586 - Journal extime avec vue (sur l'Arno) (Florence, automne 2014) (1)
21 octobre, soir, Florence
En voulant chercher l’adresse de mon logeur, je m’aperçois que j’ai perdu le porte-documents gris contenant tous les papiers importants imprimés avant de partir : carte d’embarquement pour le retour, réservations de musée, coordonnées de mon logeur.
Je suis saisi d’instants de panique. Avant que je me raisonne.
J’ai écrit l’adresse quelque part dans mon carnet, conservé les mails — et suis parvenu, par un trajet en escalier depuis la gare, jusqu’à la rue où je dois résider une semaine. J’ai même emprunté le Ponte Vecchio comme par jeu — j’aurais pu poursuivre sur la même rive de l’Arno —, en feignant l’indifférence.
La nuit tombe. Je porte mes pas jusque dans une cour éclairée qui semble contenir des ateliers d’artistes. J’allume l’ordinateur sur une sorte de tabouret, retrouve la réponse de Matteo au courriel où j’annonçais une arrivée imminente tout en m’enquérant de l’adresse : je croyais devoir aller au 35 — en m’étant déjà grandement étonné que devoir appuyer sur le bouton de sonnette le plus en hauteur, selon les consignes de Matteo, ait perdu toute signification puisqu’il n’y avait là qu’une seule sonnette, d’où ma vérification primitive de l’adresse —, mais m’aperçois que c’est au 45 que je dois me rendre.
C’est doublement rasséréné que je sonne au bon endroit — par conséquent — à l’heure précise (19 heures) où j’ai donné rendez-vous.
* * *
Je juge, en revanche, plutôt négativement l’appartement que me montre le cousin de Matteo sur le moment. Pas de lumière quand on actionne — si l’on peut dire — le va-et-vient de la montée d’escalier qui mène à la mezzanine, pas de WiFi (malgré le descriptif de l'appartement, qui prétendait qu'on captait celui de la ville), un meuble quelconque peint en bleu céruléen… Mon regard sur les lieux les défraîchit plus encore qu’ils ne le sont véritablement…
J’ai dû laisser mes papiers dans le bus : récapitulant mes faits et gestes depuis le moment où j’ai pris l’avion, je ne vois guère que cette solution.
Mes pas me portent imperceptiblement jusqu’à la gare routière — c’est aussi le seul trajet que j’aie pu expérimenter, même si j’aborde, cette fois, l’autre rive de l’Arno. Je ne trouve, en chemin, aucun magasin où faire les achats nécessaires au petit-déjeuner du lendemain. Peinant à m’orienter en débarquant du bus, j’avais toutefois remarqué un petit supermarché tout en m’intéressant à ses heures d’ouverture. Je décide donc de m’y rendre et — qui sait s’ils n’ont pas été retrouvés ? — de partir à la recherche de mes papiers perdus. En pure perte. (Je ne trouverai qu’au retour les guichets de la gare routière dans une rue adjacente, alors que je les cherchais à l’intérieur même de la gare ferroviaire ; comme il est tard déjà, ceux-ci sont fermés.) J'en profite néanmoins pour faire quelques courses.
Lesté d’un sac de provisions, je dîne dans un ristorante [?], où je commande un osso bucco. En attendant qu’on me serve le plat, je retrouve sur ma clé USB le billet d’embarquement du retour et, me connectant sur Internet, fais des archives des vouchers (en l'occurence, des contremarques ou billets d’échange) que j’avais imprimés pour pouvoir accéder aux Ufizzi et à l’Accademia.
Il n’est pas très tard ensuite, mais je décide de rentrer : le voyage et ses émotions m’ont proprement vanné.
Rentré, j’étrenne le carnet à spirale acheté à Prague. Le papier en est doux et docile sous la pointe du stylo-bille. Est-ce pour cela que, contrairement aux bribes de phrases que j’ai pour habitude de lancer comme mes filets de pêche, je rédige, ce soir, quoique sans apprêts, des phrases entières ? J’ai rempli trois pages sans m'en rendre compte…
(Je suis néanmoins consterné d’avoir été ainsi emparé d’une aventure sans grande portée — et, subséquemment, de n’avoir rien dit des lieux magnifiques que j’ai côtoyés en allant et venant ainsi dans Florence. Mais je sais bien que l’occasion me sera bientôt donnée d’y revenir… ce ne sont pas tout à fait des lignes — c’est du moins ce que je m’imagine... — tracées par un Béotien !...)
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(Outre la capture d'écran que j'avais effectuée d'un plan de ville [j'ai néanmoins quelque peu modifié l'adresse], je ne puis non plus résister à l'envie de reproduire, puisque je les retrouve tels que je les avais enregistrés, mes messages échangés avec Matteo en ces temps de traduction mécanique, lesquels doivent être d'un comique involontaire ! : Bonjour, J’ai réservé votre appartement du 21 au 28 octobre. Mon avion atterrit à Pise mardi dans l’après-midi. Je serai à l’appartement à 19 heures. Je n’aurai pas de téléphone portable avec moi, mais je vous préviendrai en cas de problème. A bientôt de vous rencontrer. Bien cordialement, Romain P. PS – quel est le numéro de la rue ? Hello, I booked your apartment from 21 till 28 october. My plane lands in Pisa on Tuesday in the afternoon. I shall be at the apartment at 7 pm. I shall have no mobile phone with me, but I shall warn You in case of problem. See You soon. Best regards. PS – what is the number in the street ? Buongiorno, Ho riservato il vostro appartamento dal 21 al 28 ottobre. Il mio aereo atterra a Pisa martedì nel pomeriggio. Sarò all'appartamento alle 19 :00. Non avrò telefono portabile con me, ma vi preverrò in caso di problema. A presto di incontrarvi. Bene cordialmente, PS - a quale numero di via l'appartamento si trova egli? (non parlo italiano, la traduzione è stata fatta da www.reverso.net !)