862 - En lombardes (versales ou tourneures) (IX)
En lombardes (versales ou tourneures)
Paris-Milan-Turin-Milan-Paris
(21 avril – 5 mai 2018)
IX
28 avril
Matin, Milan
Je suis, peu de temps avant l’ouverture, devant le Castello Sforzesco, dont je visite les Musei dell Castello — le château comprenant divers musées, en vérité.
Je manque de temps pour tous les approfondir. Ainsi je ne fais guère que parcourir les salles principales du musée des instruments de musique, lesquels, comme à Vienne, ne m’importent que peu, n’ayant des ouïes d’un violon qu’un savoir à peu près nul — les miennes n'étant (et je m'en désole) que d'un savoir limité.
J’emporte cependant des divers lieux un important nombre de clichés, dont l’ultime sculpture de Michel-Ange, la Pietà Rondanini, exposée seule dans une assez grande salle (j’ai commencé par elle, et suis, en un dialogue idéal, tout aussi seul à la contempler) dont l’inachèvement émeut et s’abouche assez bien aux sensibilités modernes, qui préfèrent parfois ce qui ressortit à un work in progress, volontaire ou interrompu, aux œuvres accomplies.
Meubles, sculptures, fresques, tapisseries et peintures, entre autres chefs d’œuvre, me tirent par la veste à maint endroit du Museo delle Arti Applicate ou de la Pinacoteca, puisque c'est là surtout où je m'attarde.
Maestro di Trognano, Adorazione dei pastori, dopo il 1481 [last quarter of 400s], legno intagliato, dorato et dipinto [carved wood, gilded and painted
Andrea Mantegna, Madonna in gloria e Santi Giovanni Battista, Gregorio Magno, Benedetto et Gerolamo, 1497, tempera su tela
Antonio Allegri, detto Correggio, Ritratto di uomo che legge, 1517-1523, olio su carta applicata su tela
Agnolo Allori, detto Bronzino, Ritratto di Lorenzo Lenzi, 1527-1528, olio su tavola
Francesco Cairo, Orazione nell’orto, 1633-1635, olio su tela
Secolo XIV, Cristo in legno
Francesco Galli detto Francesco Napoletano, Madonna con Bambino (Madonna Lia), 1495 c., olio su tela (trasporto)
Agostino Busti detto il Bambaja, Statua funèbre di Gastone di Foix, commandante dell’armata francese, caduto a Ravenna nel 1512
Je donnerais sans ambages pour la main du maître ce très beau vieillard portraituré par Ribera.
Jusepe de Ribera detto Spagnoletto (attribuito a), Santo eremita, 1650 circa, olio su tela
A la sortie des lieux se trouve la réplique moderne de la sculpture de Michel-Ange, ce qui boucle la boucle de mon parcours.
Barry X Ball, Pietà, 2011-2018, Onice bianco traslucido dell’Iran, acciaio inossidabile, plastica ABS, Alluminio
* * *
Je prends congé de Maurizio, qui se montre très chaleureux, content, semble-t-il, que je lui ai laissé l’appartement en ordre.
Après-midi, Turin
Le train est en retard (il semble que dix minutes après l’horaire indiqué soient pour Trenitalia la norme d’une entrée en gare réussie !). A la sortie du métro, je ne retrouve pas mon ticket. Je pars ensuite dans une mauvaise direction, après les explications erronées d’un jeune homme accort à qui j’ai demandé ma route. Et quand je me trouve enfin devant la bonne adresse, j’ai vingt grosses minutes de retard. Je ne vois personne, mais me guettait une femme qui sort d’une automobile garée sur le trottoir d’en face.
Nous devons grimper trois étages. Ma logeuse, qui m’emboîte le pas, empoigne l’arrière de la valise. Le procédé est aimable, mais réfère peut-être — et moi de m’en vexer légèrement — à mes cheveux blancs.
Le studio est petit et, je m’en apercevrai lorsque je voudrai aérer le lendemain, borgne — ce qui rappelle Marrakech, le palais en moins. Un canapé-lit déployé fait office de couchage. L’ensemble est néanmoins bien aménagé. Après examen des placards ainsi qu’à l’usage, je constaterai divers manques pour cuisiner : huile, vinaigre, poivre... Alors que je croyais qu’il n’y avait pas de poêle, j’en trouverai deux plus tard à l’intérieur du four.
Je m’y reprends à plusieurs fois avant d’installer le WiFi du fait d’un mot de passe à rallonge que saturent différents caractères ambigus (chiffres ou lettres, majuscules ou minuscules).
La chaleur des jours précédents s’est massée à l’intérieur, et je dormirai en mettant en route le climatiseur.
Après m’être acheté une Torino + Piemonte Card à l’office du tourisme afin de bénéficier d’entrées gratuites ou réduites dans certains musées, je me promène dans Turin où je circule bien mieux que je n’ai pu le faire à Milan, obligé, de par la taille de la ville, d’effectuer des coupes claires en métro. Ici, l'on va de place en places, d’arcade en arcades, les unes et les nouvelles toutes très différentes d’un endroit l’autre.
J’achète une poêle (puisque, sans avoir songé à ouvrir la porte du four, je n’en avais pas vu dans l’appartement) particulièrement bien soldée. Je ferais rire R. (si j’avais le cœur à rire — du moins avec lui —, R. qui s’invite d’ailleurs dans mes rêves de temps à autre ces dernières semaines, sans que je l’aie naturellement sollicité, ce qui ne laisse pas de m’agacer un peu — et que je congédie au réveil), ayant souvent rapporté de mes voyages avec lui, non des articles achetés dans des magasins de souvenir, mais tel ou tel article culinaire rare ou à prix avantageux…
Je fais aussi des courses dans un magasin du centre ville, puis dans un petit supermarché de quartier alors que je rentre dîner.
Soir
Il est presque vingt-deux heures quand je me décide à sortir.
Je prends mes premières photographies de nuit. Il ne faut pas que les gens bougent : ils laissent sinon des sillons lumineux...
Le résultat est néanmoins bien meilleur qu’avec le précédent appareil — de plus en plus remisé.
Comme pour donner raison à Stendhal sur le tempérament italien, les gens croisés sont exubérants, démonstratifs et joyeux dans les rues.
Un orage me surprend à la sortie du métro. Je descends à rebours l’escalator pour éviter d’être trempé et endosser la sorte de K-way que j’emporte partout en cas de nécessité.