755 - Romana saltatio (Paris-Rome-Paris) (12)
Romana saltatio
(Paris-Rome-Paris, 20 octobre – 2 novembre 2016)
Journal extime en écho
[Paris-Porto-Lisbonne, 10-23 février 2017]
XII
29 octobre
Matin
J’abrège ma visite au Colisée — le billet en était valable quarante-huit heures, couplé avec le Forum sans possibilité de le désolidariser (j'ai pensé que naguère, du moins dans mon souvenir, le forum était librement accessible, quand il fallait payer pour imaginer les jeux de cirque) —, monument monumental dont j’avais gardé un souvenir mitigé. (Sans doute n’ai-je ni le goût ni l’imagination des gladiateurs, non plus que des jeux de cirque — ce qui poursuit là une idée de la veille...)
En outre, je ne suis pas certain de pouvoir entrer sans réservation préalable au Palais Colonna.
Je me hâte donc.
L’effarement se dispute à l’amusement en découvrant la débauche d’or d’une grande galerie censée rivaliser avec la Galerie des glaces — à ceci près que les miroirs sont plus rares — et les marbres, plus beaux (ils ont été pillés sur quelque site égyptien, si ma mémoire est bonne)…
Après avoir erré seul et en la présence relative de peu de personnes encore dans les différents salons d’apparat du lieu — qui n’en manque pas… —, je sacrifie assez volontiers — puisque c’en est la première, hormis l’appartement de Mario Praz, plus modeste et poussiéreux — à une visite guidée, en français.
Je m’amuse, en particulier, que m’ait tant frappé à première vue le tableau de le Mangeur de fèves
quand on me livre comme grand admirateur d’Annibale Carrache (Annibale Carracci) — qui aurait inspiré (à moins que je n’affabule ?) ses propres mangeurs de pommes de terre — Van Gogh, et que j’apprends que le très beau tapis à terre de l’une des salles (comme d'ordinaire j'en rate la prise) ait été rapporté comme butin de guerre de la bataille de Lépante.
Tout cela ravive quelques souvenirs : Palerme… un Condottiere…
Entre-temps, parmi des tableaux accrochés en sur nombre, j’aurai vu : deux très beaux Tintoret...
une Madone avec un Jésus assoupi que veillent aussi sainte Anne et saint Jean de Bronzino (qui me plaît beaucoup plus que, dans le hall d'entrée, son Vénus, Cupidon et Satyre, même s'il est amusant d'apprendre que des repeints sur le corps de la femme avaient rendu la scène beaucoup plus décente avant que l'œuvre retrouve sa licence originelle, après rénovation, celle-ci donnant l'impression que la toile a été peinte la veille, ce qui explique peut-être ma réticence)...
un grand cabinet en ébène et ivoire reproduisant en son centre le Jugement dernier de Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine au Vatican...
Carlo Fontana (project) with Dominikus & Franz Stainhart (ivory carvers) : Ebony cabinet with 28 ivory panels carved in low relief with scenes form the Old and New Testaments (central frame : reproduction of Last Judgement by Michelangelo — Sistine Chapel)
des miroirs peints, dont des putti nous font complices, notre narcissisme fanant moins vite que ne vivent les roses…
La visite guidée, elle, s'achève sur les jardins de l'endroit.
— Et, pour ne rien déparer, même les toilettes de l’endroit se donnent des airs de luxe...
Après-midi
Je rentre déjeuner.
Mon ordinateur n’est pas si ancien que cela (je l’ai acheté au retour de mon voyage au Cambodge et au Laos, au tout début de 2011), mais je ne parviens pas à télécharger ma carte d’embarquement pour mon vol du retour le lendemain : les systèmes d’exploitation vieillissent bien vite — plus que leur déterminatif, me dis-je amèrement, lequel se porte à merveille quant à lui.
Après un vain combat, après une conversation électronique avec quelque ectoplasme virtuel mais précis, je finis par télécharger un logiciel plus up to date et parviens à obtenir le sésame électronique... J’ai néanmoins perdu plus d’une heure à des essais infructueux — et devrai — heureusement, le hasard se met de la partie, je repère en chemin un magasin de reprographie tout proche de l'appartement — faire imprimer ensuite la carte d’embarquement.
* * *
Je vais jusque Centrale Montemartini, Via Ostense — je crois en être près, mais, les bus étant rares, je marcherai finalement beaucoup le long d'une avenue sans charme pour rallier l’endroit, et, plus encore, pour en revenir —, une ancienne centrale thermique devenu lieu d’exposition.
La sélection et la dissémination des œuvres, la plupart très belles, produisent tout de même parfois un sorte d’à rebours de la rencontre d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection, laquelle se devrait toujours d’être « fortuite » — alors que jurent par endroits et par moments les bielles et le beau, l’art et l’industrie, l’odeur rémanente de graisse et les suées créatrices, dans cette présentation par trop concertée…
Entre autres statues de l’époque romaine, je repère tout particulièrement cette représentation d’Auguste
tandis que, ici comme ailleurs — mais bon public —, je me vois poursuivi par Antinoüs…
Soir
J’ai mal été inspiré dans le choix du restaurant pour dîner.
Ce qu’on me sert est bon, mais je trouve que c’est cher — et que chiches sont les portions.
La clientèle, ciblée précisément par ce type d’établissement, ajoute à ma réserve, sinon à mon irritation, et, abrégeant l’expérience d’un dessert, je suis content de rentrer.