708 - Passacaille estropiée (3)

Publié le par 1rΩm1

 

Passacaille estropiée

 

Paris, Berlin, Copenhague

 

(journal extime, 24 juillet -13 août 2016)

 

III

 

 

25 juillet

Matin

J’envoie les courriels que j’ai préparés — dont la lettre à Mme X***, façon d’expédier les affaires courantes et — je l’espère — de rompre en visière avec elles.

Je fais des courses pour le repas du soir avec Judith et sa petite famille.

Je reçois un message de Duncan. Il est débordé et doute qu’on puisse se voir : des collaborateurs ont démissionné, l’un s’est suicidé. (Je songe à toutes ces souffrances au travail, bien pires aujourd’hui qu’elles n’étaient naguère.)

 

En revanche, je suis toujours sans nouvelle de Khadija.

 

Je brasse quelques idées noires.

 

N., dès que je suis parti, a, semble-t-il, investi le studio.

 

Midi trente

J’attends Patrice Place Colette.

Il me surprend à nouveau par ses bavardages (à sa décharge, c’est moi qui, en tout premier lieu, raconte mes infortunes). Embarqué dans ses narrations, il aura du mal à reprendre le travail (je commets un lapsus à ce propos : j’ai primitivement écrit : j’aurai du mal, etc. — ce qui est bien certain, mais n’est pas encore de saison).

Lui me raconte ses propres tracasseries professionnelles. Ainsi il a un projet à boucler pour le soir même.

 

Comme je lui demande de ses nouvelles, il me dit que Anne se fait peu à peu une clientèle. Emma, quant à elle, dont je me souvenais qu’elle était d’abord enthousiaste, a beaucoup déchanté quant à son emploi. Elle n’aspire désormais qu’à changer de patron. Je m’étonne et m’inquiète, mais Patrice me rassure : il n’y a pas vraiment de problème d’embauche dans sa profession…

 

Comme, à propos de mes douleurs aiguës à la hanche, j’incrimine la literie du studio de N., il me dit que j’aurais dû séjourner chez lui, où il y a toujours une chambre libre. Je me dis à part moi que ce pourrait être une idée lors d’un de mes prochains séjours.

Je lui demande s’il connaît un ostéopathe : la sienne, même en cas d’urgence, ne donne de rendez-vous qu’avec un délai de onze semaines !

 

Je passe trois heures ensuite au Louvre. J’ai la bonne surprise de rentrer sans vraiment faire la queue.

Si les salles consacrées à l’Egypte sont très prisées, d’autres sont presque vides. Je traverse à vice allure les salles aménagées sous le second Empire vues en compagnie d’Etienne, préférant m’attarder dans des endroits où je suis à peu près certain de n’être jamais allé.

La frise des archers du Palais de Darius Ier m’évoque — en quelque sorte : par avance — le musée Pergamon de Berlin…

708 - Passacaille estropiée (3)

Cette représentation d’Andromaque et de Hector mort, elle, appelle à mon souvenir “Le Cygne” de Baudelaire…

708 - Passacaille estropiée (3)

 

Quant aux pleurants du tombeau de Philippe Pot, grand sénéchal de Bourgogne, ils m’évoquent le passage de les Âmes du purgatoire de Mérimée lorsque Don Juan croit assister à son propre enterrement…

708 - Passacaille estropiée (3)
708 - Passacaille estropiée (3)

Tout ce piétinement — le mien, en tout cas — n’arrange pas mes douleurs à la hanche !

 

Soir

Je tâche de faire bonne figure durant le dîner avec Judith, N. et les enfants.

J’ai préparé le dîner sans que N. se manifeste. Judith rentre, et c’est seulement alors que N. fait son apparition : je me demande s’il n’a pas été chapitré par Judith à ce sujet.

Nous prenons l’apéritif.

Lucien apparaît à son tour, et dit vouloir chercher du pain sans que quiconque ait eu le temps de lui suggérer d’aller au supermarché, encore ouvert : non seulement il est tard, mais nous sommes lundi et les boulangers, pour la plupart, sont en vacances. Il mettra longtemps à revenir, les mains vides.

 

La salade de lentilles plaît aux enfants, mais Judith a préparé des pommes dauphine pour eux, à la place des légumes.

Je m’essaie au rôle de joyeux luron. Etrangement, le whisky et le peu de vin que j’ai bu m’ont enivré (il faut dire que je suis fatigué et que la douleur dans la jambe gauche se fait sentir avec acuité).

 

La conversation se fait légère et s’émaille de plaisanteries (donc)…

Je note toutefois l’embarras de Judith quand je comprends que cela fait vingt-cinq ans qu’ils vont au même endroit, louant un appartement à la même personne. « On n’était pas encore nés », commentent, railleurs, les enfants.

 

Je fais la vaisselle avec Judith (à la fois pour en soulager Lucien, que j’ai un peu mis en boîte à son retour infructueux, tant et si bien qu’il a pu se souvenir du dernier repas où j’avais évoqué ses piratages informatiques en Allemagne, et pour converser plus privément avec Judith).

N. viendra quand même saluer. Nous nous souhaitons mutuellement de bonnes vacances. Ma jambe en grimace de douleur.

 

Nuit du 25 au 26

La literie du studio de N est vraiment inconfortable — voire : il est peut-être, je me le répète, à l’origine de mes maux (Judith,d’ailleurs, a dû y songer ellme-même et a spontanément posé la question de savoir si le matelas était confortable, demandant si elle ne devait pas y ajotuer un “sur-matelas”, ce à quoi je n'ai pas osé lui répondre pâr l'affirmative).

 

L’insomnie est pire que la précédente.

Je finis toutefois par m’endormir sur le matin.

 

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