594 - Journal extime avec vue (sur l'Arno) (Florence, automne 2014) (8)
28 octobre, Florence
Je suis éveillé et levé tôt.
Ma dernière matinée, je la passe à San Marco.
Je photographie un détail d’une peinture de Mariotto Albertinelli, que je destine à Julien W., puisque son saint patron s’y trouve représenté…
Les fresques des cellules de moines, dans leurs coloris, dans leur cisèlement délicat, nonobstant certains des thèmes représentés, sont un vrai bonheur pour les yeux.
Mon imagination s'envole quelques moments à propos de Savonarole, dont le portrait de Fra Bartolomeo entend restituer la hideur morale — ou, de par son stigmate sanglant sur le crâne, créer peut-être l’épouvante — et dont le spectre hante encore ce qui est, selon la tradition, son siège (les deux photos de l’un et de l’autre, chaise ou portrait, sont ratées) — et je suis naturellement dépité que la bibliothèque soit fermée.
Je me console avec d’autres fresques magnifiques, celles notamment de Fra Angelico
— ou celle du Beato Angelico représentant saint Dominique au pied de la croix.
* * *
Rentré au studio, après avoir achevé mes bagages, puisque je suis censé laisser les clés à l’intérieur et que je ne le verrai pas, je laisse un mot à Matteo, en lui faisant quelques suggestions pour améliorer la qualité du séjour de ses occupants, notamment en matière d’éclairage des lieux et d’équipement de la cuisine (il n’y a même pas de passoire, ce qui paraît un comble au pays des pâtes…).
J’ai du temps encore et fais quelques photographies du quartier…
Alors que je m’apprête à partir, je croise le voisin de palier, qui engage la conversation, me dit être l’oncle de Matteo et me demande de lui laisser les clés. Je refuse gentiment et laisse le trousseau sur la première marche de l'escalier intérieur.
Je vais doucement avec mes bagages dans les rues de Florence, signe quelques autres adieux — dont celui à Persée —,
et déjeune tranquillement ensuite dans une pizzeria toute proche de la gare.
Dans le bus qui me mène à l’aéroport de Pise, je laisse vagabonder ma pensée. Ce qui m’est tout à fait exceptionnel : je ne fais rien.
Même jour, soir, Paris
Je passe la soirée avec B., chez elle, à Villejuif.
Elle m’a invité à dîner et, comme d’ordinaire, répète qu’elle ne sait pas faire à manger. Sans bien entendu que je lui dise, cette coquetterie m’amuse.
Cependant, si elle paraît contente de me voir et recevoir, elle me conte avec des accents plaintifs ses démêlés avec la copropriété de son immeuble, dont elle assume en quelque sorte l’incurie dans des échanges avec un nouveau syndic professionnel un peu mou. Je note à part moi qu’elle boit un peu plus d’ordinaire, ce qui est évidemment tout relatif…
Je passe une bonne soirée et lui suis reconnaissant de cet atterrissage en douceur…