799 - Journal d'un conscrit (19) [in memoriam J.-M.]

Publié le par 1rΩm1

 

 

799 - Journal d'un conscrit (19) [in memoriam J.-M.]

 

28 janvier 1984, 9 h 30

Enfin la semaine s’est finie. Soulagement. J’ai pu dormir à peu près bien cette nuit, et me réveiller à sept heures et demie… Et ma soute met un paravent contre le vent du Nord…

Difficile de dire le plaisir que je tire des quelques heures que je passe ici le soir… […] Un week-end entier s’ouvre à moi, dont je vais tenter de tirer le plus de profit possible. J’ai connu, cette semaine, ce miracle de lire un roman en moins de cinq jours, de mettre au jour ma correspondance. Tout cela est presque généreux. Au milieu du ballet des Marmon et des Berliet — dansant sur une chorégraphie grotesque — ma petite île est un microcosme saisonnier, envahie d’orangers… […]

 

Cela ne se reproduira pas. Les exigences de « services » ici se multiplient. Aussi a-t-on pris la décision d’abolir ce statut particulier de « soutier de permanence » — lequel n’a qu’exceptionnellement à servir de l’essence pendant la nuit (encore n’est-ce pas lui qui joue les pompistes, il n’a qu’à démarrer — c’est d’ailleurs compliqué — le camion citerne, sauf s’il s'agit d’un “monsieur à barrettes”, bien évidemment), et très peu pendant le week-end…. Les « D. O. » désormais ne seront plus que des « gardes » ou des « renforts », doublées de « piquets d’incendie » ou de « sections d’alertes »… C’était trop beau pour durer. (S’il n’y avait pas eu la revue du Général, j’aurais pu me croire en vacances à “ma” soute, en dehors des heures de bureau…)

 

J’ai écrit aussi à FrédéricK une lettre badine, [et] gentiment : après tout, sa lettre était également chaleureuse — et nous aurions les meilleures relations du monde, si nous nous voyions ! (Je ne comprends décidément pas ce qui motive en lui ces incessantes fuites. Mais je ne suis pas, il est vrai, psychanalyste). Peut-être nous verrons-nous ce prochain jeudi ?!… Sinon — et en dehors de cela, d’ailleurs — il faut que je prévoie de voir Hannah, à qui je vais écrire bientôt. Peu à peu, je vais mettre sur pied mon prochain week-end à **** — et pouvoir tirer ainsi le maximum de [ces] trois jours de séjour.

— Je ne crois (déjà) pas que je vais pouvoir tout faire !

 

 

-=-=-=-=-

Dimanche 26 novembre 2017

Je suis invité par ma nièce, qui fête ses trente ans.

Dans la nombreuse assemblée, je suis entrepris — par deux fois ! — par le père du compagnon actuel de ma nièce, qui veut à toute force me faire dire que l’année que nous (dans, j’imagine, je ne sais quelle fraternité virile…) avons passée à accomplir notre « service militaire » était un de ces moments de la jeunesse que l’on regrette tous bien après ! (Et de dire évidemment que les jeunes gens d'aujourd'hui ne savent pas ce qu'ils perdent !)

Il est mal tombé, le pauvre, l'irritant. Je lui assène l’inutilité de cette année perdue. Et comme il repart en me parlant de l’organisation idéale qui constitue la « force des armées » — ou je ne sais quelle fadaise —, je rétorque que, dans le service du moins où j’ai travaillé, on ne se mettait à la tâche que sur injonction d’un supérieur décrochant son téléphone, et que « on », ensuite, se déchargeait du travail sur quelque inférieur, le dernier maillon de la chaîne ainsi sollicité étant le « militaire du rang » que l’on houspillait…

 

(L’attestent “mon” général — et le burn out (dirait-on désormais) d’Antoine !)

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article