719 - Passacaille estropiée (8)

Publié le par 1rΩm1

Passacaille estropiée

 

Paris, Berlin, Copenhague

 

(journal extime, 24 juillet -13 août 2016)

 

VIII

 

Samedi 30 juillet

Midi et après-midi

Je retrouve Khadija place Saint-Michel.

Elle s’est fait couper les cheveux plus court que je ne lui ai jamais vus. Cela lui va bien. (Elle ressemble à Pascale, une fille d’amis de mes parents). Elle dit avoir grossi.

 

Nous asseyons à la terrasse d’un café pour l’apéritif.

Après avoir pris de mes nouvelles, elle me raconte longuement être bientôt licenciée sans motif, sinon s’être portée au secours d’une employée qu’elle voulait protéger contre une autre, de très mauvaise foi, mais avoir été court-circuitée dans sa démarche par sa patronne, alors même qu’elle est censée gérer le personnel, tant et si bien qu’elle s’est trouvée prise entre le marteau et l’enclume : sa patronne, en tout cas, n’a pas supporté de s’entendre dire que Khadija pouvait régler elle-même l’affaire — et que, par conséquent, elle n’aurait pas dû intervenir. Prise dans le réseau des apparences, Khadija a paru la victime idéale de ce conflit de personnes.

Naturellement, après avoir entendu ce qu’elle me retrace, sans toujours être certain de bien comprendre, je me dis que mes déboires professionnels n’atteignent pas les siens.

 

La névrodermite dont elle souffrait lorsqu’elle était à ****, et très fortement encore la dernière fois que je l’avais vue, en revanche, s’avère en net recul.

Elle enchaîne en me parlant d’un de ses collègues, qu’elle trouvait attirant. Elle me dit n’avoir « pas vu le loup » depuis un certain temps — et me donne la date tout à trac. Sur le moment, je marque un temps d’incompréhension — peut-être par refus involontaire de cette franchise un peu abrupte.

L’a refroidie le langage ordurier des Halles — à quoi elle se montre particulièrement sensible et dont elle m’avait entretenu déjà — dont usait en la circonstance le collègue. J’ai oublié à quel propos, sinon qu’il ne s’agissait pas, à mon sens, du « loup » précédent, mais peut-être, en revanche, de la névrodermite, il lui a, en effet, asséné cette vérité approximative comme quoi elle n’aurait « pas assez trituré de couilles » — ou quelque chose d’approchant. De l’entendre s’exprimer ainsi, son désir, me raconte Khadija, est tout d’un coup retombé.

 

Malgré la distance mise objectivement du fait de son déménagement à Rungis entre elle et sa famille, Khadija est toujours aussi sollicitée par les membres de sa nombreuse tribu. Elle a contracté un emprunt conséquent pour payer des dettes de jeu faites par son frère. Etant donné son licenciement à venir, cet emprunt paraît d’autant plus déraisonnable. Jamais elle n’aurait dû accepter de prêter de l’argent à son frère, puisque, dès que « refait », A*** s’est remis aussitôt à jouer.

Elle me met à jour un à un les éléments de ce roman familial encore et toujours passablement compliqué en raison de l’incurie de certains membres de sa fratrie...

 

Nous déjeunons rue de Lappe à cette enseigne où j’ai déjà dîné déjà plusieurs fois en compagnie de T., ou de N***.

Elle parvient à faire fondre le serveur, en dépit de ses dehors abrupts, de son numéro savamment entretenu d’ours mal léché. Elle a de quoi s’y entendre, puisque, selon elle, il s’agit d’un Berbère algérien (je ne sais comment elle fonde, cependant, cette allégation).

Nous mangeons bien, mais elle me fait remarquer la saleté incrustée de ce bistroquet qui a conservé son décor du début du siècle dernier et n’a dû être repeint depuis bien des lustres — tandis que ses lustres en pâte de verre, eux, n’ont pas davantage été nettoyés de la veille. Je m’amuse — car je sais Khadija très à cheval sur la propreté, la nourriture compensant sans doute le léger haut-le-cœur qui a dû la saisir dans son inspection lorsqu’elle s’est rendue aux toilettes.

Nous errons ensuite entre Bastille et Marais : nous traversons l’Hôtel de Sully, la Place des Vosges, avant de trouver la Place du marché Sainte-Catherine et y prendre un verre, ce qui me ramène en pensée à Nicolas, qui m’avait fait découvrir l’endroit, à T. que j’avais mené là ensuite et à Aymeric, à qui j’y avais donné un rendez-vous avant de dîner dans un restaurant tout proche.

Je m’aperçois alors que j’ai reçu un SMS de Judith, qui me demande d’aller un colis dans un magasin servant de dépôt non loin de chez elle, magasin fermé le lundi : il ne me reste donc qu’aujourd’hui.

K propose de s’en occuper.

 

Nous prenons un bus et, après avoir réceptionné le  colis, visitons — c’est la troisième fois pour ce qui me concerne — le musée Bourdelle. Celui-ci ferme avant que nous en ayons fait le tour.

719 - Passacaille estropiée (8)

Dans le bus, elle me parle de sa mère, qui “sur-joue” peut-être la sénilité.

Elle complète aussi le roman familial qui l’agite en me parlant du cousin de son père, qui a ramené des femmes d’Algérie, l’une pour lui, les autres pour ses fils. En me racontant cela, sa voix vibre de honte et d’indignation.

 

Nous prenons un dernier verre (il est déjà plus de 18 heures, et Khadija ne veut pas s’attarder, le RER après certaines heures lui paraissant peu sûr) dans ce bar dans lequel je suis allé déjà avec Aymeric, N***, Duncan.
 

719 - Passacaille estropiée (8)

Elle me propose de séjourner à Rungis à mon retour. J’accepte d’autant plus volontiers que, non content de la voir, j’éviterai à la fois le studio de N. et le compagnonnage éventuel de Francis.

Nous avons passé ensemble un très bon moment, ce qui me console de sa décision de rentrer tôt à Rungis.

 

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2 novembre [2016] [work in progress pour journal extime Paris-Rome-Paris, oct-nov]

Patrice n’est pas allé travailler.

RV avec K à midi Place St-M

Prenons une bière dans un café-restaurant de la rue Gît-le-Cœur.

M’interroge sur Rome. Paraît esquiver ma question sur sa mère hospitalisée en urgence, qui lui avait fait reporter notre rendez-vous.

Déjeunons dans un restaurant indien près de la Sorbonne.

(M’amusera quand elle fera mime d’accomplir des génuflexions devant la Sorbonne, le Collège de France, le Panthéon et je ne sais plus quelle autre vénérable institution devant laquelle nous serons amenés à passer. Rue Racine, elle découvre le Bouillon-Racine et dit que nous devrions manger là une fois prochaine. Je lui dis que nous y avions pris un verre avec  R., Laurence et Claudie.)

 

Finalement, ne s’est pas attardée dans les Ardennes : j’ai préféré rentrer et te voir

Elle accomplit des progrès

D’A***, son frère, dont je parle parce qu’il fréquente le bar de quartier où Paul et Marthe ont leurs habitudes et qu’ils me faisaient part du racisme ordinaire dont font preuve souvent les indigènes de ce type d’établissement / K me dit qu’il peut impressionner son monde

A rendez-vous le lendemain avec un conseiller technique de Pôle Emploi : assistante de direction, correctrice, consultante pour améliorer les communications internes

En tout état de cause, ne veut pas retravailler immédiatement / veut prendre soin d’elle

 

Me demande si j’écris / je réponds oui, sans développer ma réponse (sinon — pensant à la multitude des “blogs” :  — tout le monde écrit)

 

Elle se plaint de la faiblesse de l’indemnité qu’elle touchera : comme, avant R, elle travaillait en Allemagne, certains éléments de son salaire ne sont pas pris en compte. 2100 euros c’est bien trop peu, me dit-elle. En tout cas, sa famille devra en tenir compte — ajoute-t-elle

 

Elle me rappelle que j’avais ri de la réplique de sa mère et de ma répartie (« tu n’as pas assez l’esprit de famille, K, ! ») : elle me dit que, sur le moment, je l’avais choquée, mais que je lui avais en quelque sorte dessillé les yeux

 

Me montre ses mains et poignets : la névrodermite est en net recul

 

Chez Gibert, s’achète le Ventre de Paris, que le livre que je lui avais acheté sur les Halles, qu’elle a bcp apprécié, lui a donné envie de relire

Marchons en plein vent jusqu’aux arène de Paris

L’Institut du monde arabe est fermé

Passons devant la Garde Républicaine : je plaisante sur les fiers chevaliers casqués et la mythologie qui leur est attachée, évoque une émission de télévision où Barbara chantait Mes Hommes devant les gardes républicains, ainsi que la chanson de Juliette

Lit les panneaux et m’amuse qu’elle ne voie pas la faute à « deux cent ans »

Allons rue J*** avec le 69

 

capsulite scapulaire : que je forge et qui m’enchante dans ses virtualités anagrammatiques ou paragrammatiques, mais c’est bien d’une capsulite rétratile dont m’a parlé N***

 

M’accompagne jusque Gare de l’Est, s’empare de mon sac de voyage (j’avais anticipé son geste et remisé les choses les plus lourdes auparavant dans la valise)

Prenons un dernier verre

Train en retard : la pousse à partir

 

Lui envoie un SMS dans le train quand celui-ci s’ébranle enfin

 

En recevrai un deux jours plus tard : pour quels musées romains faut-il réserver ? (je lui avais dit n’avoir pu voir certains)

Je note ici ma réponse pour une fois prochaine — et ce, afin de boucler mon parcours : Musées du Vatican [que j’ai vus], Saint-Pierre [avais vu et m’étais dispensé de revoir], musée et galerie Borghèse, ainsi que l’ambassade de France [matière sans doute pour un troisième séjour à Rome !]

 

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