765 - Fado fandango (5)
Fado fandango
Journal extime
(Paris – Porto – Lisbonne - Paris, 10-23 février 2017)
V
15 février
Matin
En me rendant à l’office du tourisme près de la cathédrale, je découvre d’abord la gare de São Bento et ses azulejos.
Il est 9 heures 30 à l’office du tourisme. Le jeune homme assez joli garçon qui m’accueille derrière le comptoir est seul à peupler l’endroit. Non seulement il se montre très accort, mais il parle français. (J’ai, la veille, beaucoup entendu parler français dans les rues, et me suis dit que mes compatriotes avaient comme envahi les rues de Porto.) Le charme de mon interlocuteur opère, et je lui pose toutes sortes de questions. « C’est tout ? » me demande-t-il plusieurs fois. A court d’idées, je dis que je reviendrai si nécessaire. Au moment de partir, alors que je me retourne vers lui, il m’adresse un clin d’œil dont je ne saurais décider s’il est purement “commercial” ou m’incite — réellement ! — à revenir…
Après avoir arpenté le pont Dom Luis Ier et attendu qu’il soit onze heures,
je visite la cathédrale et son monastère (et ses azulejos).
(Dans la boutique proche du pont, dédiée aux touristes empruntant le téléphérique qui mène aux quais du Rio Douro en contrebas, je suis tombé en arrêt devant des plats en faïence, dont je me dis qu’ils devraient plaire à F. et Pascal. Je fais un cliché, en retiens l’idée et le prix.)
Midi
Voulant me faire à déjeuner et cherchant dans les placards, je ne trouve nulle part de passoire. Je m’aperçois ensuite que les plaques de cuisson ne fonctionnent pas.
J’envoie donc un courriel à mon logeur, lequel me répond presque immédiatement. Naturellement, les consignes qu’il me donne sont celles d’un mode d’emploi élémentaire, et je réponds donc avoir essayé les recours qu’il me donne.
J’aurai donc tout de même vu Carlos, qui arrive dans le quart d’heure qui suit mon dernier message. Il trouve bientôt la raison d’être de ce dysfonctionnement. Découvrant le cache d’un tableau électrique dans un placard, il abaisse la manette d’un fusible qui avait disjoncté, tout en m’indiquant comment procéder une fois prochaine.
Ce plutôt jeune et joli garçon paraît bien pressé, mais il lâche tout de même quelques commentaires acides sur les quatre jeunes Allemands qui, selon lui, ont laissé l’appartement dans un état indescriptible quelques jours auparavant : je comprends qu’il les incrimine tandis qu’il inspecte très rapidement les lieux — sans doute ne les avait-il pas vus depuis longtemps — tout en me désignant une plinthe détachée du mur dans l’un des angles de la pièce, ce dont je ne m’étais pas rendu compte.
Il est bientôt parti, après échange de poignées de main et de sourires.
Je lui sais gré de s’être déplacé si vite, mais m’apercevrai bientôt que c’est la porte coulissante de la salle de bain entravée par la plinthe qui, sans butoir, met celle-ci à bas, et que, à la moindre surtension — il faut tout de même le secours de quelques radiateurs électriques, pour que les nuits ne soient pas top fraîches —, le disjoncteur saute, sans que les précédents occupants y soient encore pour quelque chose.
Après-midi
Je visite le musée de la photographie, installé dans l’ancienne prison. Je ne m’attarde pas, ayant des rapports réservés avec la photo en général, les moyens d’une bonne appréhension de cet art me manquant très certainement. Les salles d’exposition dévolues aux différentes générations d’appareils photographiques, elles, ne concernent en outre que les amateurs, à qui toutes ces spécifications techniques pourraient avoir un sens.
Je visite ensuite l’Eglise Saõ Francisco, « réputée pour abriter l’un des plus beaux ensembles baroques rococos du pays », finalement assez impressionnante de laideur rutilante et dorée, ainsi que sa crypte — où sont enterrés plusieurs milliers d’aristocrates dont les tombeaux sont couronnés de crânes comme autant de vanités, pour rappeler à chacun un sic transit gloria mundi plus ou moins insincère peut-être, mais qui numérote et égalise leurs abattis puisqu'il procure à ces « grands » une dernière geôle à l’identique —, lieu moins apte, quoi qu’il en soit, dans son dépouillement, à effarer les prises photographiques, malgré l’ambiance tamisée curieusement orangée, afin d’impressionner les esprits sans doute et créer une ambiance morbide — mais ratant son effet, et s’avérant plutôt lénifiante
— avant l’ouverture du Palais de la Bourse, pour lequel j’ai pris un billet.
Tous comptes faits, je suis un peu déçu : la maison municipale de Prague et ses splendeurs n’ont rien à envier à ce Palácio da Bolsa, dont les fresques tiennent d’un symbolisme presque pompier, le clou en étant le Salon mauresque qui asphyxie le regard, déjà passablement moribond, sous le faux et le toc…