673 - À pas palermitains (4)

Publié le par 1rΩm1

 

À pas palermitains

(Paris - Palerme - Paris, journal extime, février 2016)

 

10 février

Après-midi

Je visite l’exposition de l’Unesco sur la propagande nazie, dont c’est le dernier jour. Je suis beaucoup plus intéressé par les œuvres d’art  qui s’y trouvent que par l’exposition elle-même, très pédagogique, qui conviendrait sans doute à des élèves de lycée ou de collège, mais ne m’apprend rien…

 

673 - À pas palermitains (4)
673 - À pas palermitains (4)
673 - À pas palermitains (4)
673 - À pas palermitains (4)

 

Soir

Je retrouve Aymeric sur son lieu de travail.

Nous prenons un premier verre dans un bar du quartier.

Nous nous glissons avec d’autant plus de facilité dans la conversation que nous sommes écrit — et que lui, a lu les billets de ce “blog”.

Devisant, nous développons une même anthropologie pessimiste, que fortifie une concordance des états d’âme. Je lui raconte mes maux de dos, de ventre, mes projections presque atrabilaires : lui aussi a pensé, après une douleur dans les reins, avoir un cancer, d’autant que son père est mort d’un cancer du rein. (Il me racontera un de ses cauchemars où il se voit à l’agonie, et son père assistant à la mort du fils. — C’est moi qui l’exprime ainsi, son cauchemar rejoignant à sa façon mes propres vaticinations sur le fils qui ne doit pas survivre au père, mais lui paraît refuser d’y voir un rêve typiquement freudien…)

 

Comme nous faisons d’habitude, nous parlons des livres que nous avons en train. J’ai lu beaucoup d’essais, ces temps derniers, beaucoup plus que de romans  — ce que, d’ailleurs, je regrette. Lui, peine avec Montaigne.

Il n’a pas du tout aimé le dernier récit de Mathieu Riboulet (Entre les deux il n’y a rien), sauf la première et la dernière page. (Je le trouve excessivement sévère, mais n’en dis rien. J’ai eu, quant à moi, l’impression que l’écriture en était inégale, certains passages n’ayant la même tenue stylistique, comme moins travaillés). Mais il a envie de lire le quatre mains écrit avec Patrick Boucheron que je lui montre, et dont il commente le format, cet opuscule lui paraissant de bon augure dans sa forme extérieure, sinon son intention.

Plutôt que de lire, ainsi que je fais quand je suis tiré de mon sommeil sans avoir dormi tout mon saoul, lui, met la radio lorsqu’il est mêmement réveillé au mitan des nuits.

 

Nous parlons aussi — comment faire autrement ? — des événements récents. Pour lui, un univers a sombré : nos valeurs — là aussi, je me livre à des approximation lexicales de ce qu’Aymeric a pu me dire —, ne sont plus nécessairement partagées par les jeunes gens, non plus que des visions politiques, des espérances n’ont plus cours, cependant que le délitement progressif d’un monde ancien se fait de plus en plus patent.

 

Il s’enquiert de la santé de mon père. Sa mère va mieux. Cependant, on a diagnostiqué chez elle une apnée du sommeil — et elle est désormais appareillée. (De mêmes investigations ont été entreprises pour ce qui le concerne. Les résultats ont toutefois été négatifs.)

 

Je lui raconte ma visite à la Maison Victor Hugo de la veille, celle de l’exposition au siège de l’Unesco l’après-midi, les contrôles multiples subis à l’entrée. On y entrait naguère comme dans un moulin, m’assure-t-il.

Comme je lui demande de ses nouvelles, il me raconte que T*** a été renversé à bicyclette par une autre cycliste.

 

Nous dînons dans ce restaurant italien tout proche où Aymeric a proposé que nous allions — et qui constitue une valeur sûre. De fait, le plat principal est excellent. Et, ce qui ne gâche rien, c’est la quatrième fois que nous sommes invités par le patron !

 

Comme il n’est pas très tard encore — 22 heures 15 à peine —, nous prenons un dernier verre.

Nous poursuivons — et bouclons — sur l’état du monde. Nous l’avons rêvé autre, et il ne nous satisfait guère. Nous inventorions aussi les tics de langage de nos contemporains (mes oreilles s’écorchent personnellement d’un emploi surabondant de « du coup » qui ressurgissent plusieurs fois par minute désormais dans les phrases de tout un chacun). (J’ai noté sur le petit carnet le lendemain que nous avons parlé d’économie collaborative, mais ne sais plus très bien ce que nous avons pu en dire. Ou nous nous sommes montrés sceptiques — ou Aymeric seulement ? —, ou nous nous sommes montrés positifs — ou plus vraisemblablement — l'un et l'autre — prudents. Car, si des frémissements timides ont parfois lieu, qui pourraient faire mentir les pronostics les plus pessimistes, on ne peut être certain d’y trouver toujours un véritable rassurement…)

*  *  *

À peine suis-je rentré que je reçois un SMS. J’y réponds avec une photographie prise l’après-midi de l’Homme qui marche de Giacometti.

673 - À pas palermitains (4)

Le message ne semble pas vouloir partir. Je réessaie — et crois alors l’avoir envoyé deux fois. J’adresse donc mes excuses pour ce double envoi, référant alors à Giacometti.

En vérité, il est demeuré dans mon téléphone — il y figure encore comme message impossible à envoyer —, tandis que le message d’excuse est parvenu — auquel naturellement Aymeric n’aura rien compris…

 

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