725 - JOURNAL SANS FILET (nouveau journal tressé), 10
1er juillet
Paul avait rendez-vous à l’hôpital au service de neurologie. Son taux de PSA a fortement augmenté, ce qui pourrait être le signe d’un cancer de la prostate.
C’est surtout Marthe qui raconte (elle l’a accompagné, comme à l’ordinaire, ou plutôt l’a traîné, Paul ayant tendance, en ce genre de circonstances, à se comporter tel un petit garçon manquant d’autonomie…)
Puisque Paul se dit atteint dans sa fierté virile, je plaisante à propos du toucher rectal en disant que la pratique peut plaire à d'aucuns — hors naturellement la perspective médicale dans laquelle lui l’a subie. Seule Marthe sourit.
La conversation roule sur la médecine, la maladie. Marthe me dit que Frédérique détestait penser aux organes. Je partage sa phobie.
Les résultats des analyses tomberont dans six — à moins que ce ne soient trois — semaines. (Je me reprocherai par la suite de n’avoir pas bien mémorisé ce détail, comme une négligence coupable, voire une façon tout ordinaire de ne pas vouloir regarder en face la maladie, ni la mort ?)
3 et 4 juillet
Verres en terrasse avec T. L’été est là. Je me réjouis de voir T. plus souvent.
8 juillet
J’apprends par Madame H*** que Frédérique a désigné C*** comme bénéficiaire de l’assurance-vie qu’elle avait souscrite, ce qui a déclenché l’ire de l’ancien mari — à qui revient tout le reste, notamment l’appartement qu’elle habitait dans un quartier plutôt bourgeois de ****. Je rassure Madame H*** : tout ce que ce dernier pourrait intenter risque peu d’aboutir.
15 juillet
Je rencontre Benjamin. Nous devions nous voir beaucoup plus tôt, nous nous serions vus bien plus rapidement s’il n’y avait eu, de sa part, toute sortes d’atermoiements. En vérité, trois années ont passé à des conversations régulières, des échanges de photos, des messages sans apprêts.
C’est finalement moi qui lui avais fait faux bond au mois de janvier : je n’étais vraiment pas en forme, accablé par une lombalgie et la fatigue.
J’arrive en avance : il vient me chercher pour m’ouvrir le portail de la résidence (“vert” comme il l’avait indiqué) toute proche de la faculté de médecine (il y fait ses études) où il loge cinq minutes après que j’ai téléphoné (il n’était pas tout à fait prêt encore, avait-il un peu minaudé).
Nous montons par l’escalier de service jusqu’au dernier étage. « Je n’aime pas l’ascenseur », explique-t-il.
Sa chambre ressemble à l’une de ces cellules des “appartements-hôtel” : un couloir étroit, un cabinet de toilette à main gauche, un lit qui occupe tout l’espace auprès d’une kitchenette, une tablette sous une baie qui sert à la fois de comptoir et de bureau.
Il m’offre à boire. Entre eau, café ou thé, je choisis le café. Il met en service une bouilloire électrique. Il s’est allongé sur le lit, mains derrière la tête, dans une invitation à le rejoindre. Le café reste bouillant. Je n'attends pas qu'il refroidisse.
* * *
Après l’amour, il fait voler une nuée de mouchoirs au-dessus de moi. Il s’amuse de l’atterrissage de ces ailes blanches sur mon ventre.
* * *
J’ai bien aimé son ironie naturelle, souriante, sans rien d’acerbe ni de cruel — ce que ce qu’il écrivait ne garantissait pas.
Je l’ai découvert aussi moins gamin que je n’imaginais. Mais, au vrai, il n’avait que dix-neuf ans au commencement de nos échanges et il a pu mûrir entre-temps…
* * *
Sur l’autoroute, au retour, la boîte de vitesse automatique de la voiture fait encore des siennes. Je m’arrête un instant sur une aire de repos connue pour être un lieu de drague, ce qui, en la circonstance, m’amuse d'autant mieux que je n'y ai jamais recouru.
* * *
Je prends un verre avec T. sur notre terrasse habituelle.
Nul doute que, malgré mon envie de vacance(s), ce rituel me manquera lorsque, bientôt, je serai à Paris, Berlin ou Copenhague…