603 - À pas parallèles, Paris (3)

Publié le par 1rΩm1

 

À pas parallèles, Paris

[journal extime et distancié]

(17-26 avril 2015 ; 2-6 juillet 2015)

 

Jeudi 17 avril [suite]

Soir

Moment de solitude dans la cuisine de J. alors que je prépare un dîner improvisé.

N., qui m’a fait la causette quand j’avais posé ma valise dans son studio, doit de se sentir déchargé de son devoir d’hôte.

Sa phrase sur Judith comme « énigme ». Je rétorque je ne sais quoi, mais c’est lui l’énigme

Les enfants ont tjs droit à leur régime alimentaire de faveur. Laure ne s’occupe pas du linge à étendre (pas plus que N ne s’était préoccupé de la lessive faite). C’est moi qui étendrai (m’irrite intérieurement que J. passe par-dessus N. les déchets des assiettes à mettre à la poubelle : pourquoi lui ne s’en occuperait-il pas ?)

Nous ne nous serons dit d’intime ni d’important, J et moi

Cependant — me dis-je pour me consoler — tout ce petit monde avait l’air content du dîner. Le poulet a été dévoré jusqu’à l’os. Laure a complimenté l’assaisonnement des champignons crus. Le dessert a plu. Champignons émincés !

(Pq cependant dîner à la cuisine dans des verres à eau ternis par les lavages de la machine à vaisselle ?)

Mon Leiris en Pléiade aussi (m’a-t-il paru). Mais la bouteille de mirabelle est restée capsulée. Il est vrai que J avait encore bien d’autres choses à faire. Je m’éclipse tôt, croyant que la fatigue me rétamera jusqu’au lendemain. Js bien dormi dans le studio de N.

 

Pq penser q le lover putatif donnera lieu à un capotage ?

 

Je goûte un moment de solitude dans la cuisine alors que je prépare un dîner improvisé pour lequel j’ai fait quelques courses. N., qui m’a fait la causette quand j’avais posé ma valise dans son studio, doit de se sentir déchargé de son devoir d’hôte. Judith vaque à l’extérieur et m’a laissé la clé qui ouvre la porte de la cuisine.

Je m’aperçois, à travers le hublot du lave-linge, qu’une lessive est finie, sans que je parvienne à ouvrir la machine. Je cherche alors N. pour le lui signaler. Judith, me répond-il, s’en occupera quand elle sera rentrée. Alors que je lui demande, précisément, s’il sait quand elle sera revenue, il me répond, avec un sourire entendu — mais je me demande ce qui, à ce sujet, peut bien être entre nous si fortement entendu (quelque complicité masculine sur l’essence des femmes, peut-être ?) — qu’il n’en sait rien, que, de toute façon, Judith est une énigme ! Je ne sais ce que je rétorque alors, mais songe à part moi, agacé par cette réponse, qu’il m’est autrement opaque que ne l’est Judith !

Enfin, cette dernière arrive, et nous nous attablons. Laure et Lucien, qui ne prisent guère les légumes, se voient proposer par Judith des galettes de pommes de terre. Même si elle me ramène à l’enfance, cette scène familiale à quatre, nonobstant la pièce rapportée que je constitue, me paraît étrangement exotique, et je l’observe de cet œil rapporté qui tient du sociologue et du persan, de l’analyste froid et de l’étranger. A la fin du repas, Judith me tend une assiette qui contient des déchets à jeter : sur l’instant, je ne comprends pas son geste, d’autant moins que son bras passe devant N., qui, lui, se trouve beaucoup plus proche que moi de la poubelle : je saisis enfin qu'il ne doit pas être dans ses attributions de s’occuper des reliefs du repas ! Laure, quant à elle, fera la sourde oreille quand Judith, à deux reprises, lui demande d’étendre la lessive dont j’ai signalé la fin de cycle… Je finis par proposer de m’en occuper, afin que Judith puisse se livrer à d’autres préparatifs en vue de leur départ le lendemain. Quand je rejoins le studio de N., je me dis que nous ne nous serons rien dit d’important ni d’intime, elle et moi, au cours de la journée, pris par cette routine familiale envahissante et centripète.

Cependant — me dis-je pour me consoler —, tout ce petit monde avait l’air content du dîner. Le poulet a été dévoré jusqu’à l’os. Laure a complimenté l’assaisonnement des champignons crus. Le dessert a plu. Même Judith y est allée d’un petit compliment, qui s’est enquise de savoir comment je faisais pour couper si finement les champignons que j’avais émincés... (Et moi de n'oser dire que la réponse se trouvait dans la question même !)

Je reste néanmoins vaguement irrité. Sans être trop formaliste, j’aurais préféré qu’on ait installé  nappe et couvert dans la salle à manger, sorti les verres à pied plutôt que des verres à eau ternis par les lavages de la machine à vaisselle et des assiettes dépareillées, qu’on se soit assis autour de la belle table en acajou que m’avait montrée fièrement Judith la première fois que j’avais vu l’appartement meublé après qu’ils avaient enfin emménagé, plutôt que de nous retrouver tous si serrés autour d’une table trop petite, la cuisine, sans avoir la taille ridicule de nombre de ses homologues parisiennes, n’étant aménagée que pour quatre personnes, tant et si bien que je paraissais, outre mon exotisme avéré, figurer en tiers dans le décor...

Dans ce canapé-lit où je me retourne sans trouver tout de suite le sommeil, je songe aussi que Judith a paru contente du volume des œuvres de Leiris en Pléiade que j'avais apporté… Mais la bouteille de mirabelle est restée capsulée. Il est vrai que Judith avait encore fort à faire et qu’il n’était guère question, dans ces conditions, de prendre un digestif. Quoi qu’il en soit j’ai pris congé tôt, pensant d’ailleurs que la fatigue me rétamerait jusqu’au lendemain. J’aurais dû me souvenir que jamais je n’ai bien dormi dans le studio de N. et j'aurais dû sortir, marcher jusqu’à Montparnasse…

 

Par ailleurs, pourquoi penser que la rencontre avec C., lover putatif de toute façon, est vouée à capoter ?

 

Jeudi 2 juillet [suite]

Soir

Je descends à pied jusque la place du marché Sainte-Catherine, où j’ai donné rendez-vous à Aymeric. Assis sur un banc, je guette une place en terrasse qui se libérerait et où je pourrais m’installer. J’envoie un SMS pour communiquer le nom de l’endroit. Installé par un jeune serveur joli garçon, je suis déplacé par un autre, moins jeune quoique agréable à regarder : on attend une tablée de huit personnes qui ont réservé. Je m’agace un peu de ce déménagement. D’ailleurs — effet de la chaleur ? —, je suis d’humeur rogue, d’autant que je constate que, si mon SMS est bien parti, la réponse que m’envoie Aymeric, après le bandeau qui en reproduit les premiers mots, est introuvable : « connexion à la conversation impossible » m’assène l’engin intelligent ! Et comme, par cette chaleur, je trouve trop peu frais le verre de Sancerre qu’on me sert, je rabroue par deux fois le serveur. Il doit avoir l’habitude des grincheux car il ne paraît guère s’en offusquer.

Je vois passer à l’autre bout de la place Aymeric sur sa bicyclette. J’ai la crainte un instant qu’il soit perdu. Il arrive bientôt. En fait, il cherchait un endroit où remiser son véhicule, la place ne lui paraissant pas propice.

Nous le vérifierons : le téléphone est en berne, il n’y a aucune trace des messages qu’il m’a envoyés.

 

Nous nous donnons de nos nouvelles, meublant les interstices obligés de nos conversations depuis avril. Ainsi T*** était à Paris il y a quelques temps, qu’il a vu — et qui va aussi bien que sa vie professionnelle le lui permet. Nous en avions parlé la fois précédente déjà : sa mère semble un peu perdre la tête. Sa mémoire du moins flanche. Elle peut répéter à quelque dix minutes un même fait sans importance. Je songe à ma grand-mère maternelle. Ces affections des vieilles personnes inquiètent autant qu’elles agacent. Or, nous sommes tous sujets à ces pertes de mémoire immédiate — et nous en sentons menacés… inquiétés… agacés…

 

Nous dînons plutôt bien, quoique à l’intérieur, dans le restaurant italien où j’ai réservé. Les plats qu’on nous sert sont copieux. Ils le sont même un peu trop : le plat principal abonde en ricotta.

 

Nous errons un peu ensuite en direction du Marais pour trouver une terrasse. Nous passons devant le bar où N*** aime aller, et sommes donc tout près de l’appartement à la mezzanine sensuelle et douce qu’habitait [habite encore ?] le lover d’agréable mémoire rencontré à mon retour de Berlin — et dont je serais incapable aujourd’hui de savoir si le nom (Emmanuel) que je lui avais donné était d'emprunt ou non.

 

Même si nous sommes tout proches de Beaubourg dans ce café où nous asseyons finalement et que nous accablent les bruits de circulation de la rue du Renard, il fait un petit vent coulis bienvenu après les fortes températures de la journée.

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