737 - Passacaille estropiée (20)

Publié le par 1rΩm1

 

Passacaille estropiée

 

Paris, Berlin, Copenhague

 

(journal extime, 24 juillet -13 août 2016)

 

XIX

 

11 août

Matin

Il me reste un peu d’argent danois.

Sur cet argent, je prélève la somme nécessaire pour mettre mes bagages à la consigne et visiter l’exposition Gauguin.
Je fais un ménage sommaire, mais laisse l’endroit propre.

J’achète un parapluie en remplacement de celui qu’avaient mis hors d’usage trois jours plus tôt les premières rafales de vent, et laisse un peu plus de 100 DK à Else, dont je n’ai pas eu l’emploi, que j’accompagne d’un petit message.

Il est 10 heures 20 quand je claque la porte de l’appartement.

 

Je me trompe de bus, ce dont je m’aperçois bientôt. Heureusement, une jeune femme, qui ne dément pas l’amabilité danoise partout constatée, m’explique où descendre et comment rallier le centre ville.

 

Autres erreurs, cette fois heureuses : la consigne à la gare ne me coûte que 60 (et non pas 75) DK, l’entrée du Ny Carlsberg Glyptotek que 15 (et non 50) DK, et j’ai accès aussi à une exposition résultant de fouilles archéologiques dans des tombeaux romains.

Je me place dans l’une des deux files importantes et lentes à s’écouler à l’entrée du musée.

 

L’exposition Gauguin — que constitue le propre fonds du musée, à de rares exceptions près — occupe cinq salles sur deux étages.

 

Paul Gauguin, Reclining Tahitian Women, 1894

Paul Gauguin, Reclining Tahitian Women, 1894

Paul Gauguin, Landscape from Tahiti, c. 1893

Paul Gauguin, Landscape from Tahiti, c. 1893

Paul Gauguin, French Landscape, 1885

Paul Gauguin, French Landscape, 1885

J’achète — je n’en ai jamais tant acheté lors d’un voyage — quelques cartes postales et, à la gare, une bière ainsi qu’une banane (à plus de deux euros !) avec l’argent encore en excédent, qui trouve ainsi son emploi. Il y a des années que je n’ai pas mangé de banane et je trouve celle-ci excellente !

A 13 heures, je suis dans le train pour l’aéroport, bien plus rapide qu’à l’aller — et débarqué à 13 heures 20. Et, comme aux comptoirs d’Air France, personne ne fait la queue, mon bagage est tout de suite enregistré. Il reste deux heures et demie à tuer.

*  *  *

J’ai bien aimé, je crois, mon séjour à Copenhague — en dépit de mes douleurs. Voire : ces hommes blonds ou châtain clair aux yeux clairs bleus ou verts vont me manquer ! Car rien ne m’est plus éloigné ni plus lointain que toute cette blondeur. J’ai hâte pourtant de retrouver Khadija. Et trouve fort agréable d’être attendu.

 

Soir

Je ne reconnais pas immédiatement Khadija dans la femme que j’aperçois au loin, très grosse et manquant d’élégance, me semble-t-il alors. Elle ne m’adresse d’ailleurs pas de signe.

C’est bien Khadija pourtant, qui s’amuse de ma méprise et qui est venue au devant de moi — que je reconnais enfin (moins grosse évidemment que mon imagination me l’a fait croire à distance, et tout sourire quand elle comprend que je l’ai reconnue, ce pour quoi je me fustige de n’y être pas parvenu plus tôt). Avec ses lunettes rondes et ses cheveux courts, elle m’évoque un peu Juliette Noureddine.

Le trajet depuis Roissy a été long — une heure trente, le temps que requiert un trajet de Paris à ****. Il faut encore tirer la valise sur près de deux kilomètres.

Khadija me laisse parler, me relance même par ses questions, ainsi qu’elle sait si bien faire. J’ai les oreilles comme occultées par de la ouate depuis mon trajet en avion.

Chez elle, elle me laisse quelques instants pour se changer. Dans le vêtement ample qu’elle a passé, les formes sont généreuses, et je m’amuse alors de n’avoir pas remarqué la fois dernière qu’elle a tout de même assez évidemment grossi. (Je tais tout cela, car je sais Khadija en délicatesse avec son poids.)

Comme d’habitude, je suis reçu comme un roi — à ceci près que le poisson est trop cuit et que la chair en est sèche : j'en plaisante alors qu'elle s’en désole, mais je parviens à l'en faire rire.

Elle a cherché sur Internet des peintures de Ribera (dont je lui avais parlé dans un de mes courriels), dont elle me dit qu’elle n’aime pas la peinture, trop sombre, sauf ses représentations des enfants. Je la surprends une nouvelle fois en quête de la joliesse en art. Sans doute a-t-elle raison sur une certaine conception du beau. Mais sa position exclut, de fait, un certain nombre de sujets, dont, précisément, la littérature et les prétendus Beaux-Arts font leur pâture. Ce qu’elle me dit des enfants m’en paraît significatif. Ce n’est pas la première fois que je constate une divergence de goût entre elle et moi.

Nous reparlons d’ailleurs assez longtemps de Berlin, où, dans les musées, nos yeux ne couraient pas aux mêmes endroits...

*  *  *

Comme elle travaille tôt le lendemain, que je suis très fatigué, que nous devons dîner ensemble le lendemain, nous nous couchons peu de temps après avoir dîné.

 

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