565 - Janvier 2015 [journal tressé] (7)

Publié le par 1rΩm1

565 - Janvier 2015 [journal tressé] (7)

19 janvier [suite]

Parvenus à bon port, au chaud dans l’appartement et sous la lumière, je le considère mon petit Américain volubile pas vu depuis dix-sept mois. Il n’a pas trop changé. Il a moins changé que Julien — après un peu plus de deux ans, mais à un âge où il est vrai cependant qu’on se retrouve définitivement adulte, “homme fait”, puisque entre vingt-quatre (âge qu’atteindra Duncan en avril) et presque vingt-sept ans...

Tandis qu’à la cuisine, après nous avoir servi un whisky, je prépare à dîner — tout est prêt déjà, sauf les magrets d’oie, dont il faut que je retire la graisse, pour la soupe d’endive —, il me retrace sa liaison avec Antonin...

Il se dit soulagé d’avoir rompu, retrouvant son existence telle qu’auparavant, disponible à nouveau pour ses amis — en novembre, j’avais réagi à son SMS en l’enjoignant à sortir et se changer les idées, alors que, précisément, il disait ne pas vouloir « socialiser » —, m’expliquant combien avait été étouffante sa relation avec non seulement Antonin, mais la mère de celui-ci. Contre son gré, en effet, il avait été présenté aux parents du jeune homme, qui bâtissait pour le couple des projets d’avenir, notamment d’adoption, en dépit des protestations que pouvait émettre Duncan, bien peu enclin à se voir doter d’un avenir calqué sur celui des hétérosexuels — tandis que, allant dans le sens de sa mère, Antonin cherchait déjà une maison pour qu’ils s’installent, Duncan et lui... Non content d’être mis en quelque sorte en cage, Duncan a dû peu à peu aussi essuyer de continuelles suspicions, de noires jalousies, dont il m’assure qu’elles étaient infondées, ce que je n’ai pas de mal à croire au petit ton triste que cette évocation fait naître... Il me rapporte aussi un reproche qui lui avait été adressé dans telle circonstance oubliée, comme quoi il aurait dû réagir de façon tout autre en prenant son vis-à-vis dans ses bras et en l’appelant « mon petit chaton » !... De fait, si le ridicule ne tue pas, il navre au moins, et j’ai, comme lui, horreur de ces manifestations excessives et sirupeuses d’affection, qui sont d’ailleurs plus souvent des démonstrations cabotines plutôt qu’elles n’obéissent toujours à des sentiments absolument sincères...

Au vrai, si je commente très peu ce à quoi le flux verbal de Duncan n’invite de toute façon pas — loin de moi l’idée de lui en faire reproche : au contraire je fais provision de cette jeunesse, voire, si je m’en attriste, m’intéresse vivement à cette première expérience de couple à laquelle je n’aurais pas imaginé Duncan confronté un an et demie plus tôt —, je m’amuse aussi de ce qu’il me raconte. Lui-même souligne l’hiatus entre ses aspirations, plus circonscrites et raisonnables, plus tempérées sans doute sinon plus froides, et l’investissement, pour ainsi dire dans l’échauffement et le délire, sans distance ni écoute, de ce garçon qui porte si bien le nom d’Antonin (car je songe à ce qu’écrivait — toutes proportions gardées — Anaïs Nin d’Artaud)... Duncan me dira avoir connu pourtant avec ce garçon de très bons moments — ses traits s’éclairent à cette évocation —, surtout à leurs débuts... Il commente le plaisir, en tout cas, d’être à nouveau seul : il tient, depuis, à distance un autre garçon, un Strasbourgeois avec qui il correspond : il ne veut pas reprendre une relation tout de suite ; il a besoin de temps, besoin de se reprendre, besoin d’oublier toute cette acrimonie que l’autre a fait bruire avant la séparation...

Il justifie ainsi les presque dix-huit mois écoulés sans voir trop de monde, la jalousie d’Antonin, le repli dans le couple l’ayant coupé d’autres amis, plus proches encore, qui lui ont aussi reproché — je me tais à ce sujet, car, si j’ai relancé plusieurs fois Duncan, mes reproches n’étaient pas explicites, même s'il a pu les lire en filigrane dans ce que j’ai pu écrire —, et dit qu’on ne l’y reprendra plus...

 

Qu’a-t-il fait depuis juillet 2013 ? Il me raconte avoir été embauché par son frère, mais sans répit, de 8 heures à 23 heures, si bien, m’assure-t-il, que nous n’aurions pu nous voir durant cette période où j’étais moi-même à Paris...

 

 

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