880 - Prolégomènes à toute belgitude future (5)
Prolégomènes
à toute belgitude future
(Metz - Paris - ****)
(22 juillet - 12 août 2018)
V
Nuit du 1er au 2
J’ai fini par me coucher, sans attendre davantage Patrick, le frère de Pascal.
Je l’entends rentrer et s’installer entre 23 heures et minuit, mais n’ai ni la force ni l’envie de me relever.
La porte fermée mais la fenêtre ouverte, j’ai chaud et j’entends tous les bruits de la rue. Je finis par m’endormir, mais très tardivement.
2 août
Matin
Patrick me réveille : j’entends une porte s’ouvrir, puis couler la douche.
Je me lève et prépare un café.
Nous avons une de ces conversations sagement météorologiques, qui, pour être plates, font le sel de toute fadeur. Je lui raconte aussi [Dieu sait quoi, ma notation étant bien trop incomplète aujourd’hui pour que je sache de quoi il pouvait s’agir…].
Il part bientôt (travailler — il a décliné l’idée de déjeuner, car le premier acte de sa journée de travail consiste en un déjeuner convivial, précisément : je m’étonne de ces mœurs managériales modernes et certainement trompeuses, tant au plan du travail que de l’aménité…).
Je le charge d’embrasser F. et Pascal pour moi.
Je reçois un message de B. qui me dit n’être « pas sûre d’être disponible avant [s]on départ » en vacances.
Je travaille un peu.
Après-midi
Après une sieste où j’ai dormi d’un sommeil lourd, j’écris à N*** pour l’inviter à dîner. Il me répond presque aussitôt : « Je ne mange plus que certains végétaux non transformés, ça va être compliqué. Et puis je ne serai pas dans mon assiette, j’ai un souci depuis quelques mois qui me rend particulièrement irritable… Je t’écrirai quand tout ça sera réglé. » Je me le tiens pour dit (je m’étais convaincu, de toute façon, qu’il fallait que je reprenne contact… sans pour autant croire à un sursaut de chaleur de sa part. Au moins confesse-t-il à demi s'être montré irritable). Deux minutes plus tard, je reçois cet autre SMS : « En plus c’est ptre contagieux… », auquel je me demande quel crédit apporter.
Je réplique par un message qui remet à plus tard, de la façon la plus neutre qui soit, mais affectueuse — je ne tiens pas à laisser paraître mon agacement —, l’idée de se voir.
J’envoie aussi un message à Duncan.
Et — après cinq ans — à Etienne.
* * *
Je vais au Louvre, persuadé que jeudi est le jour d’ouverture nocturne.
Je n’aurai le temps que de réviser la peinture italienne.
Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510), Florence et les trois Grâces offrant des présents à une jeune fille. Vers 1483-1485. Fresque.
Bernardino Luini (vers 1485-1532), Salomé reçoit la tête de saint Jean Baptiste
Raffaello Santi, dit Raphaël (1483-1520), Saint Michel terrassant le dragon dit le “Petit saint Michel” ; Raphaël, Saint Georges luttant avec le dragon.
Raphaël, Portrait de Baldassare Castiglione
Agnolo di Cosimo di Mariano Tori, dit Bronzino (1503-1572), Portrait d’homme tenant une statuette
Antonio Allegri, dit Corrège (1489-1534), le Mariage mystique de sainte Catherine, devant saint Sébastien, peinture sur bois (peuplier)
La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne attire plus de monde que naguère, peut-être parce que plus lumineuse après sa rénovation — tandis qu’il me semble la presse moindre, en revanche, devant la Joconde que d'ordinaire (peut-être à cause de l'heure avancée de l'après-midi).
Bernardino Luini, le Sommeil de l’Enfant Jésus
« Le thème du sommeil de Jésus doit être compris comme une préfiguration de la Passion du Christ, le sommeil symbolisant la mort et le linge étalé par l’ange faisant allusion au suaire » (précise un cartel).
Tiziano Vecellio, dit Titien (1488/1490-1576), les Pèlerins d’Emmaüs, vers 1530
« Dans l’Evangile selon saint Luc (24, 13-35), Jésus apparaît le jour de sa résurrection, au cours d’un repas à Emmaüs, deux disciples, Luc et Cléophas, qui le reconnaissent à la fraction du pain. Le visage serein du Christ apparaît au-dessus d’une nappe blanche préfigurant la messe : les symboles de l’Eucharistie y composent de façon réaliste une des plus belles natures mortes de la peinture vénitienne. La pyramide de sel évoque en outre le rôle que Jésus assigne à ses disciples : “Vous êtes le sel de la terre” (Evangile selon saint Matthieu, 5, 13) » — dixit un autre cartel. (Cette représentation de l'épisode évangélique est évidement très différente de celle vue au printemps à Milan sous la palette du Caravage.)
Titien, Allégorie conjugale, dite à tort Allégorie d’Alphonse d’Avalos, vers 1530
« Titien crée dans cette œuvre le protocole du tableau de mariage, un genre qui a fait fortune à Venise. Les époux sont travestis en Mars et Vénus, accompagnés des divinités protectrices du mariage : Cupidon portant des flèches, Vesta couronnée de myrte, Hymen tendant une corbeille de fleurs et de fruits. La boule de cristal tenue par la femme comme si elle voulait y lire l’avenir et les expressions mélancoliques des personnages ont fait interpréter la scène comme allégorie de la Séparation après le départ ou la mort de l’un des deux époux [!] » — peut-on lire encore.
Je photographie du mieux que je peux les Caravage de la galerie, quitte à me décaler quelque peu, pour atténuer tout surplus de lumière. L’un est la variation d’un tableau vu à Rome, Musei Capitolini, avec ou sans gant pour le jeune homme (il me semble que je préfère la version romaine). L’autre représente Alfo de Wignacourt, le protecteur du peintre lors de son séjour à Malte.
Michelangelo Merisi dit Caravage (Caravaggio) (1571-1610), la Diseuse de bonne aventure (1595-1598) [© Internet pour la version romaine]
Le dernier est la mort de la Vierge. « Commandé en 1601 pour l’église Santa Maria della Scala in Trastevere de Rome, ce tableau n’a dû être achevé qu’en 1605/ 1606. Refusé par les moines de l’église, il fut remplacé par une œuvre du même sujet peinte par Carlo Saraceni. » De fait, la peinture de la Vierge sous les traits d’une morte ordinaire a pu déplaire, de même que — j’y songe en raison d’une similitude de teintes terreuses — dans le tableau à Syracuse consacré à l’ensevelissement de sainte Lucie les deux fossoyeurs occupant théâtralement le premier plan pouvaient paraître reléguer au second la sainte, la scène étant par ailleurs écrasée par l’épaisse hauteur de la muraille à l’arrière-fond (qui m’avait donné, à tort estimé-je rétrospectivement, la sensation d’un inachèvement).
Caravage, la Mort de la Vierge, 1601-1605/ 1606