703 - Passacaille estropiée (1)

Publié le par 1rΩm1

 

Passacaille estropiée

 

Paris, Berlin, Copenhague

 

(journal extime, 24 juillet -13 août 2016)

 

I

 

22 juillet

Judith s’aperçoit l’avant-veille de mon départ que N., elle et les enfants partent le 26, non le 25.

Je serai deux jours dans le studio de N.

Un autre message me parvient : Francis séjournera rue F**** à partir du 7 août.

Ce seront deux autres jours dans le studio de N.

 

Ni Khadija ni Duncan n’a répondu à mes messages.

 

Et cette peur que mes congés soient gâchés par l’ombre profilée du retour.

 

Seule joie du moment : les verres en terrasse avec T. Cela va me manquer.

 

(T. — et cela m’a fait plaisir — m’a parlé d’une idée qui lui était venue : acheter un appartement à plusieurs à Paris, dans lequel pouvoir aller et qui pourrait être loué lorsque nous n’y serions pas. J’ai répondu que cela ne saurait se faire qu’entre des personnes qui se connaissent et s’entendent bien, que cela supposerait aussi quelqu'un de confiance sur place qui accueillerait les locataires et ferait le ménage des lieux — pour ne rien dire du coût de pareille opération immobilière, et ce, pour quelques jours seulement de temps à autre. En fait, je décourage un peu son projet en lui donnant une idée des prix parisiens.)

 

24 juillet

Matin

J’arrive tout en sueur dans le compartiment du train où je m’installe. Il ne fait pas chaud pourtant à cette heure peu avancée de la matinée. Or, je me sens comme malade, je suis pris de faiblesse.

En vérité, je suis fouaillé par les contrariétés accumulées, spécialement professionnelles. J’ai les intestins noués.

 

Je me reproche — j’y songe, je ne sais pourquoi, envoyé l’avant-veille — un message un peu sec envoyé à Valérie.

Je lis Qui je suis de Pasolini, prêté par Sylvie, dont je copie des extraits. Livre admirable dans sa facture et son contenu ramassés.

Cela m’ôte de moi.

 

Rue F***, je suis accueilli agréablement par Judith, qui nous fait un café. Je lui expose les motifs de ces contrariétés accumulées. Elle sait parfaitement à quoi s’en tenir — et me suggère une solution pour l'avenir, qui me heurte un peu sur le moment, mais dont je comprends le côté imparable : je n'y recourrai qu'au cas où la situation deviendrait inextricable.

Nous arrêtons l’idée d’aller au cinéma l’après-midi. Je lui propose de choisir le film et de l’appeler après que j’aurai déjeuné.

 

Après-midi

N. est d’une humeur rogue, selon Judith. Elle dit renoncer à notre projet d’aller au cinéma.

N. semble réagir comme avec Francis l’an dernier. Je ne puis m’empêcher de songer à la sale confidence de Francis à ce sujet. J’ai l’impression, très désagréable, de gêner. Je quitte le studio aussi tôt que je peux, en prévenant Judith que je serai absent toute l’après-midi ainsi que le soir. Entre-temps, j’ai réussi à contacter N***, que je dois retrouver à 19 heures 30.

L’impression très désagréable de gêner m’accompagne toute l’après-midi.

 

Patrice, à qui j’avais laissé un message, m’appelle alors que je visite l’exposition “Jardins d’Orient” à l’Institut du monde arabe. Comme il sera en vacances mercredi et qu’il part pour L*** le même jour retrouver Anne, il me propose, sur le message qu’il laisse à son tour, le mardi soir, seule soirée véritablement calée depuis longtemps avec Aymeric.

Il fait beau : outre que c’est dimanche, ce peut être une raison pour qu’il y ait tant d’affluence dans les murs mêmes de l’exposition. On piétine de salle en salle, et je m’en agace un peu. Je réussis tout de même à  faire jouer le souvenir, à me transporter en pensée jusqu’au Taj Mahal, au jardin Majorelle (en notant sur mon petit carnet le nom de Claire de Virieu qui a réalisé les photographies de l’exposition) ;

© Internet

© Internet

je me crée aussi un regret de n’avoir vu — ils étaient fermés le lundi, jour où j’ai voulu y entrer — les jardins de la Marche verte à Fès.

Je visite ensuite le jardin extérieur — où l’on piétine tout autant pour voir d’un point précis l’anamorphose réalisée par François Abelanet, dont les massifs sur des plans inclinés prennent « la forme d’un polygone étoilé fait de 32 fractales végétales de tailles et de couleurs différentes, composées de 6600 plantes vivaces de 12 variétés, entourant un bassin ».

703 - Passacaille estropiée (1)
703 - Passacaille estropiée (1)

Comme la bibliothèque est fermée pour travaux — j’avais espéré y lire et écrire —, je visite à nouveau le fonds permanent : je ne me souvenais pas que ce fût si petit, la surface d’exposition, hors les couloirs qui y mènent, se limitant à une seule salle, vaste, certes, mais unique.

En quittant les lieux, je trouve superbes les fleurs des arbustes de myrte et leurs étamines en forme de gerbes constellées.

703 - Passacaille estropiée (1)
703 - Passacaille estropiée (1)

 

Je rappelle Patrice — et propose de déjeuner ensemble, puisque je ne suis disponible ni le lundi ni le mardi soir. Nous fixons le lendemain, non loin de son lieu de travail. Je me dis d’ailleurs que je pourrai passer mon après-midi au Louvre, afin de laisser à N. la jouissance de son studio durant l’après-midi.

 

Duncan, lui, n’a pas répondu à mon SMS.

 

Je songe à ce que Judith, le matin, me disait d’une certaine loi de Poisson, qui paraît équivaloir à un enchaînement de mauvaises circonstances. Je suis triste en diable dans tous les cas, tandis que je déambule dans les rues de Paris.

 

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