873 - En lombardes (versales ou tourneures) (XVIII)
En lombardes (versales ou tourneures)
Paris-Milan-Turin-Milan-Paris
(21 avril – 5 mai 2018)
XVII
5 mai, Paris
Des amies de Pascal et F. doivent arriver dans la journée. Je fais place nette en fin de matinée. Je laisse un mot pour dire que je récupérerai les bagages aux alentours de 17 heures, avant de prendre le train.
Une messe d’enterrement a lieu alors que j’entre à Saint-Denys-du-Saint-Sacrement. Je prends donc à la dérobée mes clichés de la Pietà de Delacroix.
Je vais voir ensuite Call me by your name, dont m’avait parlé Aymeric. L’Italie du nord s’invite à nouveau sans que je l’aie vraiment cherchée.
Je mange un sandwich vers les 13 h 30 sur un banc du Boulevard Beaumarchais tout en trouvant insupportables les décibels ambiants. Je me rends à pied jusque Saint-Paul ensuite avec l’envie d’y entrer, mon souvenir restant flou du lieu.
Je ne le fais toutefois pas et prends un demi dans un bar tout proche.
Je poursuis jusqu’au quartier latin où j’achète dans la librairie où je n’avais pu entraîner N*** la veille deux ouvrages de Mathieu Riboulet, dont l’un d’occasion.
Nous échangeons des SMS avec N*** durant tout ce temps. Je m’amuse de ces messages croisés, sans savoir encore ce qui va fondre sur moi.
Je me pose dans un bar où nous sommes déjà allés, lui et moi, et découvre alors en consultant le dépliant pris le matin au sujet d’un « parcours artistique » Delacroix que Saint-Paul, où je n’ai pas voulu entrer en le matin, abrite un Christ au jardin des Oliviers.
Je me mets en route pour le voir.
Je continue ma flânerie jusque Bastille. C’est la fin de la Fête à Macron, et je prends un dernier cliché, que je destine à T.
Pour être à l’heure en toute certitude, je prends le métro. D’ailleurs, j’ai beaucoup marché.
Je le constate en venant prendre mes bagages rue P*** : les amies de Pascal et F. ne sont pas encore arrivées.
Soir, ****
Je ne parviens tout d’abord pas à éditer l’archive GA concernant J.-M. (le document nécessiterait la dernière version du traitement de texte utilisé par ma tablette) et je suis au comble de l’agacement de ne pouvoir le faire, le numérologue crétin que je suis tenant à rééditer à tout crin ces textes écrits aussitôt après son décès le 5 mai 2013, il y a tout juste cinq ans.
De guerre lasse de n’y parvenir, je finis par télécharger la version la plus récente du logiciel défaillant, ces admonestations au téléchargement me semblant toutefois moins persuasives que spécialement invasives…
6 mai
En défaisant mes bagages, je me rends compte que j’ai oublié le chargeur de ma tablette chez F. et Pascal : les SMS de N*** sur la mémoire immédiate de la veille résonnent ironiquement.
Je ne sais pas encore que le lendemain il déchaînera sur moi sa fureur que j’aie pu consommer une bière quand lui ne le peut plus…
[Et le 12 encore, après quelques courriels de la même eau, il m’accueillera fraîchement quand j’enverrai un SMS pour son anniversaire. Encore ce message sonnera-t-il assez tristement et donnera-t-il de son comportement une explication, du moins indirecte…] Cela me rappelle quand j’étais rentré de Lille, ce qui suscite toute une mémoire négative à son endroit : sur le moment, j’avais cru à quelque mauvaise phase qu’il aurait traversée, tant et si bien que je n’avais pas avoué son prénom dans mes retranscriptions alors de la soirée, laissant une chance à ces instants calamiteux de passer à la trappe ou dans les limbes des mauvais souvenirs.
Je m’en ouvre, entre autres considérations, dans un message pour Aymeric le surlendemain.
8 mai
Bonsoir Aymeric,
Me voici rendu at home, tel Ulysse après qu’il a fait un beau voyage…
Le croiras-tu ? La première chose que j’ai faite, après avoir posé sacs et valise, est d’aller voir le jardin. En à peine plus de quinze jours, la végétation s’est terriblement étoffée — et le liseron jaillit de toutes ses racines. J’ai arraché, souvent sans les racines, les multiples rejets de la plante, en me désespérant d’un combat que je me dis perdu.
Cet après-midi, y retournant, j’ai constaté que lierre et liseron s’en étaient déjà donné à cœur joie, et j’y ai passé plus de temps encore. En outre — est-ce toi qui m’en avais parlé ? je suppose que oui, à moins que ce ne soit M.-C. depuis —, je n’y avais pas prêté attention en rentrant, les deux buis sont attaqués par un parasite vorace, et je crois bien qu’ils sont à demi morts déjà.
Les deux derniers jours à Paris ont été très actifs. Le vendredi matin, je suis allé voir l’exposition autour des portraits de Corot, tout en m’attardant bien sûr à revoir les Monet : j’ai pensé à toi et à notre visite à l’Orangerie en stationnant longuement devant l’un d’eux pour essayer — véritable gageure — de donner à mon cliché, au moyen du colorimètre de la tablette et autres correctifs, les couleurs du tableau d’origine : toutes les couleurs sont ressemblantes, sauf les jaunes plus intenses et dorés que sur la photographie vainement retouchée.
L’après-midi, j’avais rendez-vous avec N*** au Luxembourg. Croyant que […] il aurait la gratuité au Musée du Luxembourg, je lui ai proposé de visiter l’exposition Tintoret. Las, non seulement il a dû s’acquitter du tarif réduit, mais il n’a que modérément apprécié les sujets religieux et mythologiques en nombre — si l’on peut dire, d’ailleurs, car la surface d’exposition eu égard au prix demandé me paraît toujours ne pas être en proportion… —, tandis qu’il a fui devant les fresques de Delacroix à Saint-Sulpice. Nous avons pris un verre (lui, un jus d’orange, moi, un demi — voir ci-après) à la terrasse d’un café tout proche du Luxembourg.
Le soir, j’ai dîné avec Patrice le frère de J.-M. dans un restaurant thaï proche de chez lui, et nous avons devisé agréablement.
[…] Depuis, j’ai repris […] le cours des habitudes.
J’ai vu M.-C. dimanche, nous avons passé une fin d’après-midi en terrasse puis un début de soirée qui nous a à peine télétranportés du P*** au restaurant turc tout proche, moment agréable qui nous a l’un et l’autre — je crois — détendus (après, notamment, que j’ai cru pour ma part avoir égaré des [documents] dans un train ou un aéroport ; pour la sienne, parce que, quoique démissionnaire du poste de Présidente de son association, elle [est] toujours sollicitée — et aux abois de voir les agissements de qui la remplace…).
Hier, dîner avec T., que j’étais content de revoir. A un peu gâché le moment une salve de mails de N***, se plaignant, trois jours après, que j’aie bu sous son nez un demi alors qu’il ne boit plus d’alcool ni ne mange plus de fromage (je relie ainsi certains pointillés concernant notre repas du jeudi soir qui n’a pas eu lieu, mais, quoique m’ayant dit qu’il préférait éviter les bars et restaurants afin de se soustraire aux tentations, je n’imaginais pas que ce fût si violent… — violent comme d’ailleurs le dernier envoi, comminatoire : « J'ai longtemps joué la variable d'ajustement, maintenant il va falloir s'ajuster à moi, ou m'oublier ! ».) J’étais d’autant plus surpris que, samedi, sur son initiative, nous avions communiqué par SMS et qu’il n’avait rien laissé transparaître de quelconques agacements… Je n’ai pas encore répondu, pour ne pas céder à l’agacement.
J’ai déjeuné chez mes parents aujourd’hui. Mon père nous a réunis ensuite chez ma sœur. Il va vendre le camping-car, qu’il vient juste d’acheter. Il a écourté leur escapade tant il avait mal au dos. En outre, ma mère n’a guère envie de quitter l’habitacle du véhicule, celui-ci plus étroit que le précédent, tant et si bien qu’ils se cognent l’un à l’autre… Le plus triste est que, ce faisant, il renonce à toute forme de voyage pour elle et lui, ma mère n’étant plus intéressée par rien…
Je joins à mon envoi le document qui vaut pour imprimatur. Tu noteras d'ailleurs peut-être un certain nombre d'échos entre ce que nous nous sommes dit cette fois-là et la toute dernière…
Je cesse ici (mais j’ai déjà fait long !) et t'adresse toutes mes amitiés,
Romain
Je me dis alors que, oui, la tristesse durera toujours — au moins jusqu’au prochain voyage !
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Postscript
1 - [27 août :] Après mon retour de Belgique, je trie les cartes postales rapportées de mes derniers séjours. M’étaient entièrement sorties de mémoire ces deux cartes achetées au Museo Egizio de Turin, la première reproduction parce que la sculpture se trouvait sous vitrine, l’autre, parce que la scénographie de la salle l’inondait de lumière.
Gruppo scultoreo : il faraone con il dio Amon, 1333-1323 a.C. (Nuovo Regno, XVIII dinastia, regno di Tutankhamon)
2 - Les initiales lombardes, également connues sous le nom de lettre tourneure ou lettre versale, ont été utilisées durant tout le Moyen-Age.
L’intérêt de ces belles et élégantes lettres [des lettrines, en fait] réside dans l'étude de leur dessin et la découverte d'innombrables techniques telles que couleurs, ornementations, jeux sur le trait, déstructuration, rapport fond/forme, etc.
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