802 - Sotiš in London (10)
Sotiš in London
(sur un air de chapelloise,
de polka slovène
ou d’English gay gordons)
Paris - Londres - Paris
(journal extime 19 juillet – 4 août 2017)
X
28 juillet
Matin [suite]
Comme j’ai souvenir des rames bondées de la veille vers 9 heures 30, je décide d’attendre un peu pour éviter ce désagrément.
Finalement, je prends le bus — un de ces bus londoniens rouges à double étage, dans lequel je suis bientôt, après qu’une passagère a libéré la place, tout en haut, faisant alors face à la route, le trajet ne montrant d’ailleurs qu’assez peu d’attraits, sauf lorsqu’on approche London Bridge, près duquel je descends.
Sur Borough Market, où je reviendrai ensuite, j’achète de quoi me sustenter à midi, non sans avoir visité préalablement Southwark Cathedral.
J’ai oublié l’appareil photo. Je longe la Tamise
et photographie avec mon téléphone portable d’abord le Shakespeare’s Globe et Rose Theatre — je pénètre dans l’endroit et achète une carte postale, que je destine à T. —,
puis Millennium Bridge,
puis les abords de la Tate Modern, but ultime de ma promenade.
Je visite l’endroit, non sans une pointe de déception : si je ne boude pas toujours mon plaisir, je m’attendais à davantage d’œuvres.
Je vais le long de ces salles thématiques. Ainsi de celle consacrée à la Guerre d’Espagne :
dont je photographie également, même si ce n’est mon peintre surréaliste préféré, les Métamorphoses de Narcisse de Dali.
J’en ai déjà vu un exemplaire ailleurs (je ne sais plus où), mais, tel précisément un nouvel appel, je cède volontiers à la Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France de Cendrars illustré par Sonia Delaunay.
Sonia Delaunay, Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913), Watercolour and relief print on parchment
Une salle où sont exposés des Nymphéas de Monet jouxtent d’assez grands formats de Mark Rothko — et je donne la faveur aux premiers.
Dans une salle attenante, je me montre davantage sensible à d’autres grands formats de Gerhard Richter, inspirés par John Cage, un des rares clichés que je n’aurai pas éliminés ici de mes piètres essais photographiques...
Ainsi, quoique fort impressionné par l’installation de Jane Alexander, African Adventure, et sa force sarcastique (ce que, du moins, je présume), j’en rate toutes les prises, celles trouvées ensuite sur Internet étant souvent médiocres aussi, peut-être en raison et de l’éclairage et de l’espace même, celle de toute une pièce consacrée à des figurines plutôt petites…
Ayant assez rapidement fait le tour de ces salles, je redescends dans le hall d’entrée et visite alors l’exposition Giacometti.
Je remarque que maint objet provient de la fondation Giacometti à Paris, dont j’avais noté l’existence quelques jours plus tôt, ce qui m’intrigue, n’en ayant jamais eu connaissance auparavant : je saurai bientôt, après avoir effectué quelques recherches, que celle-ci n’a pas vocation à ouvrir au public, mais seulement se charge de gérer un fonds et de prêter des œuvres.
Précisément, je me pose la question de l’acheminement de ces sculptures, objets lourds et fragiles, nécessitant une balistique [?] particulière, qui les protège à la fois d’éventuels dommages, mais aussi — sans doute aussi — de vols…
Je vais aussi lentement que possible
Je regarde même un film de Ernst Scheidegger et Peter Münger datant de 1966 (Alberto Giacometti), dont sont projetés des extraits (je m’amuse parfois de sous-titres assez inexacts de ce que dit Giacometti…)
* * *
A la cafétéria, on me sert un verre de vin blanc... dans un gobelet en pastique : ils n’ont plus de verre, s'excuse-t-on.
J’achète un coffret joliment présenté de seize cartes postales des œuvres exposées pour la circonstance.
Explorant d’autres lieux dans une autre aile du bâtiment, je m'attarde dans une salle où une installation sonore de Janet Cardiff, Forty Part Motet, sous les espèces d'un enregistrement sur quarante haut-parleurs comme autant de voix distinctes, restitue une expérience sonore inédite pour moi puisqu’on peut se trouver encerclé par ces voix, ou, ce que je ne fais que peu et dans un second temps, circuler d’une enceinte à une autre.
J’emprunte ensuite le pont Millenium jusque Saint-Paul, toujours étonné de voir le moderne le plus échevelé côtoyer l’ancien le plus cossard.
Le vent qui souffle est vif et froid. Ces immeubles, qui grattent le ciel ici et là créent de mêmes tourbillons de vent acides qu’à la Défense, ne donnent pas envie de s’attarder, le ciel étant par ailleurs gris et menaçant.
Soir
Rentré dans l’appartement, je croise un Indien, qui m’offre deux carrés de chocolat. Il s’étonne que je sois seul dans un chambre à deux lits, me demande combien j’ai payé, m’emprunte l’adaptateur électrique pour me le rendre aussitôt puisqu’il ne convient pas aux prises de ses appareils....
Il me demande aussi ce que je fais le soir même.
J’élude.
En fait, je vais jusque Soho.
Je suis bientôt pris par une marée humaine qu’explique la sortie des théâtres.
Il faut aussi faire une longue file, puis se laisser fouiller, pour entrer au G.A.Y. La musique y est tonitruante, et l’absence de sièges au bar fait que je m’enfuis bientôt. Que ferais-je là tout seul ?
Les clients ne sont pas assez peu nombreux, ni la musique beaucoup moins forte, pour que je m’installe dans un bar davantage aux allures de pub non loin de là.
Dans la station de métro où je m’engouffre pour le tube du retour, c’est une même masse étonnante de gens qui empruntent les portillons, mais très peu pour emprunter la ligne que je prends au retour — sans doute vont-ils dans quelque autre quartier animé en ce début de week-end.
Je rentre, apaisé.