628 - À pas dansés (Paris-Bratislava-Vienne-Paris) (10)
À pas dansés
(Paris, Bratislava, Vienne, Paris)
Journal extime (24 juillet-12 août 2015)
1er août
Ce sont les pavés qui ont dû battre mes pieds, plutôt que l’inverse…
J’ai sillonné en tous sens le centre historique de Vienne.
Comme la veille, et pour commencer, je passe devant le Parlement, dont le pompeux néo-grec me paraît bien prétentieux et plutôt laid.
Je me montre plus indulgent pour les fresques symbolistes un peu hiératiques, qu’accablent néanmoins aussi le pourpre et la dorure…
Derrière l’Opéra, sur l’Albertinaplatz, je photographie le Mémorial contre la guerre et le fascisme d’Alfred Hrdlicka.
Puis je vais, de droite et de gauche, en direction de la cathédrale Saint-Etienne, l’attention retenue par des façades, telle celle du 14 Anna Gasse (façade baroque revisitée au XIXe siècle),
entrant dans Anna Kirche (dont les ors baroques et les marbres effarent l’appareil photographique, qui se trouble sous les réverbérations de la lumière, ne délivrant plus que des clichés flous), me déportant ensuite jusque Neuer Markt et le Donnerbrunnen (fontaine de Donner), amusé par l’anecdote que je lis à propos de ce Pêcheur au harpon dans le guide que m’a prêté Aymeric : le sculpteur Raphael Donner, « pour se venger d’un commanditaire », aurait ainsi fait en sorte que sa statue « montre son derrière vers ses fenêtres ».
De zigzag en zigzag, j’aboutis à la cathédrale Saint-Etienne.
Je m’acquitte du droit d’entrée afin d’en pénétrer plus avant l’intérieur.
Mes photographies de la chaire d’Anton Pilgram sont ratées, celle du Wiener Neustädter Altar, retable « qui représente la Vierge entre sainte Catherine et sainte Barbe, dans la chapelle à droite du chœur », passable.
De Stephanplatz je vais ensuite, pour une première fois, en direction du Graben.
Je visite alors Peterskirche, dont je parlerai plus tard avec J.-C., l’œil happé par sa coupole ovale, représentant l’Assomption.
Sur Judenplatz, au cœur de l’ancien ghetto juif, la perspective, depuis la statue de Lessing vers le mémorial aux victimes de la Shoah en Autriche — dû à Rachel Whiteread, qui a choisi de représenter l’irreprésentable par un parallélépipède dont les faces sont constituées de rangées de livres aux pages tournées vers l'extérieur,
© Internet
Je visite ensuite Maria am Gestade,
puis cherche dans les rues en contrebas l’élégant petit pont Jugendstil (Hohe Brücke) qui enjambe le Tiefer Graben.
© Internet
Au haut du pont, sans en voir, sinon les balustrades, l’architecture, les touristes sont nombreux à se faire photographier ; j’attends qu’ils s’éloignent (ils restent là le temps d’une station photographique, sans rien contempler, en fait…)
puis, pour rester dans le ton de la Belle Epoque, me mets en quête de l’Horloge de l’Ancre
avant de rentrer, épuisé de fatigue et de belles choses, pour me faire à dîner…
(J’aime ainsi quand mon insignifiance se dissout dans des monuments, des œuvres immenses, qui inversent le rapport cru comme fer entre le regardeur et le regardé : ce sont bien eux, œuvres et monuments, qui m’absorbent, pour me rejeter, sans dédain mais avec fermeté, dans ma vie minuscule !)