898 - A l'anversoise (8)
DANS ANVERS, DANSE ANVERSOISE
(AnverS, AverS et Endroits)
[titre provisoire ?]
WORK in PROGRESS
Journal extime
(Bruxelles - Anvers - Gand - Bruges : 13 août - 25 août 2018)
8
18 août
Matin
J’achète à l’office du tourisme de la gare un titre de transport valable pour vingt-quatre heures. Je me fais donner un plan. Je visite aussi la gare et son buffet.
Puis la cathédrale.
Frans Floris, le Combat des anges rebelles, Retable de la Guilde des Hallebardiers, 1554, Huile sur panneau, 308 x 220 cm « […] Le dynamisme effréné de ce retable rappelle le Jugement dernier de Michel-Ange. On y reconnaît aussi l’influence d’Albrecht Dürer. Cette peinture, qui est indubitablement la plus connue de Floris, était au XVIe siècle le plus grand retable de la cathédrale. »
Pierre-Paul Rubens, l’Erection de la croix, 1609-1610, Huile sur panneau, 460 x 340 cm (panneau central), 460 x 150 cm (panneaux latéraux)
Pierre Paul Rubens, la Descente de croix, Triptyque de la Guilde des Arquebusiers, 1611-1614, Huile sur panneau, 421 x 311 cm (panneau central, 421 x 153 cm (volets latéraux)
« Les arquebusiers voulaient que le triptyque fût consacré à leur saint patron, saint Christophe. Les prescriptions iconographiques de la contre-réforme ne permettaient toutefois pas de faire de la vie des saints le thème principal d’un retable. Rubens a imaginé une solution ingénieuse. Christophe signifie “celui qui porte le Christ”. Sur la peinture sont représentés de nombreux porteurs du Christ. Sur le panneau du milieu, le corps sans vie de Jésus est soutenu par Jean ; sur le panneau de gauche, Marie le tient dans son giron maternel et, sur le panneau de droite, le vieux Siméon le tient dans ses bras. Un Christophe imposant prêche sur les panneaux extérieurs. »
Quentin Metsys, la Déploration du Christ, Retable de la corporation des menuisiers, 1509-1511, Huile sur panneau, 260 x 263 cm (panneau central), 260 x 120 cm (volets latéraux)
Indifférents au tableau de Maerten de Vos représentant les Noces de Cana, un groupe de touristes écoute sagement, religieusement son guide qui lui commente le Rubens lui faisant front — non, certes, que cette huile sur panneau soit aussi maîtrisée que celle du maître de la peinture flamande en face, mais je trouve l’œuvre assez réussie, en dépit des réserves (explicites ou implicites) du commentaire qui l’accompagne…
Maerten de Vos, les Noces de Cana, triptyque de la corporation des débitants de vin, 1597, 268 x 235 cm
— mais je ne suis pas certain que les regards ne soient pas un peu vides et détachés de leur fonction de regardeurs…
Et je m’amuse de cette représentation, bien dans le goût et l’exécution de l’époque, d’une madone à l’enfant sollicitée par des protagonistes de la Grande Guerre en prière, qui me rappelle l’album de cartes postales que j’ai en héritage de mon grand-père maternel, beaucoup datant de ce moment.
La chaire, comme d’ordinaire, est exubérante.
— et le stalles sont évidemment saisissantes aussi.
Ma crainte étant grande grande d’avoir raté toutes mes prises, j’achète quelques cartes postales à la sortie.
— Et c’est sans doute lors de ma visite de ces lieux que je perds — à moins que ce ne soit auparavant — mon étui à lunettes en liège acheté dans une rue de Porto. Cette perte m’afflige car j’en aimais le poids plume du liège.
Après-midi
Ni à la gare, ni à la cathédrale, on n’a retrouvé mon étui.
Je poursuis mon tour des églises. Un office a lieu pour célébrer un mariage à Sint-Carolus-Borromeuskerk (l’église Saint-Charles-Borromée).
Je diffère ma visite et en photographie la façade (dessinée par Rubens).
Je ne sais si le bus anglais a été loué par la noce, mais tous ces gens sont en grande tenue, et il m’amuse ensuite qu’une petite voiture y figure à sa façon un carrosse nuptial.
Lorsque je reviens, le cortège nuptial se dirige vers l'extérieur, les mariés sortant en dernier (j’ignore tout à fait si c’est la coutume !).
Je visite donc les lieux en toute quiétude, avant l’arrivée de touristes. Les stalles sculptées comme autant d’anges complices de ma déambulation s’avèrent des confessionnaux...
On accède à l’étage supérieur, d’où je prends quelques photographies.
Je pousse ensuite jusqu’à une chapelle — dont j’ai perdu le nom, mais qui me paraît d’un intérêt médiocre.
* * *
Comme pour la cathédrale le matin, il faut payer pour accéder à Sint-Jacobkerk.
Rubens y est enterré. C’était, m’apprend le guide, sa paroisse, là où il s’est remarié avec Jeanne Fourment, là où — donc — il demeure (RIP).
« Il avait lui-même choisi l’œuvre qui décore sa chapelle funéraire : Notre-Dame entourée des saints (1634) » et s’est représenté en saint Georges.
* * *
Il est trop tard pour espérer faire le tour du Musée Mayer Van den Berg. Je déambule donc sur le Meir en découvrant cet incroyable temple des marchands comme pendant à mon tour des églises,
cependant que la Gare centrale à laquelle j’accède fait songer à quelque église orthodoxe ou mosquée.
Entre-temps, j’achète assez absurdement un portefeuille à 10 €, au prétexte que le mien, souvenir de Marrakech, pourrait bientôt être hors d’usage. Je renonce à un nouvel étui à lunettes, assez grossier et mal fini (le portefeuille n’est pas non plus un modèle du genre, mais est tout de même de meilleure facture).
Je prends ensuite une bière brune (une Westmalle, plutôt douce, dont j’apprendrai qu’il s’agit d’une bière trappiste brassée à l’abbaye cistercienne de Westmalle, village à quelque trente kilomètres d’Anvers) non loin de la Groen Plaats.
Soir
Je m’exhorte à sortir, d’autant que John est rentré : or, je le sais, il va multiplier les appels téléphoniques, notamment avec sa femme et son fils, auquel il va lire son histoire du soir de sa voix de stentor... Certes, j’accuse un peu la fatigue accumulée ces jours-ci — à la mi-journée, le téléphone mobile indiscret m’annonçait triomphalement, sans que je le lui aie demandé, que j’avais déjà fait les dix mille pas (près de quinze mille, en vérité) —, mais j’ai préféré voir la nuit tomber ailleurs... — ce que je fais à une terrasse proche du parvis de la cathédrale en compagnie d’un verre de chardonnay italien qui, moins tonitruant, sait murmurer à mon palais de tout son velours jaune.
Je retourne ensuite dans le même bar que la veille, laissant le garçon — toujours blond, toujours charmant (si je ne suis pas du tout certain que ce soit le même) — décider à ma place de la sorte de genièvre, dont j’ignore jusqu’au goût, qui pavoisera mon arrière-gorge. C’est moins mauvais que ce que j’avais craint, même si cela manque de subtilité...
(Cependant, je m’en rends progressivement compte, ce n’est pas le même garçon, plus exubérant, plus extraverti, plus souriant mais plus blond et moins profond que ne l’était la veille le serveur. Le secoue de temps à autre une toux rauque de fumeur (il paraît jeune pourtant).)
Je bois à courtes lampées — cela en allonge l’absorption — cet alcool moins chaleureux que le cognac espagnol servi par Hassan à Grenade lors d’une rincée mémorable...
Tout cela fait beaucoup d’alcool au bout du compte — et je juge qu’il est temps de rentrer.