ainsi de celles-ci, auxquelles donc je n'ai pu donner de prolongements :
M’amuse qd il dit : par gradation la 3ème devrait ê mieux
La quarantaine.
Aurait taché son pull
Je ne sais plus non plus si c’était au café ou au restaurant — mais ce devait être plutôt en début de soirée, si j’en crois l’ordre des notations — que N*** est saisi d’un début de hoquet... Cela me rappelle une séance de hoquet mémorable parce qu’elle avait duré longtemps, alors que nous dînions près de la Place Denfert-Rochereau…]
* * *
Nous sortons du restaurant après un dîner un peu décevant, mon biryani en particulier étant trop sec. Je suis un peu dépité de l’entendre m’indiquer comment trouver la station de métro la plus proche et pouvoir rentrer à bon port. Peut-être l’alcool que nous avons bu empâte-t-il ses idées — et, comme il arrive souvent alors, ressent-il le besoin de dormir ; mais je me sens frustré d’une prolongation de la soirée, d’autant que nous sommes tout proches de son domicile...
Ce n’est que rentré que je m’aperçois que j’ai oublié mes lunettes au restaurant...