687 - Dans le labyrinthe : de Paris à Fès à Paris (2)

Publié le par 1rΩm1

 

Dans le labyrinthe : de Paris à Fès à Paris

journal extime (3-15 avril 2016)

 

© Internet

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4 avril

Matin

J’ai dormi d’un sommeil entrecoupé. Je me lève tard (il est plus de dix heures, heure très inhabituelle pour moi).

Je fais un large tour du quartier en attendant midi, heure à laquelle doit venir Judith pour nettoyer les escaliers.

 

Midi

Elle arrivera à presque 12 heures 45. Je m’éclipse pendant qu’elle fait visiter l’appartement.

Elle me rejoint bientôt dans un café et nous errons quelques temps avant de trouver un restaurant où il y ait de la place.

Nous mangeons médiocrement près du canal Saint-Martin.

 

Comme je le lui demande, je suis effaré du prix auquel elle voudrait vendre son appartement, que je juge plutôt défraîchi. Quand j’ai voulu ouvrir la fenêtre de la salle de bains afin d’évacuer la buée, le cadre s’en est décroché : il ne tenait plus que par un gond. 18 m2 x 9000 euros. Ce serait le prix de l’immobilier. (Autant dire que je renonce illico à toute velléité d'acheter un pied à terre un jour à Paris !)

L’aspirante locataire a accepté un contrat de location saisonnier à 500 euros mensuels, sachant qu’elle devra quitter les lieux quinze jours avant que l’appartement soit vendu. Judith, le matin, était arrivée avec un vase dans lequel elle a disposé artistiquement de fausses branches agrémentées d’une guirlande d’ampoules électriques, alors même que les casseroles dont est pourvu le placard ne sont pas compatibles avec les plaques à induction, ainsi que je m’en suis aperçu en voulant chauffer de l’eau pour me faire un café lyophilisé avec l’un des sachets emportés dans ma valise. Francis l’aurait incitée à demander davantage : il loue à trois étudiants un appartement dans le quartier — trois pièces en enfilade —, dont il tire plus de 2000 euros apportés par les 750 euros du loyer de chacun. Le fait contribue à me le rendre plus antipathique encore.

La discussion roule — somme toute plutôt impersonnelle — sur toutes sortes de questions matérielles. Nous parlons tout de même d’expositions, de vacances, de nous-mêmes un peu.

Judith me demande de lui rapporter, si j’en trouve à Fès, un pot qui pourrait lui servir de pot à sel : elle me parle de céramiques à motifs verts caractéristiques de l’endroit. Je suis toujours surpris de ce qu’elle peut connaître…

 

Nous sommes demeurés seuls après que tous les clients attablés se sont envolés. Toujours accorte, Judith converse avec le patron, s’enquérant des barrières de travaux disposées devant le canal. On vient de curer, comme tous les quinze ans, ledit canal : on y a retrouvé toutes sortes d’objets — des motos, des Vlib, des armes… et — plus attendu — des quantités invraisemblables de bouteilles…

 

Après-midi

Judith ayant une leçon de piano à 16 heures, je la laisse s’occuper de son ménage dans l’escalier et vais seul dans les rues de Paris. Je change d’abord 150 euros en dirhams marocains, ne serait-ce que pour payer le taxi le lendemain (je m’en suis fait indiquer le prix de la course par mon logeur à Fès).

Je vais ensuite à pied jusque Saint-Michel, puis Odéon.

Il fait doux, et je me déleste à nouveau de mon pullover.

Je rentre en bus depuis Odéon. Je n’ai rien fait de particulier, sinon rapporté deux livres de ma promenade, l’un pour Aymeric, à moins qu’il l’ait acquis (il s’agit du Boucheron & Riboulet, Prendre dates) depuis notre dernière conversation, auquel cas je le rapporterai pour Valérie, qui m’avait prêté l’opus de Patrick Boucheron sur Sienne — et que cela devrait intéresser.

 

Rentré, j’écris la première ébauche de ces lignes-ci — et envoie un SMS à Duncan.

 

Soir

Le Riboulet offert à Aymeric (il ne l’a pas acheté) lui fait apparemment plaisir. Et moi je suis content de voir Aymeric.

Dans ce restaurant tout proche de la gare de l’Est, et au vu et su de son enseigne, je commande une choucroute, dont je laisserai presque la moitié. Nous plaisanterons sur les plats lorrains. Une musique bretonnante accompagne notre dîner.

Un des collègues d’Aymeric est malade d’une grippe mal soignée, ce qui augmente d’autant de son absence la charge de travail : Aymeric, toutefois, a dételé, remettant au lendemain ce qu’il n’aurait pu finir de toute façon.

J’évoque l’appartement de Judith, la soirée avec N*** et Jeff, la chienne et les crevettes. Je raconte ma sœur qui, après trente ans de mariage, se sépare de son mari (ce que je n’ai dit ni à N***, ni à Judith). Telles sont les voies mystérieuses que suivent nos conversations sans que je me les explique très bien : pourquoi dire à un tel, ne pas s’en ouvrir à tel autre ? Je m’en remets souvent à mon intuition, faisant confiance au hasard objectif qui y préside — et aux associations d’idées.

Nous parlons de Prague (où il ira cet été). De nos mémoires qui flanchent. (Il ne me parlera pas de ****, et je ne l’interrogerai pas à ce sujet. D’ailleurs, comme avec N*** la veille, le bonheur, même relatif, ne doit avoir d’histoires…)

Il y a peu de monde. Je me rendrai compte en allant aux toilettes : la seconde salle, bien plus vaste que la salle sur la rue, est vide. Paris est frappé encore de la peur des attentats, relancée après ceux de Bruxelles.

 

Aymeric accepte de prendre un verre après le restaurant. Je ne veux pas trop le retarder non plus, puisque je sais que de rudes journées l’attendent jusqu’au moins la fin de la semaine.

Il me parle de son associé, à la retraite depuis le 1er avril. Si l’entreprise trouve acquéreur, il y a toutes chances qu’il sera licencié.

J’envie sa sérénité (s'il s'agit de cela).

Dans ce bar, la télévision, ouverte sur une chaîne d’information en continu, s’avère bien envahissante. Je lui fais face, et ne peux m’empêcher de la fixer. Les nuits debout. Un frémissement agiterait-il la République ?

Et voici que, après un commentaire de sa part, nous parlons politique avec le garçon, bien joli… garçon (il m’avait un peu tapé dans l’œil quand, pour bénéficier du WiFi, j’avais pris un verre en attendant l’heure de retrouver Aymeric, et c’est pourquoi j’avais envie d’y revenir — si je puis dire !).

Je raccompagne Aymeric jusqu’à la bouche de métro, qui l’engloutit jusqu’à la fois prochaine !

*  *  *

Il fait toujours doux sur Paris, en dépit de gouttes espacées qui s’étalent sur nos têtes ou nos nez. Une infatigable communion commence avec le monde, on aimerait le croire du moins.

*  *  *

Duncan n’a pas répondu à mon message dans lequel je lui proposais de se voir à mon retour.

En revanche, je reçois un message d’Aymeric alors que je suis rentré : il demande à être excusé s’il a paru absent. Ce n’est pas l’impression que j’ai eue, même si j’ai pu le trouver préoccupé.

 

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