669 - À pas palermitains (1)

Publié le par 1rΩm1

 

À pas palermitains

(Paris - Palerme - Paris, journal extime, février 2016)

 

8 février

La veille de mon départ, j’ai rendez-vous avec Valérie, qui arrosera mes plantes en mon absence. Je lui avais demandé de m’apporter des livres, mais, débordée par son travail — comme d’ordinaire, ou plutôt : plus encore que d’ordinaire —, elle n’a rien lu ces six dernières semaines qu’elle puisse me prêter. Je verrai donc à Paris pour me procurer un ou deux ouvrages à mettre dans ma valise.

Nous passons un moment agréable, devisons d’autant plus longuement que nous dînons ensemble et ne nous sommes que très peu vus dans les mois qui ont précédé.

 

(J’ai regretté, en revanche, de n’avoir pas vu T. avant de partir.)

 

9 février

Comme chaque mardi, et puisque mon train ne part qu’après midi, je vais le matin au cours de gymnastique de S.

Ces dix dernières semaines, du fait de maux musculaires et articulatoires qui se sont déplacés du dos à la hanche, de la hanche au genou, d’une hanche à une autre, j’ai eu très peu d’activités physiques (j’ai même dû renoncer à venir au cours de S. deux semaines de suite). J’ai l’impression d’avoir les abdominaux en berne.

 

S. et sa présence rassurante. Nous avons coutume de laisser filer les semaines sans nécessairement nous voir, du fait de ce rendez-vous hebdomadaire. Lorsque l’un ou l’autre décide que trop de temps a passé sans s'être vraiment parlé, nous faisons en sorte de réparer cet accroc à une amitié qui aura bientôt quarante ans...

 

Les maux de ventre violents ressentis tous ces temps dernier se calment un peu. Peut-être est-ce tout bonnement la perspective des vacances.

 

Je pars content d’avoir pu organiser ma soirée avec Duncan, content aussi d’avoir toutes mes soirées prévues avant Palerme, mais sans N*** cette fois-ci.

 

*  *  *

Paris, après-midi

Je vais Place des Vosges voir l’exposition Eros Hugo , un peu curieux de ce Victor Hugo érotique qu’on nous vend, alors que l’œuvre, saisie de l’extérieur, quoique parfois riche de sous-entendus — et même si la Lollobrigida incarnait sans vraie surprise ce « soleil du trottoir » qu’est Esméralda, poursuivie tant par Quasimodo que Claude Frollo —, peut paraître laisser assez peu de prise aux explicitations priapiques. La première salle présente et ausculte ce préjugé même : je m’amuse d’y apprendre que Victor Hugo et Adèle sont venus vierges au mariage, sur les exigences expresses du poète. L’enfilade des autres pièces (si l’on ose dire !) se charge de nous dessiller les yeux pour ce qui est de la suite, Hugo se donnant le loisir ensuite de toutes sortes de maîtresses, les disputant parfois à ses amis ou fils, telle Alice Ozy !

Mais, en vérité, ce sont plutôt les contemporains qui traquent ou grossissent  le symbolisme sexuel de l’auteur, plutôt que l’auteur des Contemplations himself… C’est ainsi que l’imagination débridée de certains dessinateurs a pallié le puritanisme hugolien des débuts — et trouvé à la langue de sa chèvre Djali un emploi que je n’avais pas imaginé pour Esméralda !

Je me souviens, adolescent, avoir été fort impressionné par la mort de Gildas dans les Travailleurs de la mer, et, à relire l’extrait placardé sur le mur d’une des dernières salles, je trouve assez croquignolesque le sous-texte freudien que, nolens volens, inscrit en creux le combat épique avec la pieuvre. Précisément, les huit bras de pieuvre trouvent leurs emplois dans des dessins de femmes livrées comme à l’étal au monstre, ce qui m’évoque quelque peu Isabelle Adjani toute dévouée à la chose gluante de Possession (film dont certains aspects m’ont paru, lorsque je l’ai vu, bien grotesques, mais n’est-ce pas à Hugo, à la préface de Cromwell, que l’on doit l’alliance du sublime et du difforme ou du monstrueux ? — Vous êtes bien belle et je suis bien laid aurait pu dire la Bête à la Belle…)

Gildas et la Pieuvre, Joseph Carlier (1879) © Internet
Gildas et la Pieuvre, Joseph Carlier (1879) © Internet

Gildas et la Pieuvre, Joseph Carlier (1879) © Internet

Le tout, que je parcours assez rapidement, s’avère souvent anecdotique, mais amusant — et plus intéressant de mon point de vue que l’exposition d’Orsay sur la prostitution.

Je m’attarde néanmoins à revisiter les lieux et revois notamment les meubles dessinés par Hugo. (J’avais déjà visité la maison avec R. : ce faisant, nous avions alors été passablement impressionnés par l’activité débridée — polygraphique, artistique... érotique... — du génie !)

 

 

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