744 - Romana saltatio (Paris-Rome-Paris) (4)
Romana saltatio
(Paris-Rome-Paris, 20 octobre – 2 novembre 2016)
Journal extime en écho
[Paris-Porto-Lisbonne, 10-23 février 2017]
IV
22 octobre
Je me lève tard — après neuf heures, signe, de mon côté, que je dois me laisser dormir un peu avant des rythmes romains, plus soutenus sans doute.
Je m’aperçois que les cartons d’invitation que j’ai pour des films ne sont pas valables le week-end… Je visite, par conséquent, deux expositions, celle du Musée du Luxembourg consacrée à l’œuvre de Fantin-Latour (dont j’ai beaucoup aimé les autoportraits de jeunesse — et moins goûté les paraphrases opératiques wagnériennes), après celle du Musée de la vie romantique, l’Œil de Baudelaire. (Je m'amuse que, dans sa dédicace de Madame Bovary, Flaubert ait orthographié Beaudelaire le nom du poète. Sur les poèmes manuscrits, les barres des T se déploient, immenses, tels des pantographes repliés courant sur des fondrières, ou des ponts enjambant des gouffres amers…
J’achève cette plongée dans le XIXe siècle en passant par la rue Férou pour me rendre jusque Saint-Sulpice, où je photographie des pans entiers du Bateau ivre — puisque reproduits sur des murs —, que j’enverrai le surlendemain à T.
23 octobre
Je passe une après-midi agréable avec B.
Nous nous sommes donné rendez-vous devant le musée Marmottan. L’exposition (Hodler, Monet, Munch : peindre l’impossible) nous plaît à tous les deux — et, cette fois, à l’inverse de celle sur l’œuvre de Klee, plus à moi (peut-être), puisque la relativement petite surface et le manque de recul — selon B. — a pu gêner sa perception des toiles.
Dans la galerie en boucles dévolue aux Monet, les conversations, les rires se débondent : des gens bruyants comme jamais s’égaillent comme s’ils s’étaient retenus alors qu’ils visitaient l’exposition.
L’espace en a été rénové, les fonds en sont plus beaux, les tableaux, mieux éclairés, mais le plaisir en est en partie gâché.
Une pluie battante nous attend à l’extérieur.
Les cafés (et salons de thé) près de la Muette ne me plaisent pas du tout et B. propose que nous allions à la Butte-aux-Cailles. Nous sommes bientôt attablés, bien accueillis, dans un petit café sympathique qui pratiquent des prix provinciaux, et je me dis que je reviendrai avec N***, qui, s’il connaît bien son XIIIe, le quartier Mouffetard, ne m’a jamais entraîné dans ce quartier.
Nous parlons de S. (comme d’ordinaire), de mes parents. Je lui raconte que mon père, la veille de mon départ, a appelé une amie de longue date qui devait fêter ses quatre-vingts ans pour avoir des nouvelles de l’invitation lancée quelques mois auparavant : celle-ci s’était vivement étonnée de sa demande, puisqu’il avait répondu depuis longtemps devoir venir et que, par conséquent, ils étaient attendus, ma mère et lui, à la date annoncée. Mon père ne se souvenait plus avoir répondu à un carton d’invitation, et se désolait, par conséquent, que sa mémoire lui joue ainsi des tours. Je lui avais alors rappelé la fois où je ne me souvenais en rien avoir retiré à la gare un billet de train auprès d’une borne en accès libre, y être retourné ensuite, m’être escrimé à vouloir l’imprimer à nouveau, puis avoir copieusement — sans l’insulter, mais j’en étais à deux doigts — invectivé mon interlocuteur de la SNCF contacté par téléphone, qui prétendait placidement que j’avais nécessairement déjà conclu l’opération. Le lendemain, le jour même de m’en aller, mû par une soudaine vérification, je retrouvais le billet, précieusement conservé dans le seul endroit logique où je l’avais pu mettre…
[J’apprends, au détour de la conversation, que B. est née un 17 novembre. J’en ignore absolument l’année, me doutant que, comme A., elle en tient autant possible la date secrète. Je pourrais — j’aurais pu déjà… — demander à S., mais je respecte cette coquetterie et m’en amuse.]
Il pleut toujours alors que nous faisons le chemin inverse vers la Place d’Italie, prémices de mon envol. Mes chaussures, trempées de pluie, ne risquent guère — précisément — de sécher avant le lendemain, et mes semelles de vent s'en trouvent toutes trempées...
Soir
Je dîne chez F. et Pascal.
J’attends longuement la navette qui doit m’emmener, depuis la station de RER jusqu’à à l’hôtel dont j’ai réservé une chambre dans cette zone aéroportuaire — avant de comprendre que je me trouve à un mauvais endroit.
Pluie et vent froids me cinglent le visage. Je peste — et rêve d’autant mieux d’Italie.
Emmené enfin par la navette, je m’aperçois que j’ai reçu un message de Duncan :
Romain,
Je suis désolé de te répondre si tard, mais je rentre seulement d’une mission de Washington. J’espère que ton séjour se passe bien a Paris avant d’aller a Rome. Je t’embrasse. Duncan.
La chambre est grande, fonctionnelle. Une cabine douche spacieuse dans une matière plastique transparente (sauf des motifs en son milieu qui préserveraient d’un voyeurisme indiscret les corps nus, et je songe aux douches prises par ou avec Julien dans des cabines translucides tout autant, à Strasbourg ou bien chez moi) de forme presque ovale en occupe un espace pas tout à fait au centre de la pièce, un cabinet fermé à gauche de l’entrée étant réservé aux toilettes. Les lieux sont moins laids et quelconques que ce à quoi je m’attendais.
Je m’escrime (inutilement) à vouloir m’enregistrer en ligne pour le vol du lendemain.
Aussi ai-je du mal à m’endormir. La perspective du départ accroît encore ensuite l’inquiétude d'un sommeil amputé.
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(en écho)
13 février [2017]
Rendez-vous est fixé avec Aymeric à la cinémathèque française. […]
Vous ne l’emporterez pas avec vous de Frank Capra s’avère une comédie bien réjouissante — toujours très actuelle dira Aymeric ensuite. Ni la copie, mauvaise, ni la salle pleine ne parviennent à gâcher notre plaisir, le public, nombreux, riant de bon cœur.
Je n’avais pensé à couper mon portable que le film déjà commencé, certains réflexes me manquant encore ; je m’aperçois, à la sortie, que j’ai reçu un SMS de Duncan, revenant (prétendument ?) de Washington ; je ne puis m’empêcher de penser qu’il m’oppose excuses, prétextes ou inventions — je n’ai pourtant jamais pris Duncan en flagrant délit de mythomanie
Le message — assez curieusement — me parvient en deux temps, les énoncés étant inversés :
Mais ca fait bien trop longtemps que l’on ne sait pas vu.
J’aimerai en effet qu’on fasse ca.
Je serais peut être de passage à **** en mars quelques jours (a confirmer) A quand est prevu ton prochain passage sur Paris ?
Coucou Romain.
Comment tu vas ? Je suis désolé de te repondre seulement mtn.
C’était la course sachant que jeudi je partais pour Washington et que je suis rentré seulement ajd.
Enfin je travail jusqu’à environ 21h 22h ce soir et ensuite j’ai affreusement besoin de repos sachant que demain j’ai un meeting a 8 h qui va sans doute durer quelques heures et que je n’ai quasi pas dormi lors de mon vol retour.