566- À pas étourdis, journal extime (8)
À pas étourdis : Paris - Prague - Paris
(journal extime : 22 juillet - 8 août 2014)
31 juillet
Je suis levé tôt. Il a plu, et le ciel est couvert.
Je me rends à la gare afin d’acheter un “pass” qui permet la gratuité des transports et l’accès libre ou à prix réduit à certains musées.
Derrière le guichet, une femme revêche s’emploie à me démontrer que la carte est onéreuse et, comme j’insiste, elle finit, avec une très mauvaise grâce, par se lever pour m’en procurer une. Par la suite, je m’apercevrai qu’elle ne m’a pas fourni le livret qui sert à la fois de vade-mecum et de mode d’emploi.
Je prends ensuite le métro jusque la place de la vieille ville (Staroměstské náměstí). A l’angle d’une rue, non loin de la station de la métro, je photographie ma première façade pragoise.
Négligeant la maison natale de Franz Kafka, qui n’est pas pour l’heure mon souci premier, je visite assez sommairement l’Eglise Saint-Nicolas, la première qui s’offre à moi à l’entrée de la place.
Je monte ensuite au sommet de la tour de l’hôtel de ville, après avoir eu beaucoup de mal à en dénicher l’entrée (qui, en fait, se trouve dans l’hôtel de ville même). Si cela paraît logique ensuite, la tour a son unité architecturale qui en fait un bâtiment singulier, tandis que l’entrée moderne semble abriter bureaux et administration.
En haut de la tour, le panorama sur la place et la vieille ville appelle au moins autant le cliché photographique que la Giralda à Séville, même si le spectacle en est très différent.
Je veux enchaîner avec l’hôtel de ville même, mais il faut attendre une prochaine visite guidée, les groupes étant strictement contingentés. Je reviendrai donc à 13 heures.
Je me rends donc au Palais Goltz-Kinský, qui abrite de belles antiquités grecques ainsi qu’une très belle collection asiatique. (Les photographies que je fais des bouddhas qui me plaisent sont, malheureusement, toutes floues... Seule est acceptable cette tête pleine de sérénité de Marc Aurèle, dont je prends un cliché pour P., qui, quand j'étais au lycée, m'avait fait lire les Pensées de l'empereur philosophe...)
L’hôtel de ville paraît médiocre en comparaison... Entre-temps la place s’est remplie et est maintenant très peuplée. Je filme la sortie des apôtres, alors que sonnent treize heure à l'horloge astronomique, de l’intérieur.
Il est presque 14 heures quand la visite s’achève, et mon estomac réclame sa pitance. J’erre un peu avant de trouver un sandwich qui soit appétissant, que je complète d’un gâteau à l’abricot. Je m’accorde une courte pause pour boire une bière brune en terrasse, tout en précisant « a small one » pour ne pas me voir servir une pinte ! J’entends des conversations aux tables voisines en éprouvant ce plaisir singulier d’être en pays étranger et de rien comprendre à ce qui se dit (plaisir qui, à d’autres moments, sera souvent entamé, beaucoup de Français, entre autres hordes, se trouvant à Prague au cœur de l’été…)
Puis j’escalade la tour poudrière. Je peste, je dois dire, contre ces nouvelles marches, qui m'offre toutefois un autre panorama !
Puis je me mets en quête du couvent Sainte-Agnès-la-Bienheureuse. J'y découvre de beaux “spécimen” d'art religieux. Les clichés que j'en prends sont malheureusement flous eux aussi.
En revanche, revenant sur mes pas, je fais une queue inutile pour le musée de la maison à la cloche de Pierre : celui-ci n’est pas accessible, puisque son espace est dédié à une exposition Tim Burton pour laquelle on se presse (je comprends mieux alors ce que signifient les “effigies” gonflables que j’ai vues sur la place de la vieille ville [Staroměstské náměstí !] : la créature bleue est échappée de l'univers du cinéaste, tandis que la réplique géante d'une boîte de conserve rouge signale l'entrée d'une exposition consacrée à Andy Warhol). Je décide arbitrairement que je n’ai pas l’âme d’un adolescent, ni celle d’un aficionado du cinéaste, et vais voir ailleurs...
Je retourne à l’office du tourisme et me fais donner le livret explicatif que la Gorgone du matin n’a pas voulu me donner.
Je vais donc voir, puisque je n’en suis pas loin, la maison de l’anneau d’or.
Là, je parcours un très bel accrochage d’une artiste dont j’ignore tout : Vlasta Fischerová. Je contemple ses très beaux portraits.
Ce n’est pas seulement la fatigue qui me laisse sans adjectifs plus précis : c’est la beauté elle-même qui ne se laisse pas toujours aisément définir... Quoi qu’il en soit, la journée a été dense, et mes pieds sont fourbus. Et le reste de mes os, et de mon squelette.
Je reprends le métro en sens inverse de celui du matin : j’ai aperçu un supermarché à la gare, où je fais quelques courses. Dans les marchandises exposées — j’ai envie de demeurer au studio —, je ne suis pas toujours certain des denrées dont je vais pouvoir me faire un dîner. De fait, ce que j’ai pris pour une macédoine de légumes en bocal s’avère des pickles… Qu’à cela tienne, je m’organise un apéritif dînatoire…
Je découvre, en arrivant, que la propriétaire a laissé un ventilateur sur pied. Il sera bien utile pour rafraîchir l’atmosphère.
Je suis bientôt allongé. Les pals de l’engin font frémir les pages de mon livre.