808 - Sotiš in London (13)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Sotiš in London

 

(sur un air de chapelloise,

de polka slovène

ou d’English gay gordons)

 

Paris - Londres - Paris

 

(journal extime 19 juillet – 4 août 2017)

 

 

XIII

 

31 juillet

Matin, British Library

Après le hall d’entrée, je découvre une exposition sur la libération des gays (GAY UK Love, Law, Liberty), logée dans un espace restreint.

 

 

808 - Sotiš in London (13)

Il est naturellement question du procès d’Oscar Wilde [entre autres “icones gay”, que j’ai oubliées depuis], mais je photographie l’exemplaire de l’édition originale de Orlando de Virginia Woolf, lu il y a très longtemps — qui m’avait beaucoup plu —, ainsi que le cartel qui l’accompagne. Je reproduis celui-ci, à défaut d'un cliché net du livre ouvert :

“The most charming love letter in littérature”

Virginial Woolf met Vita Sackwill-West in December 1922. Though both women were married, [proposition quelque peu curieuse, d’ailleurs…] they became lovers a few years later. Sackwill-West was the inspiration for the figure of the androgynous and gender-shifting Orlando (who changes sex as well as historical periods) in Woolf’s historical fantasy novel, Orlando : A biography (1928). Woolf’s novel was published the same year that Radclyffe Hall’s controversial book, The Well of Loveliness, appeared. However, Woolf’s more indirect and circumspect representation of love between women meant that she, unlike Hall, avoided critical censure.

Une autre exposition est consacrée aux trésors de l’endroit. J’y découvre, entre maint objet d’attention possible :

- une lettre de David Hume à propos de Rousseau datée du 15 juillet 1766 :

« Rousseau had accused Hume of “entering into a conspiracy to ruin him”. Jean-Jacques Rousseau “lies like the Devil” [réplique Hume, pourtant généralement débonnaire]… »

- une édition du Leviathan de 1651 — et, naturellement, de fort beaux manuscrits, dont les livres de prières de petite taille (in-32 ?) richement illustrés, des livres venus de Perse contenant de magnifiques miniatures.

Et, pour poursuivre mon inventaire à la Prévert — quoique… — :

- des fragments de l’Evangile selon saint Jean datant du IIIe siècle ;

- une lettre manuscrite de Michel-Ange à son neveu ;

- The Letters of Hieronymus, illustrées par Dürer ;

et — naturellement — moult éditions du théâtre de Shakespeare !

 

Sachant par avance que mes photographies seront ratées, j’achète une carte postale de l’impressionnante tour en verre qui abrite au centre de l’endroit sa propre architecture de livres, carte que je destine à Valérie.

 

808 - Sotiš in London (13)

Comme j’en suis tout près, je retourne à la gare St Pancras.

 

808 - Sotiš in London (13)
808 - Sotiš in London (13)

Midi

Parce que peut-être il pressent que cela ne me dérangera pas (!), Tomaž ne se replie pas comme il en a l’habitude (?) dans sa chambre au moment de déjeuner.

Nous nous partageons donc la cuisine.

La conversation roule d’abord sur des banalités : que mangent les Français ? à quel moment sert-on le fromage ? est-ce que, chez vous, vous vous faites à manger  (en dehors de crudités que j’ai assaisonnées, depuis le début de mon séjour, je n’ai mangé que des plats préparés et il me demande ensuite si je cuisine parfois) ? est-ce qu’il m’arrive de manger du foie gras ? — je n’avais d’abord pas du tout compris sa question, entendant dark au lieu de duck, et ce n’est que, après qu’il m’a épelé — fautivement —  le mot (« f-o-i-s »), que je saisis brusquement sa question : lui a été dégoûté  d’apprendre comment on gavait les canards. Sans être végétarien, précise-t-il, — ce qui ne me surprend pas (mais il prétend aimer toutes les cuisines) — il ne mange pas beaucoup de viande… Ce petit jeu, qui n’engage jamais à rien, est cependant assez stimulant.

 

(Tandis que nous devisons, je l’observe à la dérobée ; le buste est plutôt velu finalement ; son corps n’est pas très développé, assez fluet. Ce que je vois et devine et dessine me plaît beaucoup.)

 

 

Il rentre à Ljubljana le lendemain. C’est son dernier jour. Il s’en réjouit. Il dénigre alors son travail. Des hôtes qu’il a pu croiser, la plupart demeure une ou deux nuits. Je suis le seul qui suis resté si longtemps.

Il voudrait acheter un appartement à Ljubljana, qu’il louerait entier, non comme ici, chambre par chambre.

 

J’y vais aussi de mes questions. Il a vingt-huit ans (je m’étonne intérieurement : je lui aurais donné trois années de moins au bas mot, peut-être en raison de sa petite taille et de ce squelette un peu fluet…).

Il me dit que, dès l’âge de quinze ans, il a voulu être indépendant, qu’il rêvait d’avoir un jour un appartement à lui (je me dis in petto que, sur ce point, nous sommes semblables). A dix-huit ans, il est donc allé à Ljubljana. Ce n’a pas toujours été facile : au début, il éprouvait de la honte à ce qu’on reconnaisse son dialecte du nord (il est né près de la frontière autrichienne) ; mieux résilient aujourd’hui, il en tire quelque fierté au contraire.

Il travaille comme assistant radiologue. Il vit seul.

J’en perds mon anglais quand il me demande mon âge à moi. J’aurais pensé moins, dit-il. Je l’en remercie (en me moquant intérieurement de moi).

Je lui donne mon adresse électronique sous prétexte d’entreprendre peut-être un jour le voyage jusque Ljubljana.

 

Je reste malgré tout timide comme un collégien.

 

Les deux Japonaises de la veille apparaissent pour disparaître presque aussitôt.

L’heure tourne, sans que j’en puisse conjurer la marche.

Deux hôtes doivent arriver (des Allemands).

Il fait la vaisselle ; je l’essuie.

Je me résous à m’en aller.

 

Après que je le lui ai dit, il rentre dans sa chambre.

 

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J
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