Archive GA - Ce que je sais et ignore de J.-M. en douze clichés photographiques (5-6) - CCCXCI
CE QUE JE SAIS et CE QUE J’IGNORE de J.-M.
en DOUZE CLICHES PHOTOGRAPHIQUES
5-6
J.-M. s'occupe d'enfants
Sur ce cliché-ci, J.-M. est assis, une petite fille dans les bras, souriant, attentif, attendri. La joue gauche s’incline vers la très petite épaule de l’enfant. Il est en chemisette noire, une paire de lunettes de soleil à la main. Des pilotis se dressent derrière lui ; des joncs et un arbre figurent en arrière-plan. Encore un lieu dont j’ignore tout. La petite fille, un doigt dans la bouche, une bavette nouée autour du cou qui suit les contours de la joue de J.-M. près d’elle, fronce les sourcils, l’air effaré. Le sommet du crâne d’un autre enfant se trouve au premier plan, cachant le bras de J.-M. sur lequel la petite est juchée. La photo est ancienne déjà, une douzaine d’années sans doute, sinon davantage.
J.-M. aimait beaucoup les enfants. Il avait avec eux un contact privilégié. Un de ses derniers plaisirs était le dialogue avec les deux fils — deux et cinq ans — de ses voisins. Il s’inquiétait beaucoup que le cadet volât la vedette au plus âgé, qui s’assombrissait à mesure. Or, c’est bien cette horreur de l’injustice qui le caractérisait.
(Aucune date à l’arrière de la photographie. Seuls figurent la marque et le type du papier sur lequel la photo a été tirée. La provenance est la même — même série, même époque — que pour la photo suivante.)
Plus tard : chacun s’interroge. Ce doivent être les enfants de J.-C. et C*. L’autre petite fille serait donc un garçon. Je m’en moque. Ce sont les relations de J.-M. aux enfants qui m’importent. Je lui enviais ce don d’être toujours avec eux de plain-pied. Sans jamais bêtifier.
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Je ne sais plus si j’avais ou non le projet d’écrire sur la sixième photo, très similaire. Dans mon jeu de treize clichés (La treizième revient — c’est encor la première), je ne sais plus vraiment comment j’avais conçu mes lames, ni comment j’entendais opérer — sinon que la symbolique du douze était évidemment très forte dans le hasard qui m’avait fait choisir et conserver treize photos au total, ce dont je ne m’étais aperçu qu’ensuite, en les comptant. La chemisette que porte J.-M. d’ailleurs pourrait être la même, auquel cas elle serait gris anthracite, car elle paraît plus claire sur ce sixième cliché.
Tout aussi penché sur l’enfant — plus âgé, assez en tout cas pour avoir la maîtrise de son geste (il tient en l’air un objet indéfinissable qu’il ne regarde pas) —, la tête et les épaules inclinées pour être à sa hauteur, souriant à nouveau, il semble vouloir apporter une aide bienveillante dans une activité éducative — ou ludique ? — que, la mine grave et concentrée, le petit garçon — si c’est bien un petit garçon... — a l’air de prendre tout à fait au sérieux. Une table au premier plan coupe l’un et l’autre à hauteur des aisselles, le reste de leur corps n’est qu’en amorce, couvrant en bas moins d’un dixième de la photo.
On peut imaginer que le photographe est le père ou la mère de l’enfant, qui s’est accroupi(e) pour prendre cette photographie presque frontalement, la contre-plongée n’étant pas trop accusée — un proche qu’aurait attendri la sagesse de cet enfant assis tout petit, tout sérieux, tout candide.
(Un très bel entrecroisement de courbes et de volumes – épaule gauche de J.-M., crânes des deux protagonistes, dossier rond de la chaise où se trouve assis à droite l’enfant, le bras de J.-M. y reposant et sa main fléchie dessinant un ultime arc descendant — compose la moitié d’une masse ovoïde, l’œuf ainsi formé n’étant pas dressé sur sa base la plus large et la plus propice à le faire tenir comme debout, mais sur son flanc, la partie renflée étant celle à gauche que dessine l’adulte — dont les cheveux cendrés nuancent heureusement le gris sombre de la chemisette —, lui comme arc-bouté sur la chaise au-dessus du petit garçon en une sorte d’aile enveloppante qui l’enserre.)