782 - Sotiš in London (2)
Sotiš in London
(sur un air de chapelloise, de polka slovène ou d’English gay gordons)
Paris - Londres - Paris
(journal extime 19 juillet – 4 août 2017)
II
20 juillet
Matin
Jules dès le petit-déjeuner se montre bavard — je me suis, cependant, levé un peu avant lui, et peux donc faire face à ce babil qui m’aurait certainement dérangé si j’y avais été exposé au réveil. Je le croyais à Paris pour je ne sais quelle compétition — ce qui m’avait surpris, tout en me disant que j’avais sans doute déformé ce que me disait Pascal : en fait, il est venu pour répéter avec une chorale des morceaux du répertoire opératique.
Aussi, après me l’avoir demandé, se fait-il adresser des partitions en pièce jointe d’un courriel, qu’il m’envoie ensuite afin de pouvoir les transférer de mon ordinateur à une clé USB en sa possession et les faire imprimer plus tard.
Après-midi
J’ai rendez-vous à 14 heures avec Aymeric devant le musée Rodin (que nous n’avions pu visiter la fois précédente).
Comme, compagnon toujours fiable, il est en avance, je ne peux m’empêcher d’établir une comparaison avec Duncan — et repenser, non sans un reste de colère, à l’attente de la veille.
Nous visitons d’abord l’exposition Kiefer, qui m’adresse ainsi un clin d’œil depuis l’appartement d’Else à Copenhague.
Aymeric photographie des roses dans le jardin. Me vient un souvenir de dahlias presque au terme de leur floraison, énormes et lourds de leur maturation, dont j’avais fait des clichés lors de mon dernier passage au musée. Piètre connaisseur en fleurs, j’en cherche le nom, procède par approximation, m’arrêtant à des « dahlias » tout en n’étant pas certain de ne pas me tromper.
Le voyant faire, je songe que j’ai oublié mon appareil photo. J’ai bien mon téléphone portable, mais je demeure mal à l’aise avec ce rectangle multifonctions, dont le déclencheur sur le côté, qui plus est, me paraît malaisé à manipuler. Je ferai trois clichés médiocres (dont je publie que deux ici) — du fait des reflets des vitrines derrière lesquelles sont exposées les sculptures, me consolera Aymeric ensuite.
Nous visitons le pavillon — en avançant toujours à peu près d’un même rythme, mais en suivant des circuits différents dans les salles —,
puis les jardins, dont la floraison ne permet pas de retrouver la fleur blanche qui hante mon souvenir, la saison n’étant sans doute pas la même (je crois me rappeler que c’était en avril ou mai), ces intermittences de la mémoire plus que du cœur m’agaçant suprêmement parce qu’elles ne m’arrivaient pas auparavant...
Nous rallions à pied Orsay, afin de voir l’exposition consacrée aux portraits de Cézanne. En route, je lui raconte ma veillée importune avec Duncan. Il écoute, sans faire de commentaire particulier.
Au vu du peu de monde sur le parvis du musée, je propose de prendre un verre et nous nous rendons dans ce bar où j’ai déjà bu une bière avec François — ce qui ramène à ma mémoire des propos de François qui m’avaient étonné alors qu’il m’accompagnait jusqu’au musée : que C*** ne voudrait jamais revenir à ****, qu’il n’était jamais entré à Orsay…
Exceptionnellement, après m’avoir demandé à quoi cela pouvait ressembler — ce dont je me suis acquitté avec un peu de peine — Aymeric commande une bière blanche.
Aymeric se dit accablé de douleurs du fait d’une arthrose cervicale, qui, d'après les symptômes qu’il m’en donne, est sans commune mesure avec mes propres douleurs à la nuque et entre les épaules. Ses nuits étant en grande partie rongées par la douleur, une immense fatigue en découle.
Aymeric me demande qui est M.-C. Je lui ai déjà parlé d’elle, il s’en souvient d’ailleurs dès mes premières évocations, d’autant que j’avais mentionné la maladie de Lyme à propos de souffrances et de fatigue qu’éprouvait déjà Aymeric quelques temps auparavant…
Nous retournons à Orsay — où nous rentrons presque immédiatement — et visitons l’exposition des portraits de Cézanne dans l’espace exigu dévolu la fois dernière à Bazille, avec même effet de coudoiement et de piétinement.
Nous déambulons ensuite dans diverses salles, celles, contiguës, des impressionnistes, puis, aux étages inférieurs, des Nabis et autres expressionnistes.
Je découvre en sortant un message de Duncan qui m'informe que son rendez-vous à la banque est à 14 heures le surlendemain, sans préciser comment il entend que nous nous retrouvions. Je ne laisse pas jouer l’impatience — et ne lui répondrai, de fait, que le lendemain.
Je propose de dîner à Bastille, dans ce restaurant où avec Khadija, N***, T., nous sommes allés déjà plusieurs fois.
Aymeric me demande — j’en suis surpris, et c’est à mon tour d’être embarrassé — mon avis sur ce que je ferais à sa place, si, comme c’est probable, la maison où il habite avec son ancien compagnon devait être vendue. Il me précise qu’il n’est propriétaire qu’à 30% seulement de l’endroit, tant et si bien qu’il n’aurait pas de quoi s’acheter un bien immobilier bien conséquent sur Paris même.
Aussi se dit-il qu’il pourrait habiter la même ville que son compagnon.
Il ajoute avoir toujours vécu ces vingt dernières années avec quelqu’un. De ce fait, il pourrait avoir un peu d'appréhension à l'idée de se retrouver seul.
Nous parlons aussi de la situation encore indéterminée dans laquelle il se trouve : je serais le seul à comprendre, à ce propos, son peu d’envie de retravailler.
Lui dit pouvoir vivre d’assez peu. Je le rejoins tout à fait, moi dont les plus grosses dépenses sont celles des voyages que j'entreprends régulièrement, essentiellement sans doute pour rompre la routine.
Nous prolongeons un peu dans un café non loin d’Opéra-Bastille — tout proche de la Seine ai-je dit, mais Aymeric m’apprend qu’il s’agit en fait d’un bassin d’eau, que prolonge de façon souterraine le canal Saint-Martin — à parler ainsi de choses et d’autres, notamment de ses vacances d’été toutes proches.
Comme je le sens fatigué, comme je sais aussi qu’il lui faudra du temps pour rentrer, sans compter le hasard des correspondances, je l’invite à rejoindre nos pénates.
J’envoie à mon retour un courriel :
Je t'espère rentré malgré le retard de 5 à 10 mn annoncé sur la ligne 1 tout à l'heure.
En pièces jointes, les essais photographiques de l'après-midi.
Merci pour la journée.
En te souhaitant de bonnes vacances italiennes.
A bientôt. Amitiés,
Romain
(PS - Pas retrouvé dans mon album photo les dahlias du jardin du musée Rodin, s'ils ont existé un jour !)
Puis, poursuivant mes recherches avec quelque obstination et retrouvant enfin le cliché fait dans les jardins du musée Rodin, un second :
-=-=-=-=-=-
A propos de ces lignes, et comme je sollicite toujours son imprimatur, Aymeric, le 12 septembre, m'écrit :
Par bonheur mon arthrose cervicale a cédé du terrain à partir de la mi-août. Il reste des séquelles dans le bras mais qui vont se dissiper progressivement. J’ai souffert pendant presque quatre mois, soit deux fois plus longtemps que la crise de l’an dernier. Ça promet pour la suite...
Je ne crois pas avoir dit que je craignais la solitude, tant je l’appelle de mes vœux parfois. Simplement le fait de passer d’une vie à deux à une vie en solitaire implique des changements importants, surtout après 30 ans…
Me concernant, l’expression "vacances d’été » m’amuse puisque la vacance ne veut plus dire grand chose. Il s’agit plus [d'un] "voyage d’été »...