857 - En lombardes (versales ou tourneures) (V)
En lombardes (versales ou tourneures)
Paris-Milan-Turin-Milan-Paris
(21 avril – 5 mai 2018)
V
24 avril
Matin
Un mauvais sommeil d’une veille de départ a envahi ma nuit. Je suis réveillé tôt.
C’est alenti que je fais ménage et bagage avant de m’en aller.
Ce jour-ci est un jour de grève. J’espère (un RER sur deux circule, renseignements pris et horaires indiqués sur le site de la RATP) attraper le train de 11 h 48. Or, je m’en aperçois sur le quai après avoir machinalement usé un ticket de métro, j’ai oublié de prendre mon billet jusqu’à l’aéroport : je me trouve obligé de ressortir à la Gare du Nord. Alors que j’attends ensuite en sous-sol, sans voir d’affichage, une voix annonce un changement de quai. Je me hâte donc : il ne reste que quelques minutes pour trouver l’endroit, en surface en vérité, ainsi que me renseigne un commerçant peu amène à qui j'ai demandé où il se trouve.
Fin d’après-midi, Milan
Il fait beau, chaud. Le trajet de l’aéroport à la gare centrale est long, presque aussi long que la durée de vol.
Dans l'avion, j’étais près du hublot ; et j’ai pu admirer la vue frontale d’ouest en est sur Paris : l’arc de triomphe, les deux ailes du Louvre et même la pyramide, Notre-Dame, la bibliothèque François Mitterrand (je ne crois pas avoir précédemment vu cela) — sur les Alpes, ensuite.
A la gare centrale de Milan, j’aperçois les fresques évoquées par Aymeric la veille : je n’ai pas le temps de m’attarder toutefois, le train étant arrivé avec cinq grosses minutes de retard. Après avoir demandé deux fois mon chemin — la rue où je dois loger étant hors plan, néanmoins certain d’avoir pris la bonne direction —, j’arrive avec dix minutes de retard, Maurizio se tenant sur le pas de la porte de l’immeuble pour me cueillir.
Je le trouve sympathique. L’appartement, au rez-de-chaussée, est constitué d’une grande pièce à vivre que n’éclaire qu’une fenêtre. Le reste des lieux semble d’autant plus sombre que le lit — un canapé-lit déplié, m’apercevrai-je en y installant un drap du dessus — est logé dans une alcôve et que la salle de bain est borgne. La grande table en verre design de la cuisine éclairée par deux suspensions basses offrira toutefois l’espace rêvé pour s’étaler, écrire et cuisiner.
Je fais des courses dans une supérette toute proche, vivres que je complète dans un supermarché devant lequel je suis passé en arrivant. Il est tard quand je dîne. Après quelques repérages d'itinéraires pour le lendemain, je vais me coucher sans même avoir l’énergie de lire quelques pages...
25 avril
Matin
Il est neuf heures et quart lorsque j’arrive dans la cour qui mène à la Pinacoteca di Brera.
A l’extérieur ni même aux caisses il n’y a de file d’attente. Je maudis alors un peu Denis — comme souvent et par habitude —, qui m’avait conseillé de réserver ma place sur Internet. Voire, si j’en crois certaines indications, j’aurais peut-être pu bénéficier de la gratuité...
Dans un premier temps, je ne sais pas où donner de la tête, tant il me semble y avoir profusion d’œuvres. Malgré l’interdiction (?) — mais peut-être s’agit-il seulement de dissuader les gens de téléphoner —, j’allume la tablette. Je fais bien : les premiers clichés faits avec l’appareil photo de la Cappella di S. Caterina e S. Ambrogio sont assez ratés, et je devrai recourir à Internet.
© Internet
Caravaggio, Cena in Emmaus, 1606
Cerano (1573-1632), Giulio Cesare Procaccini (1574-1625), Morazzone (1573-1626), Martyrdom of St. Rufina and ST. Secunda (“The Painting by three Artists”) 1620-1624.
Je dois patienter longtemps avant de photographier le Christ mort de Mantegna : un père de famille assène tout un cours à ses deux enfants, qui me paraît moins concerner l’histoire de l’art que la vie de Jésus...
Au titre d’un clin d’œil à Paul, je photographie le Baiser de Francesco Hayez à la presque sortie des lieux…
Car, finalement, le lieu est plus petit que je ne l’imaginais, et j’en fais le circuit plusieurs fois, sans parvenir à capturer le Repas chez Simon de Véronèse. Peu importe d’ailleurs : c’est une si grosse machine que je ne saurais la prendre en entier.
Certains de mes clichés, sans doute parce que j’ai dû bouger légèrement, ne sont pas tout à fait à la hauteur du résultat escompté, et c’est sur la toile que, pour leur rendre justice, j’effectuerai quelques nouvelles captures au titre d’une mémoire supplétive, qui se substitue de plus en plus à ma propre mémoire, de plus en plus défaillante.
© Internet
Giovanni Baronzio, Stories from the Life ouf St Columba, circa 1345-50 (tempera on wood from the cathedral of Santa Colomba of Rimini)
Dans la salle centrale, la statue de l’empereur nu, athlétique, trône là, telle la variation sans doute de la statue de Canova vue à Londres, cette dernière, plus proche de sa version en bronze dans la cour des bâtiments déjà photographiée en entrant.
Napoléon s’affiche d’ailleurs un peu partout à l’extérieur du bâtiment, mais mieux vêtu — et je songe à ce propos que Stendhal avait à dessein choisi la date de 1796 pour l’ouverture de la Chartreuse puisque les armées, révolutionnaires encore, apportaient censément la liberté, même si sans doute déjà « Napoléon perçait sous Bonaparte »…
Napoleone re d’Italia, scolpito per l’arco della pace al sempione dal ravennate
Gaetano Monti MDCCCVII