712 - JOURNAL SANS FILET (nouveau journal tressé), 5

Publié le par 1rΩm1

 

27 mai

712 - JOURNAL SANS FILET (nouveau journal tressé), 5

 

Jour des obsèques de Frédérique.

 

Frédérique n’était pas une intime — et j’ai hésité, les jours précédents, sur le fait d’aller ou non à la cérémonie de recueillement prévue par ses frère et sœurs au crématorium. Je n’étais pas certain d’y avoir ma place au même titre que Marthe, qui la voyait trois à quatre fois par semaine au moins.

Frédérique n’était pas une intime : pourtant, si nous nous retrouvions de loin en loin, nous nous sommes toujours vus , durant vingt-et-une années — à des intervalles, certes, de plus en plus espacés ces deux dernières années, tous les deux ou trois mois peut-être…

Même si Frédérique n’était pas une intime, je connaissais deux ou trois choses intimes la concernant, qui m’avaient été rapportées, sans malveillance aucune, par T., qui l’aimait beaucoup, par sa meilleure amie Marthe, que je voyais beaucoup plus qu’elle, ainsi que par Mme H***, la femme de ménage que, Frédérique et moi, nous avions en partage. Pour autant, ce n’étaient jamais des indiscrétions.

Le décès brusque de Frédérique a sans doute beaucoup plus affecté ces trois personnes que moi-même. Cependant, j’en ai été chagriné bien au-delà de ce que j’aurais pu concevoir, sans doute parce que d’autres morts, d’autres revenants — même si le terme est bien impropre pour J.-M., qui se rappelle à moi tous les jours et ne m’a donc jamais quitté — s’étaient embusqués, ne demandant qu'à refaire surface.

 

C’est Mme H*** qui, en proposant de venir ce vendredi matin à l’heure prévue de la cérémonie, a décidé pour moi… (Je ne regretterai finalement pas.)

 

L’après-midi, cherchant Paul et Marthe — dont je me dis que je ne les trouverai sans doute pas —, je tombe sur Berthe.

Nous devisons pendant presque deux heures. Selon elle, la cérémonie (est-ce vraiment le terme propre ? je n’en suis au reste pas certain) était un peu compassée.

J’apprends que Berthe et Frédérique se sont connues à l’université, qu'elles ont fait leur carrière dans de mêmes endroits, à N***, puis L***, T*** enfin, depuis 1983. C'est tout juste si elles n'ont pas pris leur retraite en même temps.

 

Nous nous quittons sur une promesse de nous revoir. Je rentre son numéro de téléphone dans l’abécédaire électronique du téléphone portable.

 

28 mai

Mon père ne m’apparaît pas en forme du tout.

Il me montre sa main, bleue, à cause d’une hémorragie interne.

 

Je reçois un message de T. pour me dire que je paie les fleurs à Marthe.

 

Je me sens un peu déprimé. Je loue — sans vraie conviction — un appartement à Berlin pour le début du mois d’août. Le prix de l’appartement, cependant, m’y incite. La vie se poursuit — à l’instar de ce 10 mai où j’avais en même temps fait avec M. l’achat d’une couronne mortuaire pour J.-M. et posté une carte pour l’anniversaire de N*** qui avait lieu le surlendemain.

 

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