824 - Chante, chante barcarol (8)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Chante, chante barcarol

 

(Paris – Venise – Vérone – Padoue – Paris)

 

Journal extime

 

(23 octobre – 5 novembre 2017)

 

 

8

 

30 octobre

Matin

Je croise la logeuse dans l’escalier. Nous convenons que je lui rendrai les clés de l'appartement à midi.

Nous faisons nos bagages. Il nous reste une bonne partie de la matinée pour retourner au centre de Vérone, ce dont nous ne nous privons pas : nous visitons San Firmo Maggiore, qui superpose deux églises en fait : une église romane primitive au niveau inférieur (où je rate toutes mes prises photographiques du fait d’un éclairage violent, destiné à pallier le manque de lumière),

 

 

Chiesa Inferiore - Anonimo - Battesimo di Gesù (affresco XIII secolo) © Internet

Chiesa Inferiore - Anonimo - Battesimo di Gesù (affresco XIII secolo) © Internet

une église remaniée selon des canons gothiques à l’étage supérieur.

 

824 - Chante, chante barcarol  (8)
Mausoleo Brenzoni (1426)

Mausoleo Brenzoni (1426)

824 - Chante, chante barcarol  (8)

*  *  *

 

Il est très exactement midi quand nous rendons la clé au compagnon de la propriétaire — celle-ci prépare le déjeuner, nous dit-il, non sans gourmandise —, après avoir récupéré nos bagages.

 

Après-midi

Nous prenons le train pour Padoue.

A l’office du tourisme dans l’enceinte de la gare, nous réservons nos places pour visiter le lendemain la chapelle décorée par Giotto.

Nous sommes à 15 heures sonnantes devant l’appartement (je m’étonne que M.-C. ne me plaisante pas sur mon horloge intérieure, mais peut-être partage-t-elle mon souci du temps — plus que de l’espace).

 

Notre logeuse nous attend, une jeune femme sympathique.

L’appartement est très petit, mais meublé de façon très fonctionnelle par des éléments colorés — rouge, jaune, bleu — tant dans la cuisine que dans la salle de bains, qui donnent à l’endroit, un peu sombre de par sa situation au rez-de-chaussée, des touches vives et gaies.

 

Nous sommes proches du centre historique. Après nous être quelque peu déployés dans les lieux, nous allons au hasard.

 

photo : M.-C. (le 1er novembre)

photo : M.-C. (le 1er novembre)

 

Dans un marché couvert, nous achetons du jambon, du poisson, du fromage pour le soir et le lendemain. Je n’ai plus d’argent liquide.

 

Rentrée à l’appartement, M.-C. paraît tendue. Elle n’a en tout cas pas envie de ressortir — et le fait valoir un peu sèchement. Il est trop tôt, cependant, pour dîner, comme elle le propose.

 

Comme j’aurai besoin d’argent le lendemain, je vais seul, dans le but de trouver un distributeur et de prendre un verre — ce qui me laissera le temps d’écrire un peu — en attendant l’heure du dîner.

M.-C. semble, elle aussi, avoir besoin d’un moment à soi, et elle me demande de se servir de mon ordinateur plutôt que de sa tablette, et je suis désolé — et me le reprocherai ensuite — de ne pouvoir le faire : je le dis peut-être un peu brusquement, mais c’est un « objet personnel » que je ne peux pas lui céder…

Le Corso Garibaldi est tout proche, et je trouve un bar à vin presque en face de la banque où j’ai retiré de quoi tenir jusqu’à la fin du séjour. Je commande un verre de pecorino dont la « robe » jaune doré révèle au nez des aromes étonnants (champignon ou fromage, dirais-je, moi qui n’ai aucun savoir œnologique).

 

Je médite, en buvant mon verre, sur l’escarmouche qui nous a opposés un court instant, M.-C. et moi. Tous deux sommes des « machines célibataires », programmées depuis trop longtemps pour vivre seuls, et, quoique je n’aie évidemment rien à lui reprocher, je n’ai pu que constater — autant qu’elle, j’imagine — que nous avons toutes sortes de fonctionnements bien arrêtés, différents — forcément différents.

Je goûte d’ailleurs assez cette parenthèse solitaire, par laquelle je cède à quelque pente imaginaire, tout en écrivant.

M.-C., de son côté, paraît se reprocher de me freiner dans mes élans à vouloir (fantomatiquement) étreindre, Venise, Vérone ou bientôt Padoue, à vouloir circonscrire la « forme d’une ville ». Elle dit ne pas être aussi alerte — ce n’est pas le mot qu’elle emploie, que je ne retrouve pas, mais c’en est à peu près l’esprit — qu’elle l’était autrefois. Elle croit que, sans elle, j’irais plus vite. Mais ce n’est pas le cas. (Je me rappelle Khadija lorsque nous étions à Berlin : la différence d’allure et d’appétit de musées ou de monuments était bien plus marquée. Cependant, Khadija avait revendiqué bien plus tôt son indépendance, et nous nous étions trouvé un terrain d'entente.)

 

Lorsque je rentre, M.-C. a préparé à dîner., ce qui est naturellement bien agréable.

 

 

Soir

J’ai tout de même dû l’agacer — pour une raison ou une autre. Elle me dit « homme à principes » (je suppose que cela concerne la vie matérielle et quotidienne, et non pas des « principes » moraux).

 

Suis-je — ou sommes-nous tous des monades — invivable(s) ? [« Pensée à préciser », ai-je écrit alors sur mon petit carnet. Mais je dois avouer en demeurer inapte ou incapable !]

 

*  *  *

 

La journée a été dense, quoi qu'il en soit, et nous nous couchons tôt.

 

 

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