698 - Journal d'un conscrit (3) [in memoriam J.-M.]
Lundi 10/10 [1983]
Visite du médecin, ce matin. A la question : « Comment vous sentez-vous ? », j’ai répondu que j’étais d’humeur neurasthénique ; on m’a fait répéter ; […] je me suis entendu répondre [ensuite] que je n’étais pas neurasthénique, mais vraisemblablement plutôt : « asthénique tout court, parce que neurasthénique, c’est dans la tête » ; autant dire que, pour [ce médecin], rien de ce qui se passe dans la tête n’est crédible… […] Je me suis également vu refuser le quartier libre que je sollicitais. Je suis donc un peu déprimé.
Il apparaît qu’en fait je ne fais pas de l’hyperglycémie réactionnelle comme je l’ai déjà écrit dans cette lettre, mais l’inverse — donc de l’hypoglycémie… L’on m’a dit que je devrais rester ici « un peu » — ce qui ne m’éclaire guère sur la durée de mon séjour. Bref, je n’ai plus guère d’espoir de ne pas retourner à la caserne.
(Il n’y a pas de psychiatre à l’hôpital de C*** : si l’on veut avoir une “audience”, il faut s’adresser à l’infirmerie de son propre régiment… qui daigne ou non s’en occuper. La suite à lieu à N*** ou à M***, ce qui me semble hautement problématique. J’essaierai tout de même si je le puis, conformément au conseil du psychiatre que, courant septembre, j’avais consulté…)
Je vais cesser ici, de peur de trop écraser cette lettre.
Au cas où vous vous sentiriez quelque démangeaison plumitive, je vous laisse mon adresse provisoire :
***** Romain J.R. Service de Médecine Chambre 231 Hôpital des Armées *** *** ***** – C***
Indiquez sur la lettre : « à faire suivre », on ne sait jamais.
Croyez bien que je pense à vous et compte les jours probables qui attendront de vous voir.
Meilleures pensées,
Romain