654 - Pages (arbitrairement) choisies (puisque parmi d'autres possibles)
de Georges Perros, Pour ainsi dire, finitude, 2004 :
Les hommes mentent. Le roman essaie d’expliquer pourquoi. Le théâtre, comment. La poésie, seule, et rarissimement, touche le ciel véridique. (p. 25)
On ne voudrait rien cacher, pour la bonne raison qu'il n'y a rien à cacher. Ce n'est certes pas une raison — il n'y en a qu'une seule — pour se vautrer dans la pornographie à la mode, ou la critique laborieuse des malades. Non. Mais ne soyons pas trop méfiants. Nous ne sommes pas tous des salauds. Peut-on l'être ? Je ne me suis jamais senti en état de saloperie, je vous prie de m'excuser. Écrire c'est dire quelque chose à quelqu'un qui n'est pas là. Qui ne sera jamais là. Ou s'il s'y trouve, c'est nous qui serons partis. Écrire est pour ceux qui ont ce vice vertueux dans la peau, quand on écrit on laisse le monde tranquille, et les bombes littéraires font long feu, écrire est la seule issue à un désespoir que notre vie ne peut d'aucune manière figurer, sinon tout le monde se suiciderait. Ce qui ne serait pas bien du tout. C'est bon pour les dieux. Ils n'y ont pas manqué. Nous restons seuls. (p. 73)
Des remarques sur cette enquête [“L’écrivain et la société”] ?
C’est aux gens qui disent ne pas écrire qu’il faudrait poser des questions. A ceux aussi, qui disent ne pas lire. On n’a que trop tendance à mettre les écrivains à la question, ce qui, la plupart du temps, les ridiculise, ou les rend “intéressants” pour de mauvaises raisons. (p. 183)
Le poète écrit-il pour être lu, ou pour lui ?
Un poème est fait pour être lu, comme une femme pour être caressée. Un poème vieux garçon, ça n’existe pas. Il faut montrer ce qu’on fait ne serait-ce que pour savoir jusqu’à quel point c’est résistant. Parce qu’en général, les critiques ne sont pas tendres. Publier est quasiment nécessaire, pas obligatoire, mais sain. Il y a par exemple, des poèmes qui louchent, ou qui sont bossus. Ils doivent faire leur vie. Il n'y a pas d'île déserte habitable très longtemps. On doit trouver son Vendredi, comme Robinson. On a tous un bout de monologue dans la peau. Il faut le donner aux autres, même si l'on s'en méfie. Et nous sommes tous plus ou moins méfiants. Pour ma part, je me soucie assez peu de ce que deviennent mes trucs. Mais je reste sensible à toute critique, pourvu qu'elle soit intelligente, désintéressée ; ce qui n'est pas toujours le cas. Quand je sens qu'on me vise à travers un jugement, je replie mes oreilles. Que ce soit en bien ou en mal. (pp. 187-188)