548 - À PAS COMPTÉS (journal extime) (12)
BRUXELLES - SÉVILLE - BRUXELLES
À PAS COMPTÉS (journal extime)
(1er – 10 mai 2014)
8 mai Levé tôt. Changemt de logemt. Bcp d’appartements à vendre ici. Chaleur de + en + incommodante. Pavés co à Lisbonne. Pieds fourbus. Je me demande si le cheesecake n’est pas le + international des desserts... Bcp d’Espagnols exhibent des chiens de race (Alaméda de Hércules) [lévriers]. Devant poubelles, songe à Naples.
8 mai
Je me lève tôt. C’est aujourd’hui que je change de logement. Et je dois nettoyer les lieux avant de rendre les clés.
La jeune femme qui me prête son appartement pour ma dernière nuit est une Française d’une trentaine d’années. Elle vit à Séville toute l’année ou presque, puisque, l’été, fuyant la chaleur — ce que je peux concevoir, les températures se faisant en ce début mai de plus en plus incommodantes ! —, elle retourne volontiers à Paris, dont elle est originaire. Céramiste, elle loue un petit atelier au rez-de-chaussée d’un îlot d’immeubles qui réunit divers artisans.
L’endroit tient plus du garage que de la boutique, mais il est l’espace où elle travaille. Elle me montre sa production : elle reproduit, sur divers articles de vaisselle, un motif ne varietur, dont la joliesse — un visage de femme stylisé — ne fait pas de doute, mais décourage l’achat pour ce qui me concerne... L’atelier possède une mezzanine où elle dormira, y ayant installé un couchage : si le rideau de fer est encore baissé demain matin, je n’aurai qu’à laisser les clés de son appartement à l’intérieur et refermer sur moi la porte en la claquant.
Nous parlons de choses et d’autres, de Séville bien sûr, notamment de la féria, qu’elle semble peu apprécier, à l’instar de son amie Audrey...
Elle me montre ensuite l’appartement, assez grand, sur deux étages, qui se compose d’une pièce à vivre avec un coin cuisine assez vaste sur un premier plateau, tandis que je découvre au second niveau une terrasse exiguë, une chambre de dimension moyenne et une petite salle de bains.
Comme je lui demande ce qui, à son sens, mérite encore d’être vu à Séville, elle me recommande d’aller voir telle exposition — j’ai oublié entre-temps de quoi il s’agissait, mais je me souviens avoir été médiocrement intéressé, laissant à mon interlocutrice le bénéfice du doute : ce devait être une exposition antérieure dont elle m'avait fait l'éloge, ce que je voyais ne concordant pas véritablement avec ce qu'elle m'en avait dit — au Centre andalou d'art contemporain, ce qui occupera doucement mon après-midi, les lieux en eux-mêmes valant le déplacement de toute façon.
Je m’y rends à pied, approchant alors le Séville moderniste que l’on aborde, de ce côté du canal, en traversant une sorte encore de no man’s land...
Le Centre andalou contemporain se trouve dans l’ancien monastère de la Chartreuse de Santa María de las Cuevas, celui-ci ayant connu, comme je commence en avoir l’habitude, divers avatars, gothique, mudéjar ou renaissant, jusqu’à être transformé au XIXe siècle en fabrique de faïence et de porcelaine — l'ensemble, lui, ayant été réhabilité pour l'Exposition universelle de 1992. Dans le réfectoire, qui date du XVe siècle, dorment dans leur sépulcre de marbre les mécènes du monastère, l'endroit ayant aussi abrité, apprendrai-je ensuite, pendant trente ans la dépouille de Christophe Colomb... Les jardins, à l’extérieur, sont également très beaux.
* * *
Je dîne, le soir, dans ce restaurant où, contrairement à mes préventions initiales, j’ai fini par éliredomicile. Et, la fourchette à dessert levée, tout en songeant à Duncan, je me demande un instant si le cheesecake n’est pas le plus international des desserts.
Alaméda dé Hercules, je m’amuse de voir les bourgeois indigènes promener leurs chiens de race, des lévriers aussi poseurs que leurs maîtres : ici, comme ailleurs, le quartier historique doit rejeter à sa périphérie, ou beaucoup plus loin peut-être encore, ceux qui appartiennent aux classes populaires. Pourtant, en me promenant et en levant les yeux vers les façades, comme à Barcelone en 2011, j’ai vu beaucoup d’appartements à vendre pour des sommes loin d’être pharamineuses ; mais comme j’ignore tout du prix des loyers, le ratio est difficile à établir...
En rentrant, sur la place de l'autre côté de l'église San Luis, devant les poubelles qui débordent, c’est à Naples que le spectacle me ramène...