758 - Romana saltatio (Paris-Rome-Paris) (14)

Publié le par 1rΩm1

 

Romana saltatio

 

(Paris-Rome-Paris, 20 octobre – 2 novembre 2016)

Journal extime en écho

[Paris-Porto-Lisbonne, 10-23 février 2017]

 

XIV

31 octobre

Matin

Je m’organise au mieux pour mon arrivée à Paris : cela m’embarrasse d’arriver tard chez Patrice et Anne, vraisemblablement pas avant 23 heures, puisque atterrissant à 20 heures 30 à Beauvais — tout en songeant qu’il faudra encore une heure et quart pour arriver Porte Maillot. J’achète sur Internet mon billet d’autobus, que je fais imprimer ensuite dans un magasin de photocopies, tout en calculant le trajet le plus commode et le moins long (la ligne de métro 1, puis le bus 96) pour me rendre dans le XXe grâce à Google Maps. J'envoie un courriel ensuite à Patrice pour l’en informer — tout en songeant à par moi que, comme le disait et le dessinait si bien Reiser, on vit une époque formidable !...

 

758 - Romana saltatio (Paris-Rome-Paris) (14)

Je fais une nouvelle fois chou blanc en voulant voir la Galerie Corsini, celle-ci étant fermée le matin. Fra Angelico, Caravage, Van Dyck… me laissent quelque regret de n’avoir pas vu leurs œuvres — car ce n'est tout de même pas une  visite  immersive  trouvée ensuite qui saurait m'en consoler —, et j’écourte ma dernière promenade romaine dans Trastevere.

 

Paris, soir

L’avion était à l’heure, mais le 96 fait un détour du fait de travaux près de la place Gambetta. Constatanr que j’ai dépassé depuis longtemps l’arrêt où j’avais prévu de descendre, je sors précipitamment sans trop savoir où je me trouve. Je suis d’autant plus excédé que je suis désormais en retard sur l’heure, calculée pourtant au plus large, de mon arrivée.

Je tire ma valise à travers rues pentues et inconnues, en m’aidant du GPS intégré au téléphone (nous vivons une époque épique, aurait dit Ferré).

Je me découvre finalement moins loin que je n’imaginais de la rue J*** où l’appartement d’Anne et Patrice se trouve.

 

Anne est déjà couchée lorsque j’arrive. Nous devisons debout, Patrice et moi, dans la cuisine. Il est mal en point, a mal aux épaules et le dos bloqué. Je lui rappelle que c’était moi qui, la dernière fois, était victime d’une cruralgie.

Etant donné l’heure, nous ne nous attardons pas.

 

1er novembre

Matin

Mon impression d’être levé tôt est démentie par ce qu'indique le portable : il est 7 heures 30. Le plus précautionneusement que je peux pour ne réveiller personne, j'ouvre placards et réfrigérateur afin de préparer un petit déjeuner selon les expédients qui s'offrent à ma vue.

 

Patrice et Anne paraissent un peu plus tard.

 

Je ne me souvenais plus qu’Anne était si bavarde — autant, si ce n’est davantage, que ne l’est Patrice.

Elle s’emploie à chercher sur Internet les descriptif et mode d'emploi d’une machine-outil pour sa cordonnerie, alors que moi-même, sur mon propre ordinateur, résilie mon abonnement de téléphone mobile pour un autre, plus avantageux, chez le même opérateur. Nos échanges en paraissent d’autant moins suivis, même si nous nous employons à un ersatz de conversation. Patrice, à juste titre, nous raille — et dit qu’il va jouer sur son propre portable. Je regretterai ensuite de n’avoir pu mieux profiter d’elle, mais, après tout, elle me laissait aussi le champ libre pour ma tâche idiote, à laquelle je n’aurais guère eu le loisir ensuite.

 

Comme Anne a rendez-vous avec des amis, nous déjeunons, Patrice et moi, tout en suivant une conversation presque aussi décousue. Il me parle de difficultés à organiser des expositions désormais, de crédits restreints, de coupes claires dans les budgets. J’évoque mes pensums professionnels.

Tout cela prend des allures de fin de vacances.

 

Après-midi

J’ai prévu d’aller au Musée des Arts décoratifs voir l’exposition sur le Bauhaus.

La file d’attente est longue sur le trottoir, ce qui est bien inhabituel pour l’endroit. J’ai mal choisi mon horaire sans doute, me répété-je, en voyant à l’intérieur une foule dense qui piétine devant chaque vitrine, — tout un monde en représentation, à la tenue vestimentaire artiste. Jusqu’à provoquer l’asphyxie aux œuvres.

Je parfais néanmoins ma connaissance du mouvement, dont j’avais oublié déjà tous les tenants et aboutissants — de l'objet industriel quotidien aux activités théâtrales, du jour à la nuit et du sol au mur et au plafond —, en regrettant assez souvent d’avoir oublié l’appareil photo.

Marianne Brandt, Théière et passe-thé, argent et ébène (vers 1924)

Marianne Brandt, Théière et passe-thé, argent et ébène (vers 1924)

Puis je m’échappe avec plaisir dans les étages — beaucoup moins envahis, certaines salles étant même désertes —, afin de revoir les collections permanentes. (Je m’amuse de cette manie au goût du jour d’exposer des œuvres contemporaines en regard de meubles ou d’objets vénérables comme s’il fallait « absolument être moderne » ou, plus conventionnellement, voir le présent faire pièce au passé…)

Une exposition est consacrée à Roger Tallon, créateur touche-à-tout, tant des emballages d’huile Elf que de la première montre de plongée Lip ou de l’espace intérieur du TGV Atlantique.

Roger Tallon et sa Caméra Duplex 9,5 mm, inventée en 1954 pour Pathé (dixit Internet)

Roger Tallon et sa Caméra Duplex 9,5 mm, inventée en 1954 pour Pathé (dixit Internet)

 

Je retrouve, dans les vitrines, des objets familiers de enfance, et songe à J.-M., dont l’attention aurait sans doute été plus soutenue que la mienne.

(A noter : l'analogie de forme entre le bidon Elf et la caméra Duplex.)
(A noter : l'analogie de forme entre le bidon Elf et la caméra Duplex.)

(A noter : l'analogie de forme entre le bidon Elf et la caméra Duplex.)

 

J’erre de-ci de-là — du lit de parade de Sa Valtesse de la Bigne, qui aurait inspiré à Zola la description du lit de Nana (mais j'ai parlé de cela je crois déjà), jusqu’aux étages supérieurs consacrés au design contemporain — jusqu’à ce que l’on me pousse dehors en raison de la fermeture.

 

758 - Romana saltatio (Paris-Rome-Paris) (14)
758 - Romana saltatio (Paris-Rome-Paris) (14)

 

Soir

Anne, que je n’ai pu revoir avant qu’elle s’en aille, est repartie à ****.

 

J’invite Patrice à dîner.

Après le restaurant, nous nous installons dans le bar de quartier où il a ses habitudes.

Malgré  l’ambiance  bon enfant,   presque  familiale  — Patrice  s’y  est souvent consolé de l’absence d’Anne, de laquelle, pour des raisons professionnelles, il s’avère désormais séparé —  de l’endroit, je le presse un peu pour rentrer : nous avons pas mal bu, tant et si bien que la conversation est tout aussi pâteuse que nos bouches, ou cotonneux nos esprits, et je crains une rasade supplémentaire.

Nous dételons donc et allons nous coucher.

 

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