568 - Janvier 2015 [journal tressé] (8)
19 janvier [suite]
Nous sommes bientôt à table. Dans la voiture, il m’avait dit qu’il s’était réservé pour ce soir, n’ayant déjeuné que légèrement à midi. Comme d’ordinaire, il se montre aimable envers ma cuisine, et, comme je le lui dis, il proteste : il est difficile — et sincère. Sans doute l’est-il, puisque, pour le dessert, que je trouve quelconque (je l’ai acheté le jour même chez Picard, le boulanger-pâtissier de mon quartier étant fermé), il ne soufflera mot...
Il me raconte aussi qu’on lui a offert un lapin (c’est la soupe à l’endive qui lui fournit l’association d’idée, puisque il nourrit de feuilles d’endive la bestiole). Il y met toute sa verve. Il cohabite avec l’animal, qu’il ne caresse pas, ses invitées s’en chargeant (O*** a nourri l’animal durant le voyage en Turquie), le laissant aller et venir sans s’occuper de lui. Je m’étonne, mais il m’explique que l’animal est tout à fait propre : sans doute impressionné par la colère de Duncan la première fois que le lapin hors de sa cage a fait ses besoins, il agit, depuis, dans sa litière, et, qui plus est, n’a jamais rien rongé dans le studio, pas même les fils électriques, ce pour quoi les lapins ont ordinairement un faible particulier... Je plaisante, commente sa chance et lui dis que ce lapin a tout d’un chat ! Comme pour un chat, d’ailleurs, il a dû consulter un vétérinaire pour une indisposition gastrique quelconque... et s’acquitter auprès de l'homme de l'art du prix de quelques lapins !
Il dit regretter ne pas avoir su que j’étais seul le soir du réveillon de Noël... Il m’avait envoyé, en effet, un SMS le jour de Noël, me demandant si j’avais passé un bon réveillon (hope you enjoyed your eve diner), à quoi j’avais rétorqué par plaisanterie m’être régalé d’un œuf sur le plat et de lentilles — et lui de me répondre, photo à l’appui, avoir dîné seul lui aussi d’une omelette, ce qui nous ramenait au premier soir où c’est ce plat que, le retenant à manger, je lui avais servi.
Il était prévu de longue date qu’il réveillonnerait chez les parents d’Antonin, il était alors aussi en pleines révisions pour ses examens, avait renoncé à rentrer chez ses parents dans les Vosges, ce qui explique cet esseulement — mais, dit-il, s’il avait su que j’étais seul moi aussi, nous aurions pu conjoindre nos œufs !
Je ne sais comment le sujet tombe, mais il me dit avoir renoncé au minodixil. Il abaisse la tête pour me montrer un début de tonsure.