810 - Sotiš in London (14)
Sotiš in London
(sur un air de chapelloise,
de polka slovène
ou d’English gay gordons)
Paris - Londres - Paris
(journal extime 19 juillet – 4 août 2017)
XIV
31 juillet
Après-midi, British Museum.
Je ne dois en parcourir — chaussant des bottes de sept lieues parfois — qu’un quart à peine en plus de trois heures.
A l’origine, j’ai surtout envie de voir — et je me donne bientôt raison — les frises arrachées au Panthéon par Lord Egin — que je mitraille, tout en en ratant les cavaliers des frises du nord et de l’est, les éclairages indirects, contrairement à la lumière du jour du vaste hall où je photographie premières frises et statues, n'étant pas favorables.
Les foules asiatiques ont envahi l’endroit.
Des salles que j’ai le temps de parcourir, beaucoup d’œuvres retiennent l’attention, beaucoup impressionnent.
Nereid monument
Red-figured bell-krater (wine bowl) with Eros and a youth. Made in Lucania about 440-430 BC, attributed to the Pisticci Painter
Made in Canosa about 270-200 BC. Painted on a pink ground are two winged marine horses flying over a Brown sea. Three terracotta Nikai are attached to the false spouts and the handle, and the fore parts of two horses to the wall. Reliefs showing the head of Medusa and a dancing maenad have also been applied.
Red-figured bell-krater (wine bowl) with Orestes at Delphi. Made at Paestum about 330 BC, attributed to Python as painter.
The Portland Vase, Cameo glass, probably made in Rome, about 15 BC – AD 25
Three Nereids, from the Nereid Monument, about 390-380 BC
The royal lion hunt, Assyrian, about 645-635 BC, from Nineveh, North Palace
Je découvre un itinéraire LGBTQ (Exploring LGTBTQ histories), que je suis avec quelque distraction, même si je retrouve, en le reconnaissant immédiatement, le tutoyant depuis Rome, le favori d’Hadrien.
Marble bust of Antinous, AD 130-138, Found in Rome
Je recopie le texte qui accompagne cette représentation, équivoque à divers points de vue :
Athenian vases are famous for their erotic scenes, from suggestive nudity to explicit sexual acts. Probably made to amuse or titillate male user at symposia (drinking parties), they must be viewed within their historical and artistic contexts. Erotic scenes reflect traditional gender and social roles where Citizen males — the assumed viewer — are usually shown as the dominant Partner.
Most scenes show heterosexual acts, yet on this wine mixing bowl we see two Young men about to have sex. Their wreaths suggest a festival, perhaps the Anthesteria when young men went a bit wild !
Earlier homosexual scenes show older men with younger partners for same sex desire (see Room 69/ 31). This vase parodies heterosexual images which were becoming more common at this time ; it also perhaps mocks homosexual acts, associated by democratic commentators with the decadence of elite groups. Yet we get a glimpse of same sex desire outside of traditional limits, including among males of equal age and status.
Je me suis polarisé sur l’Antiquité. Cependant, parmi les salles consacrées à l’art médiéval, mon œil est happé par ce bouclier bien chevaleresque.
Comme pour le Louvre, il faudrait bien sûr s’y prendre à plusieurs fois, voire toujours songer à revenir, d’autant que certains endroits sont inaccessibles…
Victorious Young athlète, Roman, 1st century AD, Probably a version of a Greek original about 430 BC, Found in Italy
Fin d’après-midi
Dans un pub, sur un de ces écrans géants qui s’invitent dans nos vies, j’apprends par les BBC News — et m’en chagrine — la mort de Sam Shepard — scénariste, précise-t-on de Paris Texas, winner at the can festival [sic] : j’espère que ça l’aurait fait rire. (J’apprendrai beaucoup plus tard par Marthe que Sam Shepard avait été traduit par Primo Basso.)
La mort de Jeanne Moreau, annoncée ensuite, achève de me chagriner.
Soir
Je dîne dans le restaurant chinois (indiqué par le guide) où j’ai réservé l’avant-veille.
Je compte mes dernières livres (il me faut songer au lendemain, au billet du train plutôt cher qui me conduira jusqu’à l’aéroport).
Ce que mangent les gens alentour a l’air délicieux. J’imagine alors — so delicious — que j’ai dû jouer petit dans cette cour gastronomique avec, calcul à l’appui, ce que j’ai commandé — mais, ainsi que je l’ai constaté partout, l’on ne peut prendre de menu que si l’on est au moins deux !
Le vin rosé espagnol — à presque dix livres le verre — est très bon. Je le fais durer et durer avant qu’on m’apporte le premier plat.
Les trois raviolis chinois au saumon cuits à la vapeur dans des feuilles d’épinard qu’on me sert alors — non pas petits mais de taille moyenne — sont accompagnés d’une sauce exquise : je leur fais mes regrets car j’en aurais mangé trois autres encore avec un même appétit.
Le serveur me prépare avec une cuiller le canard dont il hache la chair montrant une dextérité, une rapidité qui laissent pantois son regardeur ordinairement malhabile. Il m’explique ensuite qu’il faut rouler quelques morceaux avec de bâtonnets de concombre et des cives dans une petite crêpe que je dois agrémenter d’une sauce, qui, à la vue et à mon palais, paraît être au miel et au soja. Le canard est cuit dans une carapace croustillante. — C’est bon, mais peu léger. J’ai bien fait de m’en tenir au quart d’un canard (une cuisse, apparemment).
Je mange tout cela comme je le puis — c’est-à-dire assez malproprement.
Quand arrive la note, je constate que les plats sont majorés de 13% en raison du service. La gastronomie chinoise a donc un coût de presque 45 £, autrement dit plus de 38 € — pour deux plats et un verre de vin orphelin.
Il est tard déjà, mais je ne regrette pas de m’aventurer jusqu’à la Tour de Londres, puis Tower Bridge. Je parviens à régler l’appareil pour prendre des photos alors que la nuit approche, puis tombe.
Je m’étonne à nouveau de voir de très anciens monuments jouxter des immeubles de verre et d’acier.
J’expérimente au retour les lignes doubles Circle Line/ District/ Hammermith et City Line. Je crois d’abord m’être trompé, mais me rassérène, même si le trajet est beaucoup plus long qu'à l'aller, en en comprenant enfin le fonctionnement.
Fin de soirée
Les échos d’une conversation animée dans la cuisine me parviennent alors que je rentre. Tomaž discute, non sans acrimonie, avec une grande femme blonde aux manières brusques, qui parle fort — et dont je pense qu’elle doit être R. Sa façon d’apostropher mon petit Slovène sonne désagréablement à mes oreilles, sans que je sois certain de ce qui se dit, les mots échangés n’étant à l’évidence pas en anglais.
Tomaž a plus l’air d’un petit garçon que jamais devant cette femme qui a plus du double de son âge.
Il vient dans ma chambre pour demander un oreiller supplémentaire, qu’il prend dans l’armoire que je lui ouvre.
Il me demande — un peu pauvrement, dans un filet de voix — si j’ai bien dîné.