Archives GA - Ce que je sais et ignore de J.-M. en douze clichés photographiques (10) - CDXXV
CE QUE JE SAIS et CE QUE J’IGNORE de J.-M.
en DOUZE CLICHES PHOTOGRAPHIQUES
10
J.-M. au port
C’est une photo dans un port de pêche. Entre J.-M. et Pascal, un homme à lunettes dont j’ignore l’identité. Il a le bras passé autour des épaules de ses compagnons, obligeant J.-M., à gauche, à incliner légèrement le haut du dos : j’en suis à peu près certain car J.-M. mesurait cinq centimètres au moins de plus que Pascal. Or, les trois têtes sont à égale hauteur.
Sous le blouson et le pull en V à torsades plutôt classiques, une de ces chemisettes à larges motifs colorés, qui ne laissaient jamais inaperçu J.-M. Il les choisissait avec un soin particulier, l’originalité étant le premier critère, chacune plus improbable que la précédente.
Je me souviens de l’une d’elles, rouge sang, dont les motifs étaient de gros poivrons jaunes ou verts et des aubergines violettes. Ses interlocuteurs le plaisantaient volontiers sur ces vêtements qu’eux n’auraient jamais voulu porter — moi le premier, qui aime les habits dont la première vertu est de me confondre à la muraille. J.-M. en tirait un orgueil singulier, en dandy baudelairien revendiquant pour lui le mauvais goût, tout au plaisir aristocratique, enivrant, de déplaire, et aimant à se singulariser...
Le ciel, en arrière-plan, est blanc. Blousons et pulls attestent que ce n’est plus la belle saison.
C’est un cliché sans grande importance, une photographie de vacances et de circonstance ; mais J.-M. et P, souriants, y sont photogéniques, et c’est pourquoi je l’avais choisi. L’équilibre des volumes et le cadre sont assez réussis, en outre.
(« Mai 93 ». Toujours cette période heureuse. Il y a vingt ans.)
« Biarritz », dira Pascal, nommant le tiers indiscret entre eux deux.
Je n’ai pas retenu de qui il s’agissait — ce monsieur à lunettes cerclées qui pourrait être n’importe qui, à l’instar de ce port qui pourrait être ailleurs, alors même que la physionomie du Port-Vieux de Biarritz, si j’en crois les images consultées sur Internet, paraît pleine d’attraits.
Le cliché, pour s’être centré sur les deux garçons que l’inconnu prend en recommandation et par les épaules, n’en a cure, de la même façon que les mâts blancs des chalutiers [?] semblent se distiller en buée dans le ciel blanc, trouble et liquide, comme en mal des oiseaux dont il est déserté...
(En écrivant ceci, je me suis souvenu que, ces deux ou trois dernières années, J.-M. avait renoncé aux chemisettes coruscantes, rutilantes ou bariolées...)