682 - À pas palermitains (11)
17 février
Je fais — matin et après-midi — un peu de ménage.
Matin
Le Palazzo Abatellis, fermé la veille pour cause de désinfection, — je m'attendais preque au contraire — est réouvert.
Il concentre quelques chefs d’œuvre, dont ce saisissant Triomphe de la Mort, fresque qui occupe tout un mur…
ce buste d’Eléonore d’Aragon, étonamment moderne...
cette Vierge au lait...
cette tête de jeune homme en marbre peinte en or (dont je rate plus ou moins la prise)…
ce Christ en croix...
ce détail d’une Vierge à l’Enfant...
ou cette Annonciation d’Antonello da Massina d’une gravité, d’une intensité, d’une beauté extraordinaires — et qui frappe d’étonnement le spectateur quand il en apprend le sujet...
Après-midi
Je vais à pied jusqu’à la Zisa. Contrairement à ce que j’avais imaginé en m’y rendant en bus et en errant dans le quartier, ce n’est pas si loin.
Je me retrouve ensuite désœuvré, conditionné déjà par l’idée du retour.
Rentré dans l’appartement, j’expédie quelques affaires courantes, la tête emportée hors la Sicile.
Puis j’écris à Duncan.
Et de songer à Aymeric en achetant du chocolat à la pistache (nous avions parlé du prix de la pistache lors de notre dîner avant que je parte), en me demandant s’il aime le chocolat…
Et le soir, dans le restaurant où je dîne, je m’amuserai d’un plat de pâtes au lard, persil frais, fromage… et pistaches !
* * *
En rentrant, je suis saisi d’un vertige immense en tentant d’ouvrir la porte de l’immeuble : je ne parviens pas à introduire la clé dans la serrure ! Quelques jours auparavant, j’avais connu une mésaventure toute semblable ; mais, en fait, je m’étais trompé de porche d’immeuble ; or, cette fois, aucune méprise n’est plus possible ; je suis au bon endroit : l’attestent le numéro et les détails, désormais familiers, de la porte même… or, j’ai beau multiplier les tentatives, la clé ne peut pas même pénétrer la serrure !
Je finis par me résoudre à sonner chez D***, mais sans qu’on me réponde.
En espérant quelque secours, je m’adresse au restaurateur tout à côté, assis sur un siège, que mon manège ne semble pas avoir distrait de sa vacance du moment.
Mon anglais de fortune lui inspire malgré tout d’aller chercher la serveuse, qui, elle, a l’habitude des touristes étrangers — et à qui je peux donc expliquer la situation…
Elle sonne à l'une des nombreuses sonnettes et parlemente à l’interphone avec un interlocuteur masculin — tant et si bien que l'on finit par m’ouvrir.
Enfin rentré, je trouve dans ma boîte aux lettres électronique un message de D*** comme suite à celui que je lui avais envoyé le matin : je pars trop tôt le lendemain, et elle me demande de laisser les clés sur le petit secrétaire de l’entrée, puis de claquer la porte de l’appartement.
Je lui réponds que j’agirai ainsi, et, sur la question qu’elle me posait de mon séjour, je lui réponds que j’ai passé, oui, un très bon moment à Palerme. Entre deux autres considérations matérielles, je n’ai pas de mal à me montrer aimable :
J'avais besoin d'un peu de repos et de soleil, et tout était parfait. Votre appartement est vraiment très agréable, et je vous remercie pour tout.
Cependant, tout encore à mes émotions, après les politesses d'usage, je rédige ce post scriptum :
Je ne comprends pas pourquoi ce soir je ne suis pas parvenu à entrer dans l'immeuble avec la clé. J'ai dû me faire ouvrir par le ou la concierge, grâce à la jeune fille qui travaille dans le restaurant à côté...
— et me couche alors, pour dormir d’un sommeil agité.