701 - Dans le labyrinthe : de Paris à Fès à Paris (12)

Publié le par 1rΩm1

 

Dans le labyrinthe : de Paris à Fès à Paris

journal extime (3-15 avril 2016)

 

14 avril [suite], soir

Nous passons une bonne soirée, F., Pascal et moi.

J’apprends que la voisine, Wendy, est psychanalyste. Je ne l’aurais jamais imaginé de cette “fille” — si j’ose dire : c’est une femme qui flirte avec la cinquantaine — un peu empotée, aux allures (et parfois aux comportements) d’adolescente attardée. Je comprends mieux alors les va-et-vient, les pas lourds au-dessus de la chambre, qui débutent tôt le matin, juste au-dessus de la chmabre à coucher de F. et Pascal…

Nous parlons de nos voyages. Eux reviennent de la Guadeloupe (ou peu s’en faut) et partent bientôt au Portugal. Ils s’enquièrent de Vienne. C’est sous leur impulsion que j’étais allé à Séville. Je ne crois pas, sans savoir encore ce qui m’a déçu — s’il s’agit d’ailleurs de cela… —, devoir retourner au Maroc de sitôt. Mais l’Espagne et l’Italie n’ont pas dit leur dernier mot.

 

L’apéritif que Pascal et F. ont préparé est presque trop conséquent.

*  *  *

Je m’amuse que F. veuille à toute force prendre la ligne 9 pour aller gare de l’Est. Nous revenons sur nos pas.

Nous sommes, de ce fait, en retard. Je déteste cela, et téléphone sans me faire comprendre au restaurant.

*  *  *

Le repas est bon. Je suis content de pouvoir payer, cette fois.

Pascal me dit que F. et lui ont l’intention de venir à **** en septembre ou octobre, tout en me demandant quel moment serait le plus favorable pour moi. Il me parle de C****, qui a acheté la maison de J.-M., en me disant qu’elle avait tenté de renouer avec lui, mais que, finalement, ils ne se sont pas revus. Je ne commente pas. Les fois — cinq ou six peut-être — où j’ai dîné chez J.-M. avec elle et son ancien compagnon, je n’ai pu m’empêcher de trouver C**** instable, difficile — et amère. Hors la littérature et l’écriture (elle aime écrire et aurait voulu être publiée), je ne me suis trouvé d’atome que lisse avec elle.

Pascal et F. n’ont pas vu Patrice depuis l’été dernier.

 

Après le dîner, F. commande une voiture pour aller dans un bar du Marais [rue du ****, nom de rue que je n’avais jamais remarqué en rayonnant dans le quartier] — un autre que celui où nous sommes allés déjà deux fois, me dit F. — et m’explique, comme je m’étonne de ce qu’il n’ait pas payé le chauffeur, comment fonctionne l’application, comment se font offres, demandes et rémunérations.

Le chauffeur est demeuré entièrement taciturne, presque hostile durant le trajet. Pascal et F., sur la banquette arrière, se sont pris la main et bavardent, disant notamment avoir trouvé bon le repas. Je crois deviner que nos échanges — assez banals au demeurant —, les leurs surtout, l’adresse donnée expliquent le manque d’aménité de celui qui nous véhicule.

*  *  *

Le bar dans lequel nous achevons la soirée est clairsemé d’une clientèle d’habitués, F. et Pascal y étant, semble-t-il, bien connus eux-mêmes du gérant.

On s’interpelle ; on y lance des plaisanteries sans doute bien rôdées : un chien circule d’une table à l’autre, qui se fait caresser : « Ce n’est pas le chien qu’il faut caresser, c’est le maître ! » fait mine de gronder le propriétaire. Le groupe se resserre de plus en plus autour du comptoir (nous sommes juchés sur des tabourets et il semble que nous créions une attraction) : on cherche à savoir les âges des uns et des autres — les clients sont plutôt âgés, seul l’un d’eux paraît avoir moins de trente ans—, mais on n’ose, semble-t-il, poser la question à Pascal ni à moi.

Quelqu’un réclame une chanson de Sylvie Vartan. Pour satisfaire sa requête, le patron interrompt “C’est extra” de Léo Ferré.

 

701 - Dans le labyrinthe : de Paris à Fès à Paris (12)

 

Je paie nos verres avant que Pascal ait pu intervenir.

*  *  *

Je ne saurais dire si l’ambiance des lieux est bon enfant, ou si, à rebours des paroles de la chanson de Léo Ferré, elle a de quoi désespérer. Je ne suis pas sûr de m’y trouver bien de toutes les façons, sans que j’en perçoive les raisons.

Or, je me rends compte graduellement que le patron cherche à me draguer. Je dois multiplier les esquives.

La conversation, comme toujours dans ce genre d’endroit où la musique est un peu trop envahissante, se morcelle, les échanges se réduisant souvent à quelques couples de phrases.

A un détour de phrase, Pascal me dit qu’il est très content des enceintes sans fil que je leur ai achetées deux ans auparavant.

 

Pour échapper aux regards du patron sur moi — après que j’ai refusé un “shot” qu’il me proposait —, je rejoins Pascal qui fume dans la rue. Il me confirme, tout en s’en amusant, le manège dont je crois être l’objet.

*  *  *

F. et Pascal ont pris un troisième verre. Il est une heure du matin. Nous rentrons ensemble — c’est la première fois, je pars d’habitude avant eux — en taxi.

 

15 avril

Je rentre à *** le lendemain, dans la matinée, sans idée encore de l’endroit où je pourrais aller durant l’été. Je songe — souterrainement , et depuis longtemps — à Saint-Pétersbourg, mais sans me décider à sauter le pas, je ne sais pourquoi. Seule certitude : ce ne sera pas au soleil, ni d’un côté ou de l’autre de la méditerranée.

Comme commentera Pauline un peu plus tard : « Vous n’aimez pas trop la chaleur. » (Et elle, de sourire comme si elle avait mis à jour quelque ressort intime me concernant — et l’additionnait à d’autres découvertes, auquel cas je devrais m’étonner qu’elle en excuse si facilement les plus grossiers !)

Il s’en faut de beaucoup pourtant que, ces trois dernières années, j’aie échappé à des jours caniculaires à Vienne… Prague… ou Berlin !

 

(à suivre)

 

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