577 - In memoriam (5 mai 2013)

Publié le par 1rΩm1

 

[Je me suis décidé à lire — je m’étais dit que je le ferais un an un jour après le décès de J.-M., mais pas avant : j’ai attendu finalement deux ans très exactement, et je l’entame ce jour — mon abondante correspondance au fil des ans avec cet ami à qui je pense très étroitement tous les jours — et qui me manque plus étroitement encore. Les courriers ne sont pas classés. J’ouvre donc la première enveloppe d’une lettre à l'évidence postée en Thaïlande,

 

577 - In memoriam (5 mai 2013)

 

en sollicitant auparavant ma mémoire, le cachet postal étant partiellement illisible : était-ce en 1987 ou en 1988 ?

La réponse vient immédiatement.]

 

Chiang Mai, le 21 juillet 1988

 

[La lettre est adressée à J.-M. et Pascal. Je la reproduis telle qu’elle a été écrite, errements orthographiques compris, en fournissant quelques explications, que comprendront peut-être ceux qui ont lu déjà mes billets à propos de J.-M.]

 

Chers l’un et l’autre,

Le train est parti à 10 h 15 de Lampang. Auparavant, j’ai pris un déjeuner américain auprès de mon gentil petit Thaï de la veille. A midi trente, j’arrivais à Chiangmai (et zut ! écrivez-le comme vous voulez !), pris en charge par un cyclo-pouss’ de la gare au Tourist office of Thailand, puis de là jusqu’au Welcome Guest House. J’ai vite su, en effet, que le Watana G. H. n’existait plus (« closed now ») et j’ai recueilli auprès du T.O.T. une vague adresse dont je n’ai guère compris s’il s’agissait de l’ex-adresse du W.G.H. ou de Watana lui-même...

Eh oui, tout change, et tout a dû, ici, considérablement changer en dix ans.

 

[Sur l’instant toute l’étendue de la notation, banale, ne m’est pas apparue. Ce n’est que graduellement que j’ai compris que ce Watana, propriétaire d’une guesthouse, était l’amant thaï à la bague verte rencontré dix années auparavant par J.-M. — et que j’étais parti à sa recherche...]

 

A côté de Chiang-Maï, Yogyakarta fait figure d’une calme et petite bourgade, et les agences de trekking (c’est pareil pour l’orthographe...) et les guest-houses ont poussé comme des champignons... Ceci dit, les prix restent, malgré tout, raisonnables. Tout de même, l’envie de disparaître de cette masse de touristes se fait forte, car c’en est une lente et continuelle procession — même si toutes sortes d’arrangements sont prévus pour eux.

 

J’ai voulu tout de même retrouver Watana. Je ne sais pas pourquoi, J.-M., mais, comme on dit dans l’analyse des récits, j’ai considéré qu’en me donnant son adresse tu t’étais transformé en destinateur (dans les contes celui qui envoie le héros à la recherche de quelque chose) d’un message, dont Watana était le destinataire. Mais, bref, vous savez bien que je suis sentimental... (Si j’étais Watana, je serais content qu’on ait pensé à moi de si loin et de si longtemps.) Aussi, muni de ma vague adresse, ai-je erré dans les Soï avoisinantes, en questionnant les gens. La plupart étaient de nouveaux migrants qui ne pouvaient m’aider, les autres m’ont conduit jusqu’à d’autres guest houses. Bref, j’ai échoué dans ma quête.

En tout cas, j’ai beaucoup marché. Tout ceci m’a permis de faire le repérage indispensable après quoi je me sens habiter à peu près un endroit. Le soir, j’ai mangé dans un restaurant indien, où l’on m’a servi deux délicieux et très différents curries, malheureusement en portions indigentes — tandis que le riz, lui, était en abondance. Pour l’heure, je rentre, épuisé de ces longs trajets sur des trottoirs inégaux à travers presse et circulation intenses. Je crois que je ne mettrai pas bien longtemps à m’endormir... Le chant des cigales, celui d’un « toké », le ronflement du ventilateur, tout cela saura bien me bercer...

(à suivre)

 

 

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