660 - À pas de crabe, à pas de cancre (6)
20 octobre
Après-midi
Je vais à Orsay — et dois (nous sommes mardi) faire longuement la queue. J’éprouve un même effet de saturation à visiter les deux expositions — Splendeurs et misères, images de la prostitution, 1850-1910 et Qui a peur des femmes photographes ? (dont la première partie à l'Orangerie m'avait beaucoup plus intéressé) —, qui agrège trop de choses pour la première, sans que j’apprenne grand-chose, sans doute d’avoir lu Balzac, Baudelaire, Zola, Marcel Schwob et Jean Lorrain… Je suis malgré tout de voir des œuvres inconnues, amenées pour la circonstance de musées américains.
Soir
Je suis toujours impressionné par la lecture de Pascal Quignard — ses essais tout au moins, car ses romans ne me convainquent pas toujours, notamment les Escaliers de Chambord, que j’avais trouvé d’une lourdeur appuyée — ; aussi, tout en attendant Patrice dans un café non loin de chez lui, plus proche encore de l’appartement que j’avais loué en juillet 2012, endroit où j’étais d’ailleurs déjà allé (en terrasse), regretté-je de n’avoir pas emporté son livre — car Patrice est en retard, ce dont il m’a cependant prévenu.
Je ne sais pourquoi j’y songe, mais, dans le désert de lecteurs qui peuple désormais Overblog — de plus en plus y viennent à la faveur d’ailleurs d’une image trouvée par les moteurs de recherche hégémoniques auxquels tous recourons, sans lire mes articles sans doute (mais je ne veux pas référencer mon « journal extime » dans la catégorie “gay et lesbien” ni “voyages”, mon identité n’étant pas que sexuelle et, par ailleurs, plus fixée qu’itinérante) —, j'ai eu plaisir à apprendre que ***** « sui[vai]t désormais mon blog ». En tout état de cause, je me prends souvent à regretter les jours anciens de GA où les lecteurs et commentateurs n’étaient pas rares, des dialogues se nouant souvent — et, parfois, des rencontres…
(Je note d’ailleurs que ni N*** ni Aymeric n’ont parlé de cela, comme s’ils étaient résignés à un changement d’époque. Car GA a été un espace véritable de liberté, avant de sombrer dans des règlements de compte entre des individus prompts à des échanges acrimonieux.)
Patrice se montre plus que jamais prolixe. Il me parle surtout de son nouveau travail, d’une promotion dont il vient de bénéficier (alors même qu’il songeait à donner sa démission pour trouver un autre emploi et rejoindre Anne) — tout en paraissant vouloir se dédouaner d’avoir désormais dix personnes sous ses ordres.
Anne commence à se faire une clientèle ; Emma, elle, se montre toujours ravie de son travail. (J’apprends que, plus de deux mois à l’avance, elle supervise en ce moment la préparation des bûches de Noël ! l’anecdote laisse d’autant plus songeur que la clientèle ne saura rien en principe de la congélation des produits…)
Nous parlons des expositions du moment — au Louvre et ailleurs.
Nous dînons dans un restaurant afro-antillais tout proche, qui vient d’ouvrir et que Patrice est curieux d’essayer. Les pastels sont moins bons que dans le restaurant sénégalais où nous étions allés ensemble la dernière fois. Le plat est servi copieusement, mais j’aurais préféré moins de viande et plus de légumes en accompagnement — et je ne puis m’empêcher de trouver l’addition, en raison notamment du prix de la bouteille de Pic Saint-Loup, un peu salée. Je m’étonne intérieurement de ce que Patrice se plaigne d’être un peu juste en ce moment, et de ne pourtant pas regarder à la dépense. J’ai bien fait aussi d’inviter Aymeric et N*** la veille, car, pour ma part, dîner au restaurant commence à me lasser.
Nous prenons un dernier verre dans le bar de quartier où nous étions allés la fois précédente. Patrice, qui poursuit son soliloque, me dit qu’il viendra peut-être à **** en novembre, qu’Emma aimerait l’accompagner sur la tombe de son oncle et de sa grand-mère… Nous sommes interpellés à intervalles réguliers par une clientèle passablement éméchée. Nous-mêmes avons trop bu et bu trop vite, et je prends congé à 23 heures.
Je rentre à pied pour me dégriser. Je découvre, après la rue de Ménilmontant, une partie animée de la rue Oberkampf, un peu au-delà du secteur où nous étions allés, N*** et moi. Des jeunes gens très alcoolisés s’égayent sur les trottoirs, sans souci de me heurter, mais dans une ambiance bon enfant, qui me donne l’idée d’y revenir un jour.
21 octobre
J’accomplis un ménage sommaire dans l’appartement de F. et Pascal, qui m’occupe néanmoins une partie de la matinée.
Le hall d’embarquement où je m’occupe à écrire est peu agréable. Je suis arrivé tôt, doutant que la “carte d’embarquement” obtenue sur mon portable soit opérationnelle, et ajoutant foi à ce que me disait Aymeric qu’imprimer sur les bornes d’Air France son “boarding pass” n’était pas une mince affaire ; en outre, le RER étant direct entre Gare du Nord et l’aéroport, je me dis, après avoir présenté sans encombre le sésame du mobile, que j’aurais pu tranquillement arriver au moins une heure plus tard…
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Le pilote nous en avait prévenu : la piste d’atterrissage de l’aéroport de Florence est courte, mais c’est plutôt rudement que l’avion touche le sol…
Je prends un autobus jusqu’à la gare et, de là, tire ma valise jusqu’à l’hôtel tout proche, même si je m’égare un instant du fait d’une double numérotation de la rue : la chambre plus que sommaire avec son lit de 60 centimètres m’évoque la chambre occupée la première nuit de mon séjour parisien à l’automne 2009, le soir où j’avais rendez-vous avec N***.
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Contrairement à la fois précédente, le baptistère est déballé ; cependant, des barrières laides l’encerclent et empêchent qu’on détaille de près la Porte du Paradis (sa copie tout au moins, car l’œuvre originale de Ghiberti se trouve à l’abri dans le Musée de l’Œuvre, que, sur le moment, je me réserve de visiter le lendemain !)…
Je dîne non loin de l’endroit où ce monsieur très serviable m’avait gracieusement imprimé le “voucher” permettant l’accès à la galerie des Offices ainsi que mon billet d’embarquement pour le retour — puisque, décidément, telle est la trame électronique à laquelle sont livrées nos existences en une servitude doublée d’une béatitude volontaire et sans recul !
Puis — dans un même ordre d’idées — je vais dans ce pub tout proche où je bénéficiais du Wi-Fi, à défaut de la prétendue connexion de l’appartement que j’avais loué… Or, comme lors de la fois dernière, Google m’avertit d’une possible intrusion d’un prétendu tiers qui aurait tenté de consulter ma messagerie loin de ma terre natale. Je m’escrime donc à rétablir une liaison, mais, pour ce faire, dois changer de mot de passe, et ce, après bien des tâtonnements. Je voue à tous les diables la trame électronique, etc.