779 - Sotiš in London (1)

Publié le par 1rΩm1

 

Sotiš in London

 

(sur un air de chapelloise,

de polka slovène

ou d’English gay gordons)

 

Paris - Londres - Paris

 

(journal extime 19 juillet – 4 août 2017)

 

 

I

 

 

—  Cette  sotiš  pour  Tomaž,  en  effet,  qui  a  su,

sans en rien savoir, me rendre incomparablement idiot.

 

19 juillet

Je mets toute une matinée à organiser mon départ.

Une fois parti, je croyais l’avoir fait, je me rends compte que je n’ai pas enregistré sur la clé USB mise dans mon sac le document concernant mes vacances en février à Porto et Lisbonne : il faudra donc que je temporise et mette plus tard en forme les premiers soubassements de la relation des sept derniers jours de mon voyage.

 

Je retrouve avec plaisir l’appartement de F. et Pascal, qui m’avait manqué la fois précédente.

J’avais reçu, peu de temps après mon retour, le 17 mars, un message du Portugal, accompagné d’une photographie de Porto, qui m’avait d’autant plus étonné qu’ils ne m’avaient rien dit de ce voyage (tandis que l'inscription sur le bateau au premier plan me paraissait crypter, aux chiffres près, le nom même de Pascal).

 

779 - Sotiš in London (1)

L’une des premières choses que je vois, sur la table de la cuisine, est d'ailleurs une nappe joliment colorée achetée à Porto même (des motifs naïfs répétés, bleus, jaunes, verts, rouges, noir et blanc sur un fond beige avec cette inscription Festa da sardinha).

Je m’aperçois alors à mon grand dam que j’ai totalement oublié d’emporter les plats en céramique achetés à Porto pour les leur offrir…

 

Le plafond dans la chambre a été refait, de même que deux murs, revêtus d'un nouveau papier peint.

 

Pascal s’étant trompé sur les dates durant lesquelles je devais être là, je devrai cohabiter une nuit avec Jules : il m’avait adressé un premier message, puis téléphoné, pour se faire repréciser les moments où je serais là.

Je connais Jules depuis assez longtemps. C’est un ami de V***, qui — mais ma mémoire peut entremêler plusieurs fils ou plusieurs noms — avait eu une relation avec Christophe.

Je l’ai toujours trouvé agréable, quoique un peu fuyant à mon endroit. En tout cas, il me fera plutôt plaisir de le revoir.

 

Il fait chaud.

 

Après une installation sommaire, je dialogue à distance avec M.-C. : je m’amuse du fait que, entre une erreur de ma part qui en avait dupliqué l’impression, et elle qui s’est livrée à la même opération, nous aurons l’un et l’autre trois fois sa carte d’embarquement ! [Je ne sais pas encore, ironie du sort, à quel point ce sera vain...]

Je trouve, à mon retour de courses, un SMS de Jules : il ne devrait passer qu'en coup de vent en fin d'après-midi et survenir tard ensuite.

Duncan, lui, m’a appelé lorsque j’étais sur le quai de métro de Parmentier : j’entendais très mal ce qu’il me disait, mais il pourrait, me dit-il, être libéré pour 18 heures 30 ou 19 heures.

 

Mon séjour s’organise.

N*** est disponible vendredi soir.

Judith, elle, ne savait trop que répondre quand je l’ai appelée.

J’attends le SMS de Duncan, qui me préviendra du moment où il pourra cingler depuis Villejuif jusque Oberkampf.

 

20 heures

Evidemment, Duncan est très très en retard.

Je me décide à sortir pour rompre la posture de l’attente, incapable de me concentrer de toute façon sur mon livre — et voulant fuir la touffeur de l’appartement. J’ai déjeuné tôt, et je meurs de faim : I’m starving, ai-je envie de dire à mon petit Américain.

De fait, il fait meilleur à l’extérieur. Mais la terrasse du café où j’ai donné rendez-vous à Duncan est bondée. (Je lui avais adressé la veille un message dans lequel j’avais joint un plan du quartier et un montage photographique des deux angles de rues où le bar se trouve. Je pensais à N***, à son manque de sens de l’orientation, à ses retards — N***, qui après quatre ou cinq rendez-vous à cet endroit n’arrive jamais à le retrouver, qui erre dans le quartier tel le perdu qu’il est alors littéralement, et que, pour cela, je guette toujours…)

Après avoir stationné quelque temps sur un banc du Boulevard Lenoir, repassant devant la terrasse toujours aussi pleine, remontant la rue Oberkampf, je m’installe près de Parmentier, en plein carrefour, en pleine presse automobile, en plein bruit…  Et je me sens tout aussi plein de la fureur qui m’envahit jusqu’à m’emplir tout à fait !

(Cela m’évoque ce soir de février 2016 — la dernière fois où nous nous sommes vus, Duncan et moi — où nous avions dîné si tard, sans en prendre encore toute cette mesure… Incapable d’écrire sur tout autre chose, l’attente phagocyte tout…)

Je suis donc encagé par l’attente (quand j’ai téléphoné à N*** — le mot m’y fait songer —, j’entendais siffler le perroquet)

 

22 heures

Je reçois enfin une série de SMS.

Nos appels téléphoniques — le mien, irrépressible, immédiat — se croisent. Duncan s’excuse platement, en argüant d’une réunion intempestive où l’occasion lui était donnée de discuter avec son directeur.

Il me propose de le retrouver à Franklin Roosevelt, ce qui voudrait dire vingt à vingt-cinq minutes encore de déplacements.

Je coupe court : il est tard, j’ai faim, on se verra plus tard.

Nous fixons la date de samedi a priori : il ne souvient plus de l’horaire auquel il a rendez-vous avec son banquier (sic), si c’est en fin de matinée ou en début d’après-midi.

J’élude. Il me précisera plus tard.

 

22 heures 30

Je dîne (enfin !) d’une salade, copieuse et bonne, dans ce bar-restaurant où nous avions mangé Aymeric et moi en février.

L’endroit est toujours aussi bruyant (82 DB, si j’en crois l’affichage de la sono).

Ma colère est retombée.

 

23 heures 15

Un peu de fraîcheur, bienvenue, m’accueille, comme j’avais ouvert les fenêtres, dans l’appartement.

Ma colère, plus que je l'ai vidée, — ma colère m’a vidé.

 

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