812 - Sotiš in London (16)
Sotiš in London
(sur un air de chapelloise,
de polka slovène
ou d’English gay gordons)
Paris - Londres - Paris
(journal extime 19 juillet – 4 août 2017)
XVI
2 août
Matin
J’envoie ce message à Tomaž :
Hi Tomaž,
Greetings from Paris !
I hope you arrived without any incident to Ljubljana nor delay.
I thought of you when I saw the Sainsbury’s window yesterday ;-)
I’m pleased to repeat it : it was fine to meet you — and have those conversations with you :)
I think really that you’re a clever wise nice guy !
Take care of you,
Romain
Je téléphone à Francis. Il me propose de lui apporter la valise inemployée de Judith à la station Louis Blanc.
Quand il arrive, il est encombré de toutes sortes de paquets (c’est, décidément, chez lui une vocation, et je me rappelle alors, avec une pointe encore d’irritation, la fois où je l’avais aidé à transporter tout son barda jusqu’à la Gare Montparnasse…).
Nous mettons ses emplettes — des blocs de marbre, entre autres, achetés, me dit-il, chez Habitat, qui feront de jolis supports dont j'ai, depuis, oublié la destination — dans la valise, qui, pour être laide, n’en est pas moins commodément pourvue de roulettes...
Durant ce transbordement des denrées judicieuses qu’il s’est procurées, il me propose de manger dans un restaurant indien tout proche. L’invitation paraît d’autant plus difficile à refuser que ce restaurant tout proche où il compte m’emmener est selon lui hautement recommandable…
En fait, il se montre un interlocuteur plus agréable — et plus facile — que les fois précédentes.
Je lui laisse l’initiative des sujets, le sachant bavard de toute façon, et j’abdique de quelques-unes de mes réticences.
Nous parlons donc expositions, cinéma, Londres, Inde du sud où il séjourne chaque année… A propos de cette dernière, il m’explique qu’il vit mieux son handicap là-bas (ses mains tremblent toujours autant), y compris dans ses rencontres avec des partenaires sexuels… Il s’y fait faire des implants dentaires, cinq fois moins chers.
Nous parlons un peu de Judith, qui vit assez mal en ce moment une crise ouverte avec Laure, laquelle a emmené une amie avec elle et se sent d’autant plus forte de cette présence : l’affrontement entre elles est permanent, m’explique Francis, et Judith ne sait plus comment calmer le jeu.
(J’entends, à ses paroles, que Judith et lui sont plus intimes qu'elle et moi le sommes, n’ayant pas remarqué lorsque Judith, Laure et N. avaient séjourné à **** — mais c’était deux ans auparavant — d’animosité entre la mère et la fille, Judith se plaignant entre-temps plutôt d’affrontements courants avec Lucien qu’avec Laure, que je comparais mentalement à quelque mousquetaire, un garçon manqué partageant pourtant avec Judith quelques coquetteries féminines qui nous avaient valu quelques heures de shopping dans les boutiques de la Petite France à Strasbourg…)
La cuisine qu’on nous sert est bonne, et je sacrifie volontiers au rôle du commensal élogieux. La conversation prend un tour culinaire alors, lui comme moi appréciant la cuisine indienne.
Selon sa théorie, Judith refuse délibérément de cuisiner correctement. Il glose assez longuement les habitudes alimentaires, déplorables d’après lui, de Lucien et Laure en me rapportant une conversation qu’il aurait eue avec Lucien. (Je me revois cheminant avec Judith depuis Marmottan à la recherche d’un restaurant en octobre 2015 alors que nous revenions de l’exposition Villa Flora : les temps enchantés —, elle me disant que, si elle savait faire à manger, elle serait gourmande en diable, et qu’il ne fallait pas qu’elle s’y risque. Je m’amuse de la confrontation de ces deux versions d’un même fait — Judith ne sait pas cuisiner, mais elle a pu déjà me prouver le contraire —, tandis que cette vision d’une incapacité sciemment entretenue par réflexe féministe, quoique plausible, ne me convainc tout de même pas absolument…)
Nous parlons même de politique, réussissant à nous accorder sur ce dernier point, non sans que je songe que Judith a dû lui rapporter nos échanges en avril dernier, car il y va sans ambages, comme si ce dernier point d’accord était aussi évident que les autres…
N*** n’a pas répondu à mes appels téléphoniques (d’hier et d’aujourd’hui). Finalement, je reçois un SMS : il n’a pas envie de sortir, ni « de voir du monde ces jours-ci ».
Je n’en suis pas étonné, eu égard à ce qu’il m’avait dit d’amis plus proches que moi les fois dernières. J’aime d’ailleurs autant qu’il en aille ainsi, plutôt que de subir sa mauvaise humeur, comme lorsque j’étais rentré de Lille.
Je me trouve tout de même désemparé.
Après-midi
Est-ce pour cette raison que je fais les magasins ?
Je m’achète trois pantalons : l’un, très cher ; les deux autres, presque donnés (l’un identique à l’autre, puisque le second ne coûte que cinq euros !)
J’avais besoin de pantalons, de toute façon.
Tomaž m’a répondu :
Hello Romain,
greetings from Ljubljana, my plane was 1h late so I almost missed my transport for Ljubljana but luckily they have waited for me. So all was good.
Feeling a bit dizzy and tired today and it's also very hot but it feels nice to be back home:)
Indeed it was a pleasure and also your English was improving every day!
Enjoy Paris and stay in touch,
Tomaž
Son anglais est vraiment de l’anglais — quand le mien n’est qu’un calque (littéraire et besogneux) du français !
(Plaisir, cependant, de parfois saisir quelques tours idiomatisques, que j’aurais eu plaisir à réemployer. Je n’ai jamais tant parlé durant un séjour à l’étranger, depuis fort longtemps, que lors ces jours passés à Londres. Une raison d’ailleurs pour laquelle j’aimerais y revenir. — Mais ce sera sans Tomaž malheureusement.)