653 - Novembre-décembre 2015 [pour parachever l’année…] (3)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Novembre-décembre 2015

(pour parachever l’année…)

[exercice de numérologie imbécile]

[journal (s)tressé]

 

653 - Novembre-décembre 2015 [pour parachever l’année…] (3)

17 décembre

R. s’invite, se rappelle inopportunément à mon existence. Il voudrait que je lui convertisse d’anciens fichiers conservés sur des disquettes et les lui envoie sur son ordinateur. Je ne résous que partiellement la gageure que cela suppose : ouvrir sur un ancien portable (qui admet encore un lecteur de disquettes externe désormais sans emploi) des fichiers créés avec Quark-X Press incompatibles avec de nouveaux systèmes d’exploitation, cependant que d’autres documents l’ont été avec une version obsolète de Word — pour constater que toutes les mises en page s’en trouvent bousculées, que cela est sans remède, à moins d’y passer des heures, ce à quoi je n’aurais ni l’envie ni l’énergie de m’atteler. Je lui envoie donc d’autres textes que j’ai pu récupérer sous trois formats distincts, ouverts couramment par la plupart des ordinateurs, tout en lui opposant une fin de non-recevoir pour ce qu’il m’avait précisément demandé.

Il m’enverra coup sur coup trois courriels. L’un pour me dire qu’il n’a réussi à ouvrir aucun de mes fichiers, tout en me contant toutes sortes de calamités qui lui ont fondu dessus ces dernières années — le ton est à la jérémiade, et je retrouve des accents pour se faire plaindre qui m’avaient été insupportables après que nous avions rompu — et en proposant de se voir, un second pour me demander de lui faire un CD des données expédiées alors même qu’il prétendait n’y avoir pas eu accès, un troisième m’intégrant à une liste de distribution où il proposait de céder un billet de train acheté par erreur sur Internet pour un trajet Paris-****.

Je n’ai plus qu’une solution : faire le mort. Attendre un peu avant de lui envoyer par la poste les données qu’il attend sur un CD. Je ne veux pas m’exposer à des mails incessants.

 

18 décembre

Je n’ai jamais été aussi épuisé. Je manque d’énergie à un point qui me stupéfie. Les douleurs dans le dos, au bas des reins, dans les muscles des cuisses, les testicules, parfois dans les genoux ou les épaules, la nuque, selon des déplacements mystérieux qui doivent tenir à des conduites d’évitement ou de compensation, ne s’estompent que très progressivement, les progrès que je constate étant d’une lenteur telle que je m’en irrite sourdement.

Mes nuits sont trouées de cauchemars dont je m’empresse d’oublier la matière, mais mon imagination se nourrit de rêveries absurdes au réveil sur mon père, J.-M., le cancer, le terrorisme, la guerre, l’absence de raison vraie d’exister quand la douleur et la tristesse s’emparent, précisément, de toute intelligence ou de toute imagination…

Quelle joie ai-je eu depuis août, hors mon échappée à Paris et à Florence et Sienne ? Le dernier lover — un jeune fleuriste un peu caricatural, mais amusant et gentil, dont la jouissance, peut-être un peu sur-jouée, m’a paru d’autant plus enviable que la mienne ne l’atteignait pas (ce que je ne lui ai pas tu) — à qui j’avais volé un peu de plaisir remontant à quelque trois mois et demie (presque un record d’abstinence ces six dernières années…)

 

19 décembre

Je laisse passer un jour, puis me décide à décrocher mon téléphone pour appeler le médecin. Je laisse un message sur le répondeur, en demandant un rendez-vous qu’il peut fixer par mail, s’il préfère.

G. me propose une consultation le lundi.

 

21 décembre

Pour déjouer le piège des discours atrabilaires, je minimise mes symptômes — omettant en toute bonne foi de parler de certaines douleurs ressenties, notamment à l’entrecuisses, mais en insistant un peu tout de même sur mes maux de ventre, ressentis depuis quelques jours déjà.

Je m’ouvre néanmoins un peu sur certaines angoisses, avec autant de légèreté que je peux. Je demande à être requinqué.

L’ordonnance que G. m’établit est celle d’une ampoule de vitamine D, de magnésium (dont Khadija m’avait déjà vanté les effets), de doses d’un remède homéopathique dont les effets m’échappent (je ne lui demande d’ailleurs pas).

Je demeure sceptique, tout en me gaussant de moi : qui me soignera de mon cancer ? (Une chose est sûre, en tout cas : quelque chose (dont j’ignore l’origine) ces temps derniers a métastasé la joie (elle déjà si rare, m’ajouté-je in petto !)…

 

22 décembre

Je vois S. Je m’en suis voulu de m’être invité chez elle, plutôt qu’elle ne vînt chez moi. Cependant, elle serait venue avec ses deux chiens, qui auraient laissé des poils partout sur les canapés et les tapis.

Nous nous voyons peu, ces dernières années, S. et moi. Nous nous aimons à distance, comme de vieux amis. Ce n’est pas toujours satisfaisant, mais c’est ainsi.

 

25 décembre

Mon père m’offre le dernier opus de William Marx — je songe à Aymeric, qui m’avait offert Vie du lettré quand il était venu à *** —, ainsi que la retranscription des conférences de Roland Barthes au Collège de France.

 

28 décembre

Mon père nous a réunis, ma sœur et moi. Il sera hospitalisé à partir du 7 janvier, et nous devrons nous occuper de ma mère, nous relayant tour à tour pour lui faire à manger, l’emmener voir mon père, l’obliger (ai-je appris) à se laver….

 

Jamais vu autant de monde sur une terrasse de café un 28 décembre : il y a là plus de gens encore qu’à l’intérieur même de l’endroit, où je m’installe pourtant.

 

29 décembre

J’aide Khadija à faire quelques cartons avant son déménagement à R***. Elle semble contente de partir, et je n’éprouve de mon côté aucun regret : elle n’a pas été heureuse ici, et, je tends à la croire, nous nous verrons (presque ?) autant lorsqu’elle sera non loin de Paris.

 

 

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